L’indispensable réforme de la Caisse de Compensation
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Forum IMRI Casablanca qui s’était tenu les 11 et 12 Mai 2012 avait préconisé dans ses recommandations la réforme de la Caisse de Compensation au Maroc. En effet, cette Caisse créée en 1941 et réorganisée en 1977, a pour but la stabilité des prix et la sauvegarde du pouvoir d’achat des consommateurs. Mais au fil des années, et suite à l’augmentation considérable des prix internationaux des hydrocarbures et des produits alimentaires, ses dépenses sont devenues insoutenables pour le budget de l’Etat.
En effet, alors qu’elles ne représentaient que 1% du PIB en 2005, les dépenses de la Caisse de Compensation ont atteint le chiffre astronomique de 52 milliards de dirhams en 2011, soit 5,5% des PIB et 20% du budget de l’Etat. Ce chiffre correspond presque au déficit budgétaire de l’Etat en 2011, en total des investissements publics, et dépasse largement les budgets unitaires des départements ministériels les plus coûteux : éducation nationale, défense, intérieur, santé.
L’autre grave inconvénient de ce système de compensation est qu’il profite pour 82% aux entreprises commerciales et industrielles, et à la catégorie la plus aisée de la société marocaine. En effet, une étude récente a montré que 20% des ménages les plus aisés profitent de 75% des subventions, alors que les 20% des ménages les plus pauvres ne bénéficient que de 1% des subventions. Le budget 2012 a prévu 32 milliards de dirhams pour la Caisse de Compensation, alors qu’a fin Mai 2012, 80% ont déjà été consommés. Rappelons enfin que cette Caisse subventionne la farine, le sucre, les hydrocarbures et le gaz butane. Cependant 80% des subventions de la Caisse concernent les hydrocarbures et le gaz butane.
Le 2 Juin 2012 le gouvernement Benkirane a augmenté le prix des hydrocarbures : 2 dirhams le litre pour l’essence, 1 dirham le litre pour le gasoil, et 988,04 dirhams la tonne pour le fuel. Par contre, le prix du butane de gaz, et le fuel destiné à la production d’électricité sont restés inchangés, Il faut saluer cette décision courageuse de ce gouvernement, alors que les gouvernements précédents n’ont pas osé toucher à ces prix. En effet, en ce qui concerne l’essence, une augmentation des prix de 0,50 dh le litre par an, durant les quatre dernières années aurait eu le même effet, mais d’une façon progressive. L’objectif de cette décision est de ramener à 42 milliards de dirhams le déficit de la Caisse de Compensation pour 2012. Certes, cette décision doit être accompagnée de mesures en faveur notamment des transporteurs routiers, mais aura aussi l’avantage de se rapprocher de la vérité des prix, et incitera les consommateurs à l’économie notamment au niveau des hydrocarbures.
Le gouvernement actuel ne doit pas s’arrêter à cette augmentation des prix des hydrocarbures, mais doit mettre en œuvre le plus rapidement possible une réforme globale de la Caisse de Compensation. Les partis de l’opposition doivent s’associer à cette réforme qui est une cause nationale, et ne pas se contenter de critiques stériles et politiciennes. La solution de la Caisse de Compensation passe par trois axes qu’il s’agit d’affiner par des études précises. Le premier axe consiste à libérer progressivement les prix des produits compensés pour arriver à terme au prix réel. Le second axe consiste à l’ouverture du marché pour les filières concernées, en cassant les monopoles et en réorganisant les circuits de distribution pour créer une véritable concurrence entre les producteurs. Le troisième axe consiste à fournir une aide ciblée aux catégories de la population les plus vulnérables, à l’instar des expériences étrangères notamment au Brésil. Il s’agit de déterminer avec précision la population cible, de fixer le montant minimal à lui allouer, et les modes d’attribution. Il faut conditionner l’octroi de l’aide à la scolarisation des enfants, notamment dans le monde rural.
En conclusion, la réforme de la Caisse de Compensation au Maroc est indispensable pour assurer la croissance de notre économie, et créer des emplois. Elle doit être entreprise dans les meilleurs délais et avant la fin de l’année 2012. S’agissant d’une cause nationale, toutes les forces vives de la nation doivent s’y atteler : gouvernement, parlement, partis politiques et société civile.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI