Relations internationales
Les grands dossiers de 2012
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’année 2011 qui vient de s’achever a été très chargée sur le plan politique et économique. Sur le plan politique, c’est indéniablement les révoltes dans le monde Arabe qui ont marqué l’actualité de cette année. Pas moins de quatre dictateurs arabes ont été démis de leurs fonctions, tandis que d’autres pays arabes ont été obligés de procéder à des réformes politiques en profondeur. On peut citer également la disparition de Oussama Ben Laden, et le départ définitif des soldats américains d’Irak. Le Japon a également connu en 2011 un terrible tsunami à Fukushima mettant sérieusement en cause l’énergie nucléaire. Enfin l’année politique s’est terminée par le décès de Vaclav Havel, un homme qui a voué toute sa vie à la cause de la liberté, et son contraire le dictateur nord-coréen Kim Jong. Sur le plan économique, l’année 2011 a été marquée par la grave crise financière et économique qui a frappé l’Europe et plus particulièrement la Zone Euro.
L’année 2012 dans le cadre de la continuité, va reprendre certains dossiers qui n’ont pas encore trouvé leur aboutissement. Il s’agit tout d’abord du Printemps arabe dont les conséquences restent indécises. Le dossier le plus brûlant est celui de la Syrie, où malgré l’envoi d’une mission d’observateurs de la Ligue arabe, la répression sanglante continue et a fait déjà 5.000 morts. Il est très difficile de prévoir ce qui va s’y passer, d’autant plus qu’une intervention étrangère parait peu probable, du fait qu’elle pourrait embraser toute la région très sensible du Moyen-Orient. Si la Tunisie a pû se doter d’institutions crédibles, ce n’est pas le cas de l'Egypte où l’armée se campronne au pouvoir, ou de la Libye où tout est à construire du fait du vide laissé par Kaddafi. Le cas du Yémen malgré le départ Président Saleh reste également compliqué du fait des luttes intestines qui sévissent dans ce pays.
Le Maroc est plus stable grâce à la réforme constitutionnelle et l’arrivée au pouvoir d’un parti d’opposition après des élections transparentes, tandis que l’Algérie, le Jordanie et les pays du Golfe se cantonnent dans l’immobilisme, et n’envisagent pas de réformes politiques significatives. Le trait dominant des élections qui ont déjà eu lieu dans certains pays arabes est la montée des partis islamistes. Aussi le dossier du Printemps arabe est loin d’être fermé, et beaucoup d’incertitudes pèsent sur l’instauration d’une véritable démocratie dans les pays arabes respectant les droits fondamentaux de l’Homme.
Non loin du monde arabe, l’Iran pose problème du fait de son intention non déclarée de se doter de l’arme nucléaire, et de la menace récente de bloquer le détroit d’Ormuz par lequel transite 40% du pétrole mondial. La mise en exécution de cette dernière menace serait catastrophique pour l’économie mondiale, dans la mesure où elle ferait grimper le prix du baril de pétrole à 200 ou 300 $. L’Occident et la Chine ne pourraient l’accepter, d’où le risque d’un conflit armé localisé au départ, mais aux conséquences imprévisibles. Il faut souhaiter que les parties concernées fassent l’effort de «raison garder» pour préserver la paix mondiale. Toujours dans le Moyen-Orient, l’intransigeance d’Israël à chercher le chemin de la paix vis-à-vis de son conflit avec les Palestiniens, risque de faire monter la tension si aucun initiative n’est prise d’ici le 26 Janvier 2012, date qu’à fixé le Quartette sur le Proche-Orient pour recevoir de nouvelles propositions des deux parties. Les autres pays de la région (Afghanistan, Irak, Pakistan) sont loin de connaître la tranquillité, puisque des attentats meurtriers s’y multiplient de jour en jour.
Autre dossier important de 2012, la crise économique née aux États-Unis en 2008, et qui n’a cessé de provoquer des effets dévastateurs dans le monde entier. C’est l’Europe et tout particulièrement la zone euro qui souffrent actuellement le plus, du fait d’un endettement phénoménal de plusieurs États européens. Malgré les multiples mesures prises de 2009 à 2011, le risque de l’éclatement de la zone euro persiste. En effet, les critères de Maastricht se sont avérés insuffisants pour assurer la stabilité monétaire de la zone. L’Allemagne et la France ont pris l’initiative de présenter aux autres membres de l’Union européenne en Décembre 2011, un nouveau pacte intergouvernemental tendant à contrôler les déficits budgétaires des pays membres et à mieux harmoniser les politiques économiques et fiscales. Il faut espérer que ce pacte pourra être mis en point pendant la présidence danoise du premier semestre 2012.
Dernier dossier de 2012 les élections présidentielles qui auront lieu en Mars, Avril et Novembre en Russie, France et États-Unis. On ne peut rester indifférent aux résultats de ces élections, vu que ces trois pays jouent un grand rôle sur la scène internationale. Les États-Unis malgré un certain affaiblissement, demeurent la première puissance politique et économique du monde. La France qui se classe en cinquième rang de l’économie mondiale, dispose d’une influence certaine sur le plan international, du fait de son histoire et de son vaste réseau diplomatique. Quant à la Russie, c’est le pays le plus vaste du monde, héritier de l’URSS, et qui dispose d’importantes ressources naturelles dont le pétrole et le gaz. Il est impossible de prévoir l’issue de ces élections présidentielles. Certes les trois présidents en exercice Poutine, Sarkozy et Obama sont quelque peu affaiblis par l’usure du pouvoir. Sarkozy et Obama souffrent tout particulièrement de la crise économique qui a frappé leur pays. Poutine fait l’objet de protestations d’une partie de son peuple, qui lui reproche son manque de démocratie, notamment lors des dernières élections législatives peu transparentes. Cependant tous trois ont une chance d’être réélu. Tout dépend de la force de leur adversaire, et des événements qui vont se dérouler pendant les prochains mois.
En conclusion, il faut craindre que l’année 2012 soit aussi chargée que celle qui l’a précédée.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI