Le New Deal américain au Proche-Orient
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Le candidat Obama avait promis lors de sa campagne électorale de changer la politique étrangère des Etats-Unis particulièrement vis-à-vis du Proche-Orient. Le Président Obama depuis son investiture en Janvier 2009 commence à mettre en application sa nouvelle politique étrangère. Le New Deal repose sur les principes suivants : tout en défendant bien sûr les intérêts stratégiques des Etats-Unis, le gouvernement américain va abandonner l’unilatéralisme, être à l’écoute de ses alliés, et ouvrir un dialogue avec ses adversaires.
C’est dans le cadre de cette nouvelle politique qu’Obama a ordonné un plan de retrait de l’armée américaine d’Irak. C’est ainsi que 12.000 soldats seront retirés dans les six mois à venir. Au 31 Août 2010, il ne subsistera que 35.000 à 45.000 soldats pour former et aider l’armée irakienne à maintenir l’ordre. Le retrait total des troupes américaines d’Irak sera réalisé au 31 Décembre 2011. Par contre, en ce qui concerne l’Afghanistan, qu’Obama considère comme le point nodal de la lutte contre Al Qaïda et le terrorisme international, les troupes américaines seront renforcées de 17.000 soldats, et une nouvelle politique sera définie avec les alliés et les riveraines, lors d’une conférence internationale prévue à La Haye le 31 Mars 2009. Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, Hillary Clinton lors de sa dernière tournée au Proche-Orient, a certes renouvelé à Israël le soutien des Etats-Unis quant à sa sécurité, mais elle a confirmé également son intention d’œuvrer à l’établissement d’un Etat palestinien vivant côte à côte avec Israël. D’autre part, le Président Obama a désigné George Mitchell en tant que son envoyé spécial au Proche-Orient. Ce dernier, spécialiste de la région, est connu pour son objectivité et son impartialité.
Mais le revirement le plus important de la politique étrangère américaine au Proche-Orient est l’attitude vis-à-vis de l’Iran. Ce pays par ses ressources pétrolières, sa volonté d’acquérir l’arme nucléaire, la politique maximaliste du Président Ahmadinejad, est devenu incontournable pour l’instauration de la paix au Proche-Orient. Son influence est importante au Liban et en Palestine par l’intermédiaire du soutien multiforme au Hizbollah et au Hamas. Il est influent également en Syrie, en Irak et en Afghanistan, en soutenant les Chiites et les Talibans. Classé parmi les pays faisant partie de « l’Axe du Mal », l’ex-Président Bush n’entretenait aucune relation directe avec l’Iran, et n’avait de cesse de condamner et de tenter de renverser le régime des mollahs. Le Président Obama a fait un premier pas en invitant l’Iran à participer à la conférence internationale sur l’Afghanistan qui aura lieu le 31 Mars prochain à La Haye. Plus important encore, est le message qu’il a adressé dans la nuit du Jeudi 19 Mars 2009 à l’occasion de Narouz, le nouvel an iranien. Ce message est adressé tout d’abord au peuple et aux dirigeants iraniens, et constitue en ce sens une reconnaissance tacite de la République islamique d’Iran. Dans ce message, le Président Obama déclare « Nous devons apporter des changements fondamentaux à nos relations » et souhaite qu’à l’avenir « les anciennes dissensions seront surmontées grâce à un dialogue honnête fondé sur le respect mutuel ». Il ajoute que l’Iran peut jouer un rôle international s’il renonce au terrorisme et aux armes, et que les problèmes entre les deux pays ne pourront pas être résolus par des menaces. La preuve en est la volonté des Etats-Unis d’impliquer l’Iran dans la résolution des problèmes de la région et particulièrement l’Afghanistan. L’Iran a répondu favorablement au message du Président Obama, mais « Les Etats-Unis doivent reconnaître leurs erreurs passées et les réparer » selon Al Akbar Javanfekr, Conseiller pour la presse d’Ahmadinejad. Ces erreurs sont listées comme suit : Coup d’Etat contre Mossadegh (1953), soutien à Saddam Hussein pendant la guerre Irak-Iran (1980-1988), sanctions économiques contre l’Iran, soutien aux opposants au régime iranien, arrestations arbitraires de musulmans, et occupation militaire de l’Irak et l’Afghanistan. De plus l’Iran attend des actes concrets de la part des Etats-Unis.
On ne peut que se féliciter de la nouvelle politique étrangère du Président Obama vis-à-vis du Proche-Orient. Cette nouvelle politique a d’ailleurs reçu le soutien de l’Union européenne et de l’ensemble de la communauté internationale. Cependant, la mise en œuvre de cette nouvelle politique devra surmonter de nombreux obstacles. Le retrait des troupes américaines d’Irak ne sera un succès que si ce pays connaît enfin la paix civile. La situation en Afghanistan est très grave, et les pays de l’OTAN sont réticents à augmenter leurs effectifs dans ce conflit, qui risque de durer encore pendant de nombreuses années. La résolution du conflit israélo-palestinien est conditionnée par la formation du nouveau gouvernement israélien, qui risque d’être constitué majoritairement par la droite et l’extrême-droite. Quant à l’Iran, la nouvelle attitude des Etats-Unis risque de renforcer Ahmadinejad lors des prochaines élections iraniennes du 12 Juin 2009. Ce dernier sera tenté d’expliquer la nouvelle politique américaine par les positions radicales qu’il a prises tout au long de sa présidence. Enfin, rien ne peut indiquer pour le moment que l’Iran va renoncer à l’arme nucléaire. Aussi, malgré l’ouverture courageuse et encourageante du Président Obama, l’avenir de la région du Proche-Orient reste rempli d’incertitudes.
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