Le nouveau panorama méditerranéen
à la lumière du Printemps arabe
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Euromesco (Euro-Mediterranean Study Commission) qui regroupe les Instituts Euro-Méditerranéens spécialisés dans le volet politique, a tenu une conférence internationale les 6 et 7 Octobre 2011 à Barcelone sur le thème « Un nouveau panorama politique méditerranéen : le Printemps arabe et les relations Euro-Méditerranéennes ». Cette conférence a laquelle l’IMRI a participé à abordé plusieurs sujets tous de grande importance.
Le premier sujet traité a concerné la crise du système autoritaire dans le monde arabe méditerranéen. Tous les participants ont admis que les causes du Printemps arabe sont dûes au manque d’ouverture politique, et même à la dictature dans certains pays. Ont été cités également le manque de libertés fondamentales et l’insuffisance de la démocratie. Pour couronner le tout, certains chefs d’Etat et leur entourage se sont accaparés les richesses du pays grâce au népotisme et à la corruption, laissant leur peuple vivre dans la pauvreté et la misère.
Cette situation lamentable qui a duré plusieurs décennies a implosé le 17 Décembre 2010 par la tentative de suicide du jeune tunisien Mohamed BOUAZIZI. La série des révoltes tel qu’un tsunami a déferlé sur la quasi-totalité des pays arabes, mais sous différentes formes. Les panélistes ont fait la différence entre d’une part la Tunisie, l’Egypte et la Libye qui ont connu une véritable révolution, puisque leurs dirigeants ont été démis de leur fonctions, et de nouvelles instances ont pris le pouvoir. Et d’autres part d’autres pays comme le Maroc, la Jordanie, l’Algérie et Bahreïn, qui ont entamé des réformes politiques pour assurer une transition démocratique pacifique. La troisième catégorie de pays concerne le Yémen et la Syrie, où les dirigeants ont opté pour une répression brutale laissant peu de place au compromis. Evidemment, ce diagnostic établi début Octobre 2011 peut changer dans l’avenir, qui est plein d’incertitudes quant à l’instauration d’une véritable transition démocratique.
Les expériences de transition démocratique ont été examinées notamment en Espagne et dans les pays est-européens. D’après les participants à la conférence, ces transitions ont été un succès puisque tous ces pays bénéficient actuellement d’une véritable démocratie. Pour le cas de l’Espagne, a été mis en exergue le rôle du Roi Juan Carlos et des deux partis politiques majeurs, qui ont su capter la voix des électeurs espagnols et combattre la balkanisation du champ politique. Pour le cas des pays de l’Est européen, c’est surtout l’aide multiforme de l’Union européenne, et leur adhésion à l’Union, qui expliquent le succès de la transition démocratique. Evidemment le cas des pays méditerranéens arabes est différent, et chaque pays a ses propres spécificités. Cependant, ce qui caractérise l’ensemble de ces pays arabes, est l’existence d’une mouvance islamiste dont il est difficile d’évaluer l’impact pour le moment. Un autre danger menace la démocratisation des pays arabes méditerranéens, c’est le retour possible de l’autoritarisme sous une forme ou une autre. Cependant l’évolution des différentes sociétés, marquée par le rôle grandissent des jeunes, des femmes et de la société civile, permet d’espérer que les pays arabes méditerranéens réussissent également leur transition démocratique.
Le Printemps arabe n’a pas laissé indifférent le reste du monde. C’est l’Europe, du fait de sa proximité géographique et historique, qui a réagi le plus intensément. D’abord sur le plan militaire, en participant activement aux opérations aériennes de l’OTAN en Libye. Puis sur le plan économique, en procédant à une révision de la Politique de Voisinage, donnant plus d’importance à l’aide et au soutien des pays sud-méditerranéens. Il est question également de relancer l’Union pour la Méditerranée, par la promotion de projets régionaux qui pourraient impliquer plusieurs pays de la région. L’autre intervenant majeur a été la Turquie, dont l’objectif est d’étendre son influence en Méditerranée, pour pallier aux difficultés d’adhésion à l’Union européenne. Il est évident que la Turquie, par son importance stratégique et économique, jouera un rôle de plus en plus grand dans la région méditerranéenne. Par contre, il a été noté la perte d’influence dans la région des Etats-Unis d’Amérique, qui semblent concentrer leurs efforts sur les problèmes économiques internes, et sur l’Afghanistan et l’Irak où ils sont lourdement engagés militairement. Quant aux pays BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine, ils sont restés dans une certain réserve par rapport au Printemps arabe.
En conclusion, on peut affirmer que le Printemps arabe a été une heures surprise initiée principalement par les peuples et la jeunesse de la région. Puisse ce Printemps aboutir une véritable démocratisation de tous les pays arabes. L’Europe et le monde entier doivent apporter leur aide à ce grand mouvement de libéralisation, afin qu’enfin les peuples arabes puissent vivre enfin dans la démocratie, la dignité et la prospérité.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI