La Corée du Nord et l’Iran :
Deux Etats totalitaires et provocateurs
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
A un jour d’intervalle, la Corée du Nord et l’Iran ont accompli des actes provocateurs sur la scène internationale. En effet, le Président iranien Ahmadinejad a effectué le 12 Avril 2012 une visite de l’Ile d’Abou Moussa qui a été occupée en 1971 par l’Iran, et qui est revendiquée par les Emirats Arabes Unis. De même le 13 Avril 2012, la Corée du Nord a effectué, contrairement aux résolutions de l’ONU, le lancement d’une fusée à trois étages, qui s’est avéré un échec. Les deux pays se caractérisent par des régimes politiques totalitaires, l’ambition de développer une puissance régionale, et le chantage à l’arme nucléaire vis-à-vis de la communauté internationale.
La Corée avait été occupée par le Japon de 1905 à 1945. En 1948, Kim II Sung, Chef de l’Armée révolutionnaire populaire a fondé la République populaire démocratique de Corée. En 1950, le Nord communiste agresse le Sud, d’où il s’en suit la Guerre de Corée qui se termine en 1953 par un armistice, mais sans conclusion d’un accord de paix. La Corée est alors divisée en deux : le Nord sous un régime dictatorial, et le Sud qui a adopté un système politique démocratique. En 1997, Kim-Jong-il accède au pouvoir à la mort de son père, et concentre tous les pouvoirs entre ses mains, cultivant un incroyable culte de la personnalité. Le régime se caractérise par le Parti unique et le non respect des droits de l’homme. La Corée du Nord qui a adhéré à l’ONU en 1991 procède en 2002 à quelques mesures de libéralisation de l’économie. En 2003, la Corée du Nord se retire du Traité de non prolifération nucléaire et procède en 2006 à son premier essai nucléaire, puis en 2009 à un second essai nucléaire souterrain. Une grande partie des ressources du pays étant consacrée à l’armement, l’économie coréenne est en ruines, et la population a des difficultés à s’alimenter convenablement. En 2011, Kim-Jong-un accède au pouvoir, et continue la même politique que son père. Plusieurs négociations concernant la dénucléarisation de la Corée du Nord ont eu lieu avec les Etats-Unis, mais n’ont pas abouti concrètement à ce jour. Sur le plan externe, le seul allié de la Corée du Nord est la Chine, alors qu’elle n’est pas reconnue par les Etats-Unis, le Japon, et la France.
L’Iran de son côté, après le régime honni du Shah, a connu en 1979 l’instauration de la République islamique d’Iran. A lieu de jouir d’un régime démocratique, de liberté, et de respect des droits de l’homme, le pays a sombré dans un état théocratique qui prône la prédominance du religieux sur la politique. C’est ainsi que la Constitution de 1979 a cadré le pouvoir pour qu’il n’échappe pas aux religieux. Le Guide suprême au lieu d’être élu au suffrage universel direct, est désigné à vie par l’Assemblée des Experts. Cette dernière Assemblée est composée de 86 membres religieux élus au suffrage universel direct. Seuls les religieux sont autorisés à postuler, et les candidatures doivent être approuvées par le Conseil des gardiens de la Constitution. Ce dernier est lui-même composé de 12 membres désignés pour 6 ans : 6 religieux nommés par le Guide suprême, et 6 juristes élus par le Parlement. Ce Conseil des gardiens a pour rôle d’évaluer la compatibilité de la loi à la Constitution et à l’Islam. Il contrôle également la validité des candidatures au Parlement. Enfin, toute loi votée par le Parlement doit être approuvée par le Conseil des gardiens.
Le Guide suprême dispose de pouvoirs importants : il détermine la politique générale du pays, décide du referendum, est Chef des armées, nomme le Chef des gardiens de la Constitution, peut destituer le Président de la République, et dispose du droit de grâce. Certes, le Président de la République est élu au suffrage universel direct, mais les candidats doivent être approuvés par le Conseil des gardiens de la Constitution. De plus, il doit être un homme, musulman, et loyal à la République islamique. Il dispose des pouvoirs de l’exécutif, sauf ceux attribués au Guide suprême.
Le pouvoir législatif appartient à un Parlement monocaméral appelé « Majliss ». Il est composé de 290 membres qui sont élus au suffrage universel direct, cependant 5 sièges sont réservés à des minorités confessionnelle. Une dernière institution est le Conseil de discernement composé de 6 membres du Conseil des gardiens, les Chefs des pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs, ainsi que 10 autres membres nommés par le Guide. Ce Conseil a pour rôle d’arbitrer les litiges entre le Parlement et le Conseil des gardiens. Il a également le droit d’édicter des solutions pour les cas plus graves.
Malgré ses énormes richesses pétrolières, l’économie iranienne est en berne. En politique extérieure, l’Iran veut devenir une puissance régionale, s’appuyant sur les ressources financières procurées par le pétrole, et le mouvement chiite. Elle s’oppose aux pays arabes sunnites et en particulier l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, et tente d’augmenter son influence au Liban, en Syrie et en Irak. Malgré la ratification en 1970 du Traité de non prolifération nucléaire, l’Iran tente de se doter de l’arme nucléaire.
En conclusion, on ne peut que regretter que ces deux pays se démarquent de la communauté internationale, et constituent une menace régionale. C’est le manque de démocratie qui explique la situation où ils se trouvent actuellement. Certes, il est difficile de s’immiscer dans la politique intérieure de ces pays, mais la communauté internationale peut agir par des sanctions économiques, et par l’encouragement des forces démocratiques qui existent dans ces pays.
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