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Les relations Etats-Unis
Monde musulman
Pas d’amélioration depuis le discours du Caire

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Président Obama lors du discours du Caire prononcé le 4 Juin 2009 avait dit « Je suis venu ici au Caire en quête d’un nouveau départ pour les Etats-Unis et les musulmans du monde entier ». Faisant référence à la brillante civilisation musulmane et citant plusieurs fois le Coran, il a rappelé la déclaration du deuxième Président américain « Les Etats-Unis n’ont aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou la tranquillité des musulmans ». Répétant que l’Amérique ne sera jamais en guerre contre l’Islam, il a préconisé de « nous mettre à l’écoute, apprendre les uns des autres, et nous respecter mutuellement ». Il a aussi pris des engagements politiques concernant le conflit israélo-palestinien, en indiquant que la seule solution est la création de deux Etats, et qu’il comptait personnellement poursuivre un tel aboutissement. Il a ajouté que les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la continuation des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem. Il a enfin réaffirmé l’espoir de l’Amérique à voir un monde dans lequel aucun pays ne possède d’armes nucléaire.

Trois ans plus tard en 2012, on constate malheureusement qu’il n’y a pas d’amélioration des relations entre les Etats-Unis et le monde musulman. Une première explication tient au fait que le Président Obama malgré sa bonne volonté, n’a pas respecté ses engagements vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Aucune avancée n’a été réalisée pour la création de l’Etat palestinien, et le Président Obama n’a même pas pu arrêter la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem. Candidat des élections présidentielles de 2012, il est même allé jusqu’à considérer Jérusalem comme la capitale d’Israël. Certes, il a rapatrié les troupes américaines d’Irak fin 2012, mais en les renforçant en Afghanistan. De toute façons, les masses arabes et musulmanes considèrent dans leur grande majorité que l’action des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan est une occupation.


Malgré ses appels à la démocratisation des pays arabes et musulmans lors de son discours du Caire, la réaction de l’Amérique a été timide vis-à-vis du Printemps arabe. Certes les Etats-Unis ont participé à l’action militaire en Libye contre le régime de Kaddafi, et reconnu les nouveaux gouvernements islamistes issues des élections au Maroc, en Tunisie et en Egypte, mais ils n’ont pas condamné l’action militaire séoudienne au Yémen en faveur du régime en place.


Les tensions entre les Etats-Unis et le monde musulman se sont exacerbées en ce mois de Septembre 2012 suite à la parution du film américain " Innocence of Muslims ". Ce film " haineux et provocateur " selon le Secrétaire Général de l’ONU Ban Kimon dénigre la religion musulmane et le Prophète Mohammed. Comme un traînée de poudre, des manifestations violentes ont eu lieu partout dans le monde musulman pour protester contre ce film. La plus grave a eu lieu le 11 Septembre 2012 à Benghazi en Libye, où l’Ambassadeur des Etats-Unis et trois autres américains ont été tués. D’autres manifestations violentes ont eu lieu en Egypte, Afghanistan, Palestine, Jordanie, Yémen, Tunisie, Indonésie. En Inde où existe une importante communauté musulmane, un Chef religieux au Cachemire a exhorté les américains à quitter la région.


Sans aller jusqu’au « Choc des civilisations » selon Hungtinton, il faut bien reconnaître qu’il y a des différences culturelles entre l’Occident et le monde musulman, et dont il faut tenir compte. Alors que l’Occident s’est généralement sécularisé, la religion ne jouant plus un rôle important, dans le monde musulman les populations sont très attachées à l’Islam, et considèrent toute attaque contre leur religion comme un attaque personnelle. Une autre différence culturelle est la séparation entre l’Etat et la religion qui est effective en Occident, et qui ne l’est que partiellement dans le monde musulman. D’autre part dans les démocrates occidentales, la liberté d’expression est reconnue par les Constitutions, et toute interdiction ne peut émaner que par la loi. Dans le monde musulman, il y a amalgame entre l’origine d’une œuvre artistique et le gouvernement du pays où est née cette œuvre. La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a beau dire « que le gouvernement américain n’a rien à voir avec ce film écœurant et condamnable », pour les masses musulmanes : c’est un film américain et donc il faut attaquer les ambassades américaines.


Que faire pour réduire cette tension à l’avenir ? Il y a tout d’abord un effort des élites des deux camps pour expliquer et éduquer la population. Les élites musulmanes doivent vulgariser et expliquer l’organisation politique des démocraties occidentales. Elles doivent également lutter contre l’analphabétisme et pour l’amélioration de la qualité de l’éducation. Les élites occidentales doivent également s’intéresser davantage aux pays musulmans, et expliquer leurs spécificités. Il faut faire plus d’efforts pour le Dialogue inter-religieux lancé par l’Arabie Séoudite et l’Alliance des civilisations promu par la Turquie, en vue de montrer la véritable image de l’Islam faite de tolérance et d’ouverture. Enfin, il faut réfléchir à l’échelle nationale et au niveau des Nations-Unis à élaborer une juridiction interdisant toute diffamation à caractère religieux. Les Nations-Unis ont justement le rôle de préserver la paix, et toute attaque religieuse peut entraîner la guerre. C’est un travail de longue haleine, mais qu’il faut commencer immédiatement.


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