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Syrie : Halte au massacre
Pour un droit d’ingérence des Nations Unies

Par Jawad Kerdoudi



Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Suite au Printemps arabe, et à l’instar des autres pays de la région, la Syrie a connu à partir de Février 2011 une vague de contestations populaires sociales et politiques. Les revendications exprimées par les manifestants concernent l’instauration de la liberté, la levée de l’état d’urgence, la réforme de l’Etat, et le départ du Président Bachar El Assad. Ce dernier a succédé à son père Hafez El Assad en 2000. Lui-même a pris le pouvoir en 1970 à la faveur d’un coup d’état, instituant une dictature héréditaire s’appuyant sur le Parti Baas (El Baath). Rappelons que Bachar El Assad appartient à la minorité chiite alaouite, alors que la majorité des syriens est sunnite, et qu’il existe également une minorité chrétienne.

Les manifestations quotidiennes ont commencé à Daraa à partir du 18 Mars 2011 avec l’incendie de plusieurs bâtiments symboliques du pouvoir : siège du parti Baas et tribunaux. Le 18 Mars de la même année, les manifestations se sont étendues à Damas, Homs et Banias. Le pouvoir réprime dans le sang les manifestations, arguant qu’il s’agit d’actions terroristes à la solde de l’étranger, et provoquant des centaines morts et des milliers de blessés, ainsi que de multiples arrestations. A partir du 25 Mars, malgré des concessions du pouvoir sur le plan social, le mouvement s’étend à toutes les principales villes du pays. Le 3 Août 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne à l’unanimité les « violations généralisées des droits de l’homme et l’emploi de la force contre les civils ». Fin Août 2011 est créé le Conseil National Syrien (CNS) qui est lancé officiellement le 1er Octobre 2011 à Istanbul en Turquie.

En 2012, les manifestations et la répression continuent de plus belle. Plusieurs journalistes et photographes étrangers sont tués ou blessés. Le 3 Février, l’armée syrienne n’hésite pas à tirer au char et au mortier sur la population à Homs faisant plus de 260 morts dont des femmes et des enfants. Selon des témoignages crédibles (Human Rightes Watch), des cas de torture sur des enfants sont signalés. Le 14 Février, l’armée syrienne tire deux roquettes par minute sur le quartier meurtri de Baba Amr à Homs, tandis que le 15 Février la ville de Homs est prise d’assaut par les forces du régime syrien. Le 10 Mars, les forces gouvernementales syriennes assiègent et bombardent la ville d’Idleb, qui tombe aux mains du pouvoir le 14 Mars.

Face à ce véritable massacre estimé à près de 9.000 morts, des milliers de blessés, 30.000 réfugiés et 200.000 déplacés, quelle a été la réaction de la communauté internationale ?

L’Europe et notamment la France ont été les premières à réagir. Dès le 23 Mars 2011, le Ministère des Affaires Etrangères français a appelé le pouvoir syrien à « renoncer à tout usage excessif de la force et a condamné les violences qui font des morts et des blessés ». En Août 2011, l’Union européenne a pris une série de sanctions contre la Syrie, notamment l’embargo sur les exportations de pétrole syriennes. Le 17 Février 2011, la France rappelle son ambassadeur à Damas et ferme les consulats généraux d’Alep et de Lattaquié. Aux Nations Unies, dès le 7 Juillet 2011, le Secrétaire Général Ban Kimon appelle à mettre fin à la répression, et le 3 Août de la même année, le Conseil de sécurité condamne la répression par les autorités syriennes. Le 5 Octobre 2011 et 4 Février 2012, deux résolutions de l’ONU condamnant la répression en Syrie ne sont pas adoptées du fait du véto de la Russie et de la Chine. Enfin le 23 Février 2012, Kofi Anan ancien Secrétaire Général, est nommé émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe sur la crise en Syrie.

Les Etats-Unis de leur côté prennent le 10 Août 2011 des sanctions économiques contre les sociétés de télécoms et les banques liées à Damas, tandis que leurs avoirs aux Etats-Unis sont gelés. Le 18 Août 2011, le Président Obama déclare que Bachar El Assad devrait démissionner, et condamne à nouveau la répression brutale. Hillary Clinton annonce le même jour un embargo total sur les importations de pétrole syrien aux Etats-Unis. Les pays arabes de leur côté condamnent le pouvoir syrien le 22 Août 2011, et le 22 Novembre 2011, la Ligue arabe suspend l’adhésion de la Syrie à toutes ses réunions, et prend des sanctions politiques et économiques contre le pouvoir syrien. La position arabe ferme contre la Syrie, menée par l’Arabie Saoudite et Qatar, s’expliquent outre les raisons humanitaires, par le rapprochement de la Syrie avec l’ennemi héréditaire des Arabes qu’est l’Iran. Le Maroc a été également très actif, en prenant l’initiative au Conseil de sécurité de l’ONU dont il est membre, d’une résolution visant à identifier une solution définitive à la question de la Syrie. Le Maroc a d’autre part appelé à un arrêt immédiat de la violence dans les territoires syriens.

Avec le seul appui de la Chine, de la Russie et du Venezuela, le régime syrien se trouve complétement isolé sur la scène internationale. Deux scénarii sont possibles : une solution politique avec le départ de Bachar El Assad et la constitution d’un gouvernement d’union nationale incluant l’opposition, ou l’intransigeance du régime syrien qui l’amènerait à sa perte, et peut être à une guerre civile. En tout cas, il faut arrêter le massacre de la population syrienne par ses propres dirigeants, car la communauté internationale ne peut rester spectatrice de ce que certains ont qualifiés de véritable génocide. Ceci pose le problème du droit d’ingérence que doit s’arroger l’Organisation des Nations Unies, à savoir le droit de violer la souveraineté nationale d’un Etat, dans le cas de massacre de la population par ses propres dirigeants. Ceci implique également la réforme de l’ONU, car il est inadmissible qu’un seul Etat membre permanent du Conseil de Sécurité, puisse bloquer une résolution à caractère humanitaire. En attendant la réforme du Conseil de sécurité, il faudrait que toute résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU, votée au deux tiers des pays membres, puisse acquérir le caractère de résolution contraignante.

CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI

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