Le mal vivre en ce début de siècle
La montée des extrémismes
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
On assiste en ce début du 21ème siècle à un mal vivre assez généralisé de l’humanité, qui se manifeste par des actes individuels ou collectifs. On peut citer à titre d’exemple le cas de personnes qui ont « pété les plombs » comme on dit vulgairement. Le 22 Juillet 2011, un jeune norvégien de 32 ans Anders Brevik pose une bombe devant le siège du gouvernement à Oslo qui fait huit morts. Il se rend ensuite à l’Ile d’Utoya où se tient l’Université d’été de la jeunesse du parti travailliste, et cause la mort de 69 jeunes. Le 11 Mars 2012, un sous-officier américain quitte sa base du District de Panjway en Afghanistan, et se rend dans deux villages voisins où il tue 16 civils dont des femmes et des enfants. Enfin, également le 11 Mars 2012, le jeune franco-algérien Mohamed Merah est présumé coupable de l’assassinat d’un sous-officier français à Toulouse. Il récidive le 15 Mars 2012 avec l’assassinat de deux parachutistes de l’armée française à Montauban. Enfin le comble, il tue de sang froid trois enfants et un enseignant dans une école de confession juive à Toulouse.
Au niveau collectif, le mal vivre s’est exprimé pendant l’année 2011 par ce qu’on appelle désormais le Printemps arabe. Suite au suicide d’un jeune diplômé chômeur en Tunisie, un mouvement révolutionnaire a déferlé sur le monde arabe. Il s’en est suivi la chute des dictateurs de Tunisie, d’Egypte, de Libye et du Yémen. D’autres pays arabes ont dû réformer leur système politique, et prendre des mesures d’urgence pour éviter le pire. Se réclamant du Printemps arabe, le Mouvement des Indignés est apparu en Espagne à partir du 15 Mai 2011 par une série de manifestations spontanées, rassemblant plusieurs milliers de personnes, et relayées par les réseaux sociaux. Ce mouvement s’est étendu par la suite au Portugal, France, Allemagne, Italie, Angleterre, Belgique, Grèce et même aux Etats-Unis.
Quelles sont les raisons qui expliquent ce mal-vivre ?
Elles sont d’ordre politique, économique et social. Sur le plan politique sont mis en cause les systèmes politiques en place, qui ne reflètent pas la véritable démocratie. Sont notamment dénoncés le bipartisme entre droite et gauche, et le manque de représentation des partis politiques et des syndicats. D’où la réclamation d’une réforme électorale, qui permettrait une plus grande participation des citoyens. Les revendications portent également sur la lutte contre la corruption et le népotisme, le droit de tous à la culture, à l’éducation et à la santé. Enfin, le droit à la parole en donnant une place médiatique plus grande aux citoyens. Sur le plan économique et social, sont revendiqués le droit au travail avec une réduction significative du chômage, et le droit à un logement décent. Sont également réclamées les réformes du système économique et financier et de la fiscalité, afin de réduire les inégalités sociales.
Sur le plan international, les raisons du mal vivre sont également multiples. La persistance du conflit israélo-arabe qui dure plus d’un demi-siècle empoisonne les relations internationales. L’intransigeance israélienne à résoudre le problème, exacerbe les sentiments des arabes et des musulmans partout dans le monde. L’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan a augmenté le ressentiment vis-à-vis de l’Occident. Enfin la résurgence de la guerre froide telle qu’elle est apparue dans le cas de la Syrie, complique la situation. Tout cela explique la montée des extrémismes de part et d’autre. D’un côté l’Islam radical qui est minoritaire mais actif, recrute des jeunes musulmans fragiles et mal formés, qui commettent des crimes impardonnables. De l’autre côté, surtout en Europe, les mouvements d’extrême–droite se donnent à cœur-joie pour stigmatiser les étrangers, dénoncer les immigrés, et inciter à la haine. Le résultat est un climat malsain qui couvre actuellement toute la planète.
Certes, les problèmes cités sont nombreux, et il est difficile de leur trouver rapidement une solution. Cependant, les hommes de bonne volonté de par le monde doivent se mobiliser et unir leur voix. Il convient tout d’abord de résoudre le problème israélo-arabe dans le cadre d’un Etat palestinien viable, vivant côte à côte avec Israël. Il faut renforcer la démocratie et l’état de droit en Irak, et quitter le plus rapidement possible l’Afghanistan. Une solution doit être trouvée de toute urgence en Syrie pour arrêter l’effusion de sang. Il faut aider les pays concernés par le Printemps arabe à consolider leur marche vers la démocratie, et à se développer économiquement et socialement. Il faut enfin combattre de toutes nos forces tous les extrémismes de quelques bords qu’ils soient. Un soin tout particulier doit être apporté aux jeunes en général, et en particulier à ceux habitant dans les quartiers populaires défavorisés, pour veiller à leur assurer une éducation valorisante, pour occuper leurs loisirs notamment par l’exercice du sport, et surtout les aider à trouver un travail pour subvenir à leurs besoins.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI