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La tournée du Président Donald Trump au Moyen-Orient
Quels résultats ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le premier déplacement à l’international du Président Trump a eu lieu dans les pays arabes du Golfe du 13 au 16 Mai 2025. Trois pays ont été visités : l’Arabie Saoudite, le Qatar, et les Emirats Arabes Unis, qui lui ont réservé un accueil royal.
Ce sont les enjeux économiques qui ont été au cœur du voyage, c’est ainsi que le président américain a obtenu de l’Arabie Saoudite une promesse d’investissements de 600 milliards de dollars, qui a été portée à 1000 milliards de dollars sur quatre ans à la demande du président. Les contrats ont porté tout d’abord sur les achats militaires, des transactions dans les secteurs énergétiques et miniers pour un montant de 100 milliards de dollars.
Un forum d’investissements américano-saoudien s’est réuni dans la capitale Ryad où étaient présents des dirigeants de grandes entreprises américaines telles qu’Amazon, Google, IBM, et plusieurs dirigeants de haut niveau tels qu’Elon Musk PDG de Tesla et David Sachs grand spécialiste de l’intelligence artificielle et de la cryptomonnaie de la Maison Blanche. Le Qatar a conclu de son côté des transactions totalisant 200 à 300 milliards de dollars, dont l’achat d’avions commerciaux Boeing et de drones MQ-9 Reaper.
L’Emir de Qatar a offert au Président Trump un luxueux Boeing 747-8 surnommé « Palace volant » évalué à 400 millions de dollars. Or la Constitution américaine stipule qu’aucun titulaire d’une charge publique ne peut accepter de présent de « Quelque Roi, Prince ou Etat étranger sans le consentement du Congrès ». L’administration Trump a rejeté toute préoccupation d’ordre éthique ou constitutionnel, et le président américain a précisé « Ce n’est pas un cadeau pour moi, c’est un cadeau pour le département américain de la défense » en remplacement des deux avions présidentiels 747-200 « Air Force one » vieux de 35 ans. Il a cependant précisé que cet avion reviendrait au Fonds Trump après la fin de son mandat, et que ses successeurs ne pourront pas l’utiliser. Quant aux Emirats Arabes Unis, ils sont annoncé 1400 milliards de dollars d’investissements américains sur une décennie.
La famille du président américain a également des intérêts importants dans les pays du Golfe. Le Trump Organisation codirigée par ses deux fils, mène des affaires lucratives dans la région du Golfe. C’est ainsi que le conglomérat a annoncé des ententes de plusieurs milliards de dollars avec des promoteurs de la région pour des projets immobiliers luxueux : le Trump International Hôtel à Dubaï et Djeddah, de même qu’un Club de Golf et un complexe immobilier à Qatar. L’Empire familial a déjà concrétisé des projets en Arabie Saoudite, à Oman, et aux Emirats Arabes Unis. D’autre part, le World Liberty Financial, une entreprise de cryptomonnaie liée à la famille Trump, a indiqué que des fonds d’investissements publics MGX des Emirats Arabes Unis avaient choisi sa cryptomonnaie USD1 pour un investissement de 2 milliards de dollars dans la plateforme Binance. World Liberty compte parmi ses cofondateurs Steve Witkoff, l’envoyé du président américain au Moyen-Orient et émissaire du président en Russie. Le gendre du Président Trump Jared Kushner, propriétaire de la Société d’investissement Affinity Partners, a également bénéficié d’un investissement de 2 milliards de dollars du Fonds souverain saoudien lancé en 2021.
Sur le plan politique, signe de l’importance du Royaume saoudien pour le président américain, c’est dans ce dernier pays que son administration a entamé des pourparlers avec la Russie sur la guerre d’Ukraine, qui n’ont d’ailleurs abouti à aucun résultat concret. Durant son premier mandat, le Président Trump a refusé de condamner le prince héritier Mohamed Ben Salman (MBS), que le Sénat américain avait jugé responsable du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khassogi. D’ailleurs lors de sa visite à Ryad, Donald Trump a apostrophé MBS : « Tu le sais n’est ce pas ? Je t’aime trop » et il a ajouté « Qu’est ce que je ne ferai pas pour cet homme ». Voulant se placer en « Homme de paix », le président américain a signé un accord de cessez-le-feu avec les Houtis, de même qu’il a ouvert des négociations directes avec l’Iran sur le nucléaire, et qu’il a négocié avec le Hamas la libération du dernier otage américain-israélien. De même, et c’était une surprise, le Président Trump a reçu en Arabie Saoudite le 14 Mai dernier Ahmed Al Charaa président par intérim de la Syrie qu’il a qualifié « d’homme séduisant », et a supprimé les sanctions américaines contre ce dernier pays. Avec également la promesse de levée des sanctions par l’Europe, cela va contribuer à stabiliser le nouveau régime syrien.
Donald Trump a également brièvement abordé la situation dans la bande de Gaza qui est assiégée et ravagée par l’armée israélienne pendant 19 mois. Il s’est exprimé sur cette guerre en disant « Nous allons faire en sorte que ce soit réglé, beaucoup de gens sont affamés ». Cependant le 15 Mai à Qatar, il a reparlé de son projet irréalisable de Gaza : « Nous allons prendre le contrôle de ce territoire pour en faire une zone de liberté ». D’autre part depuis sa réélection, le Président Trump a continué de livrer des armes à Israël, et n’a pas pris aucune sanction contre ce pays pour lui imposer un cessez-le-feu. D’ailleurs Israël n’a jamais subi de sanctions, ni des Etats-Unis, ni de l’Europe, alors qu’ils ont sanctionné sévèrement la Russie après son invasion de l’Ukraine. Rappelons que c’est grâce aux sanctions et à l’embargo général, qui ont permis à l’Afrique du Sud d’éradiquer l’Apartheid. La situation est d’autant plus dramatique actuellement, que le gouvernement de Netanyahou a décidé de reconquérir la bande de Gaza en intensifiant les frappes aériennes et les opérations terrestres.
En conclusion, on ne peut que déplorer la politique de Donald Trump prioritairement basée sur le « Business » plutôt que sur la politique. Il est également dommageable qu’il soit avec sa famille juge et partie entre les milieux d’affaires et son pouvoir politique. On peut regretter également son soutien inconditionnel à Israël, en n’imposant pas l’arrêt immédiat de la guerre à Gaza, qui fait quotidiennement une centaine de morts palestiniens, et qui transforme ce territoire en champ de ruines. Il fait la promotion auprès des pays Arabes des Accords d’Abraham qui ne prévoient pas l’instauration d’un Etat palestinien, qui est la seule solution pour régler ce conflit israélo-arabe qui dure depuis 77 ans (1948-2025). A noter enfin que l’intérêt des pays riches du Golfe pour de bonnes relations avec les Etats-Unis a pour but d’acheter les armes américaines les plus sophistiquées, et d’obtenir la protection américaine contre les menaces de l’Iran. Il est dommage qu’ils n’ont pas priorisé la guerre à Gaza en demandant à Donald Trump de faire pression sur Israël pour un cessez-le-feu, et en défendant la création d’un Etat palestinien. Il faudrait également qu’ils aident financièrement davantage la Palestine à l’instar de Bayt Mal Al Qods financé par le Maroc pour aider la population de Jérusalem.
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