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Le programme du nouveau gouvernement marocain
Peu innovant et non chiffré

Par Jawad Kerdoudi
Consultant Economiste
Président de l’IMRI

Nommé le 3 Janvier 2012, le nouveau gouvernement marocain a présenté le 19 Janvier dernier son programme devant le Parlement. Le document de 93 pages vise l’édification d’une société « solide, stable, solidaire, prospère » et se base sur trois axes fondamentaux : l’action intégrée et complémentaire, l’approche participative, et le souci de lier la responsabilité à la reddition des comptes.

Au-delà de ces grands principes et à la lecture du document, on constate que le programme du gouvernement de Abdelilah Benkirane est peu innovant et ne comporte que quelques chiffres. On aurait souhaité un programme plus ramassé, identifiant clairement les priorités, et chiffrant les propositions à l’horizon 2016, afin d’évaluer les résultats à la fin de la législature. En effet presque tous les sujets traités, sont soit la continuation des gouvernements précédents, soit l’expression de la volonté d’amélioration de l’existant, mais sans définir des propositions concrètes pour y parvenir.

Reprenons cependant les quelques propositions concrètes et chiffrées. Saluons tout d’abord l’affirmation dans le programme de l’Islam tolérant et de l’égalité des deux sexes. En matière économique, le programme cite des chiffres très ambitieux dans la conjoncture nationale et internationale : croissance de 5,5%, inflation 2%, déficit budgétaire 3%, et chômage 8%. Le programme n’indique pas sur quels critères ces prévisions ont été basées, et ne mentionne pas le SMIG à 3.000,00 dh qui était bien mentionné dans le programme du PJD. Pour la réduction du chômage, il se contente de prévoir de nouveaux programmes : Moubadara (Initiative), Taatir (Encadrement) et Istiaab (Assimilation). Or on sait le peu d’efficacité des programmes de ce genre pour la promotion de l’emploi.

Pour la Caisse de Compensation, il se contente de propositions vagues : rationaliser les dépenses et cibler les bénéficiaires. Pour ce qui est de la fiscalité, il parle d’équité fiscale, d’élargissement de l’assiette de l’impôt, et de réduction des exonérations fiscales, mais sans donner de détails, sauf l’exonération du secteur agricole où il mentionne l’ouverture d’un débat. On ne peut que regretter le manque de courage sur la réforme de la fiscalité marocaine qui doit être profonde, et qui est l’élément principal du renforcement des recettes publiques et de la réduction du déficit budgétaire.

En ce qui concerne la politique sectorielle, les seules propositions concrètes sont de porter l’irrigation des terres bour à 60.000 h/an, et le Fonds de développement rural à 1 milliard de dirhams. Pour le tourisme, il est prévu l’achèvement des 8 stations balnéaires à l’horizon 2016, et la mise en œuvre de la vision 2020 avec l’objectif de 250.000 lits en 2016. Pour les investissements étrangers, il est prévu la diversification au Moyen-Orient, l’Amérique et l’Asie. Quant à l’Artisanat, la seule mesure concrète est la formation de 60.000 stagiaires par an à l’horizon 2015. Le programme prévoit également la mise à niveau du secteur financier sans faire référence à la finance islamique, mais en incitant la place financière de Casablanca à « rayonner au niveau du monde arabe et islamique ».

Tout un chapitre est consacré à la bonne gouvernance, avec le renforcement des attributions du Conseil de la concurrence, et en reprenant toutes les idées générales que chacun connaît. Sur le plan social, le programme prévoit l’extension de l’AMO (Assurance maladie obligatoire) à 10 millions de bénéficiaires et l’assurance maladie à 8,5 millions de personnes qui en sont dépourvus. Il se propose de parachever le Code du Travail notamment la loi sur la grève, qu’aucun gouvernement précédent n’avait réussi à faire passer du fait de l’opposition des syndicats, et de réformer le système des retraites sans donner aucune orientation précise. Par contre, pour la lutte contre l’analphabétisme les chiffres sont précis : un million de bénéficiaire par an, et réduction du taux d’analphabétisme à 20% à l’horizon 2016. Pour le Code de la presse, si la liberté d’opinion et d’expression pour les journalistes est reconnue, il n’est pas fait mention de la dépénalisation des délits de presse. Pour le logement, le programme prévoit de réduire le déficit en logement de 440.000 unités, et la construction de maisons individuelles à 800.000,00 dirhams pour la classe moyenne.

En conclusion, le programme du nouveau gouvernement est décevant. Il se contente de cataloguer les problèmes sans y apporter des propositions concrètes. Il n’a pas fixé les priorités à réaliser absolument pendant la législature. Il a enfin manqué de courage, notamment sur la réforme fiscale, la Caisse de compensation, l’introduction de la finance islamique, et la révision du Code de la presse. La société civile doit rester très vigilante pour contribuer à sortir notre pays des graves difficultés qu’il rencontre.





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