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Printemps 2011
Gloire aux peuples Arabes

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Longtemps considérés comme soumis et fatalistes, les peuples arabes se sont révoltés d’une façon extraordinaire et courageuse. Les jeunes se sont merveilleusement servis des moyens modernes de communication dont Facebook. Tout a commencé le 17 Décembre 2010 par la tentative de suicide de Mohamed Bouazizi. Ce jeune tunisien qui a fait des études jusqu’au niveau de la terminale, était vendeur ambulant et le soutien d’une famille de sept enfants. Suite à la confiscation de son outil de travail, il a été giflé par les agents municipaux, puis s’est immolé par le feu devant le gouvernorat de Sidi Bouzid. Le martyr Mohamed Bouazizi est décédé le 4 Janvier 2011.

La série des révolutions arabes commence d’abord en Tunisie, puis tel qu’un tsunami a déferlé sur l’Égypte, la Libye, la Syrie et le Yémen. Tous ces pays étaient gouvernés par des dictateurs pendant des décennies. Utilisant la force, l’intimidation et l’élimination physique des adversaires politiques, ils ont pu rester en place grâce au népotisme et à la corruption généralisée. L’Occident (Etats-Unis et Europe) ont fermé les yeux sur ces régimes despotiques pour des raisons économiques et sécuritaires, par crainte de l’instauration de régimes islamiques radicaux dans ces pays. Les peuples de ces pays ont vécu dans le manque de dignité, l’absence de libertés, le mépris des droits de l’homme, la pauvreté et la misère.


L’étincelle qui a provoqué le mouvement révolutionnaire a été comme on l’a dit la tentative de suicide du martyr Bouazizi. En Tunisie, Ben Ali s’est accaparé de tous les pouvoirs politiques grâce à un régime policier, qui écartait ou emprisonnait tous ses adversaires. Sur le plan économique, sa famille et surtout son épouse, se sont emparées de la fortune du pays, obligeant tout investisseur national ou étranger à verser son obole à la famille. Ben Ali pensait que grâce aux progrès économiques réalisés par son pays (tourisme et industries de sous-traitance), il allait pouvoir se maintenir indéfiniment. Cependant, les richesses crées profitaient à une minorité, et une large partie de la population en était dépourvue. Il a oublié surtout qu’au-delà du côté matériel, les peuples recherchent avant tout la liberté et la dignité. Après plusieurs tergiversations, il a dû fuir le pays le 14 Janvier 2010. Puisse une véritable démocratie s’instaurer dans ce pays cher à nous tous, et que le vaillant peuple tunisien récolte les fruits de sa courageuse révolution.


A peu prés le même scénario s’est déroulé en Egypte, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Moubarak était en effet détesté par son peuple, du fait de l’absence de liberté et de dignité. Les progrès économiques réalisés par le pays étaient également faibles et mal partagés. Sa soumission aux Etats-Unis et son laxisme vis-à-vis d’Israël était également très critiqués. Lui aussi et sa famille s’étaient considérablement enrichis. Sur le plan politique, il a muselé toute opposition, en n’hésitent pas à faire falsifier les élections d’où son parti sortait toujours gagnant. Pour assurer sa succession, il préparait son fils Jalal à prendre la relève. Le courageux peuple égyptien dans la célèbre place (Tahrir), a tenu bon malgré les provocations, les attaques à dos de chameau, et les nombreuses victimes qu’il a subies dans ses rangs. Là aussi le Raïs égyptien a démissionné le 11 Février 2011, laissant provisoirement le pouvoir aux militaires. Puisse ces derniers ne pas confisquer la révolution de ce grand peuple égyptien, connu par son culture et son humanisme.


Plus douloureuse fût la révolution libyenne. Pendant des décennies, la Libye fût gouvernée par un dictateur que certains qualifient de déséquilibré. En tous cas pendant plus de quatre décennies, Kaddafi a pu se maintenir au pouvoir, en éliminant systématiquement tout adversaire politique, en jouant la division des tribus, en se servant des immenses richesses de pétrole et de gaz que recèle son pays. Sur le plan international, par de l’aide financière aux pays africains sub-sahariens, et par des volte-face étonnantes (renoncement aux armes de destruction massive), il a pu faire oublier quelques peu ses frasques et ses crimes : attentats terroristes contre des avions, soutien aux mouvements terroristes de tous bords. Mais le peuple libyen qu’on disait inculte et soumis, s’est soulevé courageusement contre le tyran. Tripoli est tombée le 22 Août 2011, et avec elle le régime de Kaddafi. Puisse aussi ce pays frère qui a subi tant de dégâts de la faute du dictateur, se relever et connaître lui aussi la démocratie et la prospérité partagée entre tous.


Le tsunami arabe a atteint également la Syrie en Mars 2011. La Syrie fût gouvernée pendant des décennies par le parti unique « Baath », qui a imposé sa loi à toutes les communautés vivant dans ce pays. Tenu par une main de fer par Hafez El Assad, le pouvoir fut transmis à son fils Bachar en 2000. Ce dernier au lieu de faire des réformes, a continué le même régime que son père, marqué par l’absence de libertés et de dignité, et le mépris des droits de l’homme. Le régime syrien s’est opposé sauvagement aux révolutionnaires, n’hésitant pas à tirer à balles réelles sur une population désarmée, faisant des milliers de victimes. A l’heure où ce récit est écrit (7 Septembre 2011), Bachar El Assad n’est pas encore tombé. Il doit être poursuivi par la Cour Pénale internationale pour les crimes qu’il a commis. Il appartient à la communauté internationale, outre les condamnations verbales et les mesures de rétorsion peu efficaces, d’intervenir énergiquement pour sauver le vaillant peuple syrien.


La situation au Yémen est beaucoup plus compliquée. Ce pays de 25 Millions d’habitants, est constitué de 200 tribus qui exercent réellement le pouvoir local. Les difficultés politiques au Yémen résultent de l’antagonisme entre le Nord et le Sud (unification du pays en 1990), et des révolutions ethniques et religieuses : Zaidistes (chiites), Chafeites (sunnites) et salafistes. Enfin, l’AQPA (Al Qaida dans la péninsule arabique) installée au Yémen, veut instaurer un Etat islamique intégriste. Le Président Ali Abdallah Salah appartient au Parti de congrès général du peuple, gouverne le pays depuis 33 ans. Le Yémen a connu de Janvier à Mai 2011 un soulèvement populaire sans précédent contre le Président Salah. Suite à l’incendie de son palais, il a été hospitalisé le 3 Juin 2011 en Arabie Saoudite. Pays pauvre où la population est fortement armée (100 millions d’armes), il faut espérer que ce pays ne tombe pas dans le chaos ou dans l’islam radical, et que son peuple puisse choisir librement ses dirigeants.


En conclusion, on ne peut qu’être fiers de la révolte des peuples arabes, qui ont montré amplement leur courage et leur détermination à conquérir la liberté, la dignité, la démocratie, et le partage équilibré des richesses. Valeur aujourd’hui, trois dictateurs qu’on pensait indéboulonnables sont tombés. Certes, l’avenir est plein d’incertitudes quant à l’instauration de véritables démocraties dans ces pays, mais une chose est sûr : les peuples arabes n’admettront plus jamais l’instauration d’un nouvelle dictature.











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