Relations Maghreb-Union européenne : Quelles perspectives ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Étude parue dans les Cahiers de l’IMRI de Novembre 2012
Introduction
Les relations entre le Maghreb et l’Union européenne sont à la fois très anciennes et très importantes. Elles s’expliquent par des raisons géopolitiques et historiques. L’Espagne n’est qu’à quelques kilomètres du Maroc, et la Tunisie est très proche de la Sicile. L’Europe et le Maghreb ont une mer commune la Méditerranée, qui baigne les deux rives Nord et Sud. Sur le plan historique des relations ont existé depuis des siècles : l’Espagne a été musulmane de 711 à 1492, et les pays du Maghreb ont connu le Protectorat européen à partir du XIXème siècle. Tout cela a créé au cours du temps des relations économiques étroites tant au niveau des échanges commerciaux que des investissements. La France notamment avait tissé des relations économiques très importantes avec le Maghreb, et consenti des préférences douanières à certains pays de l’Afrique du Nord. Dès la création de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, dans laquelle la France a été membre fondateur, s’est posé le problème des relations que devait avoir la CEE avec les pays du Maghreb. Cette question a trouvé une première réponse par l’Accord commercial conclu entre le Maroc et la Communauté européenne en 1969.
A partir de 1990, la Communauté européenne a ressenti le besoin de définir une politique plus large vis-à-vis des pays tiers-méditerranéens. Ce fut d’abord la politique méditerranéenne rénovée (PMR) qui a introduit des innovations, tels que l’appui aux réformes économiques, le développement de la coopération décentralisée, et la nécessité d’une approche plus globale. Ce fut ensuite la proposition de la Commission européenne faite en 1995 à douze partenaires méditerranéens d’établir un partenariat Euro-méditerranéen, assorti d’une aide financière dans le cadre du programme Meda. Pour concrétiser les nouvelles orientations, une Conférence Euro-méditerranéenne s’est tenue à Barcelone les 27 et 28 Novembre 1995 qui a défini les bases du «Processus de Barcelone». En 2004 a été établie la Politique européenne de voisinage (PEV) suite à l’élargissement de l’Union européenne, et qui s’adresse aux voisins de l’Europe de l’Est et du Sud. Pour marquer le dixième anniversaire de la Conférence de Barcelone, un Sommet a eu lieu dans la même ville en 2005, qui a fait le bilan de la décennie et a ouvert de nouvelles perspectives à la coopération Euro-méditerranéenne. Afin de relancer le Processus de Barcelone, fût fondée le 13 Juillet 2008 à Paris l’Union pour la Méditerranée qui regroupe tous les membres de l’Union européenne et les pays sud-méditerranéens. Enfin en 2011 les pays Arabes du sud de la Méditerranée ont connu un véritable séisme appelé «Printemps arabe», qui a entraîné un bouleversement politique considérable, et obligé l’Union européenne à revoir ses relations avec la rive sud de la Méditerranée. Parallèlement à ces grandes institutions Euro-méditerranéens a été lancé en 1990, à l’initiative des Ministres des Affaires étrangères le 5+5, qui regroupe 5 pays du nord de la Méditerranée et 5 pays du sud, et qui a pour objectif de développer une coopération politique et économique dans un cadre informel et non contraignant. En 2008 a été accordé au Maroc par l’Union européenne et pour la première fois, ce qu’il est convenu d’appeler le « Statut avancé », et qui a pour objet de faire bénéficier le partenaire sud-méditerranéen qui remplit les conditions, toutes les attributions d’un pays membre sauf la participation aux institutions politiques de l’Union européenne. Enfin l’Union européenne a conclu plusieurs Conventions avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique(ACP), dont l’objectif est la réduction et à terme l’éradication de la pauvreté, l’intégration régionale dans l’économie mondiale, et le développement durable.
Les pays de Maghreb font partie intégrante du partenariat Euro-méditerranéen, et sont membres à des degrés divers des institutions créées à cet effet. La Mauritanie quant à elle est signature des conventions ACP. Nous allons passer en revue et en détails ces différentes institutions, et définir par la suite les propositions qui nous semblent les plus pertinentes pour l’essor des relations entre le Maghreb et l’Union européenne.
Le Processus de Barcelone :
Il a été lancé en Novembre 1995 à Barcelone par les 15 États membres de l’Union européenne et 10 pays sud-méditerranéens (Algérie, Autorité palestinienne, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Tunisie et Turquie). Étaient également invitées la Ligue des États Arabes, l’Union du Maghreb Arabe, et la Mauritanie qui est devenue membre de l’Euromed en 2007. La Libye a eu un statut d’observateur depuis 1999, et depuis 2004 elle prépare son intégration à l’Euromed à moyen terme. On peut considérer que la Déclaration de Barcelone des 27 et 28 Novembre 1995 est l’Acte fondateur du partenariat euro-méditerranéen. Elle énonce les grands principes et les valeurs de ce partenariat : l’établissement d’un espace de paix, de stabilité, et de prospérité partagée, le dialogue politique et de sécurité, la coopération économique, financière, sociale et culturelle, l’esprit de solidarité avec le respect des spécificités. Elle prône un dialogue politique multilatéral et bilatéral au moyen d’Accords d’Association euro-méditerannéens, et met en exergue le respect des droits de l’homme, de la Charte des Nations Unies, des libertés fondamentales, et du droit international. Elle énonce également l’aspiration à la démocratie et l’état de droit, et affirme la souveraineté des États, l’égalité des peuples, l’intégrité territoriale, le règlement pacifique des conflits. Elle prône également la lutte contre le terrorisme, la crime organisé et le trafic de drogues, la promotion de la sécurité régionale par l’élimination des armes de destruction massive, la non prolifération nucléaire, et le souhait d’un règlement définitif, global et durable du conflit du Moyen-Orient en vue de rendre cette région exempte d’armes de destruction massive.
En ce qui concerne le partenariat économique et financer, le Processus de Barcelone préconise l’instauration d’une zone de libre-échange pour les produits industriels, avec une libéralisation progressive des produits agricoles et des services. Cette zone sera réalisée à l’horizon 2010 à travers les accords euro-méditerranéens et les accords de libre-échange entre les pays sud-méditeranéens. Cette zone de libre-échange fixera les règles du cumul de l’origine, de concurrence, de certification et des garanties de protection des droits de propriété intellectuelle et industrielle. Les politiques économiques des pays membres seront fondées sur l’économie de marché, la promotion du secteur privé, le transfert des technologies et l’intégration économique. Elles s’accompagneront de la modernisation des structures économiques et sociales.
La coopération économique sera basée sur l’investissement soutenu par l’épargne intérieure et les investissements directs étrangers, qu’il faudra encourager par l’instauration d’un environnement propice. Elle sera basée également sur le développement des échanges entre les partenaires eux-mêmes et un appui technologique au PME. Il y a lieu d’intégrer les préoccupations environnementales dans les aspects pertinents des politiques économiques, et de promouvoir la participation active des femmes dans la vie économique et sociale. La coopération économique entre les membres englobera la totalité des secteurs et notamment : l’agriculture, la pêche, l’énergie, l’eau, les infrastructures, les nouvelles technologies de l’information, les télécoms, et ceci tant au niveau des États que des collectivités locales. Pour accompagner cette coopération économique, il est prévu une assistance financière d’un montant de 4,6 milliards d’euros pour la période 1995-1999, des prêts de la BEI ainsi que des contributions financières bilatérales des États membres.
La Déclaration de Barcelone prévoit également un partenariat dans les domaines social, culturel et humain. C’est ainsi qu’elle préconise le dialogue et le respect des cultures et des religions, qui peut être favorisé par les médias. Elle insiste sur le caractère essentiel du développement des ressources humaines dans les domaines de l’éducation, de la formation et de la culture, et recommande des échanges culturels et la connaissance des différentes langues. La coopération entre membres sera élargie aux domaines de la santé, au respect des droits sociaux, à la société civile, à la jeunesse, à la promotion de la démocratie et de l’Etat de droit. La coopération entre membres traite également des problèmes de la migration (régulière et clandestine), et mettra en œuvre les régimes pour lutter contre le terrorisme, le trafic de drogues, la criminalité internationale et la corruption.
La Politique Européenne de Voisinage (PEV) :
Suite à l’élargissement aux pays de l’Est européen en 2004, l’Union européenne a ressenti le besoin de définir de nouvelles relations avec ses voisins du sud et de l’est. Elles visent à renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous. L’Union européenne propose à ses voisins une relation privilégiée basée sur un engagement mutuel en faveur de valeurs communes : démocratie et droits de l’homme, règles de droit, bonne gouvernance, économie du marché, développement durable. Elle offre également à ses voisins une relation politique et une intégration plus poussée. Le niveau des relations dépendra de la manière dont ces principes et valeurs sont partagés. La PEV est distincte du Processus d’élargissement, sans préjuger pour les voisins européens de l’évolution future de leurs relations avec l’Union européenne.
La PEV concerne le Maghreb dans la mesure où elle s’applique à tous les voisins immédiats de l’UE (Algérie, Libye, Maroc, Tunisie) mais aussi le Proche-Orient (Égypte, Israël, Jordanie, Libye, Territoire palestinien occupé, Syrie) enfin les pays européens (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine). L’élément central de la PEV repose sur le « Plan d’action » bilatéral approuvé par l’Union européenne et chaque partenaire. Ceci différencié la PEV du Processus de Barcelone qui revêtait un caractère multilatéral. Le « Plan d’action » définit des réformes économiques et politiques avec des priorités à court et à long terme. C’est ainsi que des plans d’action ont été établis en 2005 pour le Maroc et la Tunisie.
Les réformes préconisées par la PEV portent sur un large éventail de domaines, tels que la politique de sécurité, le développement économique, les relations commerciales, la mobilité des personnes, l’environnement, l’intégration des réseaux de transport et d’énergie, enfin la coopération culturelle et scientifique. L’Union européenne apporte une assistance technique et financière à la mise en œuvre de ces objectifs. La procédure appliquée par la PEV se base tout d’abord sur le « Rapport pays » qui établit un diagnostic sur la situation politique et économique, et analyse les aspects institutionnels et sectoriels. L’étape suivante consiste à établir le Plan d’Action PEV pour les pays considérés. Ces plans d’action établissent des priorités à court ou moyen terme (3-5 ans), les objectifs, et visent une meilleure intégration dans les programmes et réseaux européens, une assistance accrue et un accès au marché européen facilité. La mise en œuvre des engagements mutuels et des objectifs définis dans le Plan d’action font l’objet d’un contrôle régulier par des Sous-comités spécialisés, en relation avec chacun des pays. La Commission européenne procède par la suite à l’établissement des rapports sur les progrès réalisés.
Le financement de la PEV a été assuré jusqu’au 31 Décembre 2006 par le programme TACIS (pays de l’Est et la Russie) et le programme MEDA (pays sud-méditerranéens), et l’IEDDH (Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme). Pour la période 2000/2006, il a été octroyé 3,1 MM € à TACIS et 5,3 MM € à MEDA, tandis que la BEI a consenti des prêts de 2 MM € pour les pays bénéficiaires de programme MEDA, et 500 M € pour les pays bénéficiaires du programme TACIS. Le 1er Juillet 2007 a été institué un mode de financement unique (l’IEVP). L’instrument européen de voisinage et de partenariat, qui a été doté d’un montant de 12 MM € pour la période 2007-2013. Les critères d’octroi aux pays sont les besoins, la capacité d’absorption, et la progression des réformes convenues. En outre, a été prévu par l’Union européenne un budget de 1,1 MM € pour la période 2007-2013 couvrant les programmes de coopération transfrontalière, pour renforcer le rapprochement de la législation et de la réglementation des pays voisins de l’Union européenne. Cette dernière a mis au point une assistance spécialisée TAIEX (Assistance technique et échange d’informations), des accords de jumelage à long terme avec les Administrations des États membres de l’Union européenne, et la participation aux Agences et programmes de la communauté. Un nouvel instrument doté d’une enveloppe annuelle de 50 M € apporte un soutien supplémentaire aux pays partenaires ayant le plus progressé dans la gouvernance (Le Maroc a bénéficié de ce soutien en 2007). Enfin la Facilité d’investissement mise en place à la fin de 2007 sera dotée d’un montant de 700 M € pour la période 2007/2013. Cette Facilité d’investissement porte essentiellement sur les secteurs énergie, environnement, et transport. La coopération européenne donne lieu à des documents de stratégie couvrant une période de 7 ans, les programmes indicatifs nationaux de 3 ans, et des programmes annuels détaillés. Les documents établis peuvent être étudiés par d’autres bailleurs de fonds autres que l’UE, tandis que les appels d’offres dans le cadre des programmes d’aides communautaire sont ouverts aux entreprises des 27 membres de l’UE et des partenaires PEV.
Second Sommet de Barcelone de 2005 :
Pour commémorer le 10ème anniversaire de la première Conférence de Barcelone, une nouvelle conférence a eu lieu à Barcelone les 27 et 28 Novembre 2005. Il s’agissait de faire le bilan d’une décennie de partenariat entre les 25 Etats du nord de la Méditerranée et les 10 Etats du sud, et d’opérer une relance. Il faut dire que le bilan de la décennie était maigre au vu de l’ambition de la Conférence de 1995 de faire de la Méditerranée un espace de paix, de stabilité et de prospérité partagée. En effet, non seulement les conflits régionaux n’ont pas trouvé de solution : conflit israélo-palestinien, question du Sahara, problème de Chypre, mais la région a été frappée par de nombreux actes terrorisme faisant beaucoup de victimes. Les attentats terroristes ont commencé en Mai 2003 à Casablanca, et se sont poursuivis en Mars 2004 à Madrid, et Juillet 2005 à Londres. A cela s’est ajouté un accroissement de l’immigration clandestine sud-nord qui a atteint parfois des proportions inquiétantes. Sur le volet politique, les Etats sud-méditerranéens n’ont pas fait de progrès sur les plans de la démocratie et des droits de l’homme. Enfin sur le plan économique, l’écart de développement entre le Nord et le Sud n’a pas diminué. Le seul élément positif a été la conclusion d’accords euro-méditerranéens entre 1998 et 2005 avec sept pays sud-méditerranéens, et qui sont entrés en vigueur en Tunisie (1998), Maroc et Israël (2000), Jordanie (2002), Égypte (2004), Algérie (2005), et Liban 2006. Ces pays ont pu profiter à des degrés divers de dons dans le cadre des programmes MEDA, et de prêts de la BEI. C’est ainsi que pour la décennie 1995-2005 l’Union européenne a octroyé aux pays du sud de la Méditerranée 20 milliards d’euros, 9 milliards de dons et 11 milliards de prêts.
Si l’Union européenne était représentée par des personnalités de premier plan : Jacques Chirac (France), Tony Blair (Royaume Uni), José-Luis Zapatero (Espagne), Angela Merkel (Allemagne), les chefs d’Etat arabes ont brillé par leur absence, sauf Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne. La conférence de Barcelone 2005 a donné la priorité aux problèmes sécuritaires (terrorisme et immigration), et a négligé les autres aspects du partenariat Euro-Mediterranéen. En effet, les principaux résultats de ce Sommet ont eu trait à un accord sur un code de conduite contre le terrorisme, et un plan d’action sur cinq ans concernant la régulation de l’immigration clandestine. Il n’y a pas eu de déclaration commune mais une déclaration de la présidence : les 35 États de l’Euromed se sont engagés à lutter contre le terrorisme par l’échange d’informations et d’expérience, la prise de mesures de prévention, la gestion des attaques, et les exercices de secours et d’assistance aux victimes. Concernant les problèmes d’immigration, le Sommet s’est dit prêt à promouvoir l’immigration légale, et à coopérer pour réduire de façon significative l’immigration illégale. Le Sommet a également prôné une approche globale du phénomène de l’immigration, et l’organisation de conférences euro-africaines groupant les pays d’origine, les pays de transit, et les pays de destination. Pour terminer le volet politique, le Sommet s’est contenté de vagues souhaits pour la résolution du conflit israélo-palestinien, et la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les pays sud-méditerranéens.
Sur le plan financier, Jacques Chirac a proposé que les 2/3 du futur instrument financier de la PEV soit affecté aux pays du sud. Il a également proposé la création d’une Banque de développement dédiée à la Méditerranée. Enfin, il a été crée un Fonds de capital-risque de 45 millions d’euros destiné à promouvoir les investissements dans les entreprises du Maghreb, financé par le gouvernement de la Catalogne et la BEI. Pour ce qui est des autres volets de coopération, le Sommet a décidé de continuer la construction d’une zone de libre-échange entre tous les pays euro-méditerranéens, de prévoir une aide spéciale pour l’éducation et la recherche, et d’associer davantage la société civile des pays membres. En conclusion, le Sommet de Barcelone de 2005 a beaucoup déçu au niveau des résultats concrets quant au développement économique et social des pays du sud.
L’Union pour la Méditerranée (UPM) :
Au Printemps 2007, le candidat Nicolas Sarkozy a lancé l’idée de la création d’une Union méditerranéenne. Cette union ne devrait regrouper à l’origine que les pays riverains de la Méditerranée. Mais suite à l’opposition de l’Allemagne et de certains pays du Nord de l’Europe, le Sommet de Hanovre tenu le 3 Mars 2008 a élargi l’Union aux 27 pays de l’Union européenne avec la dénomination Processus de Barcelone-Union pour la Méditerranée. Les décisions du Sommet de Hanovre ont été entérinés par le Conseil européen les 13 et 14 Mars 2008, qui a chargé la Commission européenne de faire des propositions concrètes avant le Sommet de Paris du 13 Juillet 2008 qui a créé officiellement l’Union pour la Méditerranée.
La Commission européenne a défini fin Mai 2008 les grandes lignes de l’Union pour la Méditerranée. L’Union comprendra finalement 44 membres dont les 27 l’Union européenne, 9 pays Arabes, 4 pays des Balkans, 3 autres pays (Israël, Monaco, Turquie), et la Ligue Arabe. L’Union sera co-présidée par un chef d’Etat du nord et du sud de la Méditerranée pour une période de deux ans. Il est prévu la création d’un Secrétariat général d’une vingtaine de membres, et d’un Comité permanent à Bruxelles, chargé de la coordination avec le Secrétariat général. Il a été précisé que l’Union se base sur des projets à géométrie variable. Les secteurs proposés étant les transports (terrestre et maritime), l’éducation (Université Euro-Méditerranéenne), l’environnement (dépollution de la Méditerranée), les énergies renouvelables (solaire), et la protection civile. A noter l’omission de toute référence à la démocratie et aux droits de l’homme. Enfin, il a été précisé que l’Union européenne n’accorderait pas de financements supplémentaires autres que ceux prévus par la Processus de Barcelone et la Politique européenne de voisinage. A noter cependant la création du Fonds Inframed de 600 M € financé par les Caisses de dépôts de France et Italie.
Le Sommet du 13 Juillet 2008 à Paris a entériné toutes les propositions de la Commission et désigné comme Présidents le français Sarkozy et l’égyptien Moubarak. Une réunion ministérielle des membres de l’UPM a eu lieu à Marseille en Novembre 2008, qui a choisi Barcelone comme siège du Secrétariat Général de l’UPM. Il a été également décidé lors de cette réunion, que le secrétariat général reviendrait à un pays du sud aidé de 5 adjoints dont 3 européens et 2 du sud (Israël et Autorité palestinienne).
Les activités de l’UPM seront gelées à la demande des pays Arabes suite à l’agression israélienne sur Gaza du 27 Décembre 2008 au 19 Janvier 2009. Le 28 Avril 2010, la Commission des Affaires Étrangères du Parlement européen s’est prononcée pour une relance de l’UPM à travers le rapport de l’eurodéputé socialiste Vincent Peillon. L’année 2011 a été marquée par le Printemps arabe pendant lequel des révolutions ont concerné quatre Pays (Tunisie, Égypte, Libye, Syrie). A niveau de la co-présidence, l’Union européenne a remplacé la France en Mars 2012, et la Jordanie a remplacé Égypte en Juin 2012. Au niveau de Secrétariat général fût nommé successivement la Jordanien Ahmad Massadeh en Janvier 2010, les marocains Youssef Amrani et Fathallah Sijelmassi en Mai 2011 et Février 2012.
Le Groupe 5+5 :
Il concerne dix pays : 5 du Nord (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal) et 5 du sud (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie). Ce groupe partage les mêmes préoccupations du fait de leur proximité géographique et humaine. Les relations entre membres de ce Groupe sont informelles, pratiques, plus techniques que politiques et surtout réellement partenariales. Elles sont basées sur l’adhésion de chacun dans l’exigence de l’équité. Ce sont les ministres des Affaires étrangères dans dix pays membres qui ont lancé en 1990 le Groupe 5+5. Plusieurs réunions du Groupe ont eu lieu. La première en 1995 a rassemblé les ministres de l’Intérieur sur des questions de leur domaine d’intérêt. Par la suite, les autres ministres créent leurs dossiers : affaires sociales, défense, tourisme, transport, éducation, environnement. Pour couronner le tout, un Sommet a été organisé en 2003 à Tunisie, tandis que des rencontres parlementaires ont eu également lieu. Cependant le bilan du Groupe aboutit à des développements inégaux des différents dossiers : ce sont les dossiers de défense et de transports qui ont le plus avancé.
Par suite du Printemps arabe, le Groupe 5+5 est à même de relancer le partenariat euro-maghrébin, car il n’est pas contraignant et laisse aux partenaires la liberté de s’engager ou non. De plus, la concertation est surtout technique sans considération politique. Le Groupe 5+5 a connu une période d’inactivité tout au long de l’année 2011 correspondant au Printemps arabe. Dès le début de 2012 plusieurs réunions du groupe ont été programmées : transports à Alger, affaires étrangères à Rome, défense à Rabat, et un Sommet à Malte le 5 Octobre 2012. Le Groupe 5+5 est appelé à un grand avenir sous certaines conditions. Tout d’abord, il y a lieu d’élargir ses activités à d’autres domaines comme l’éducation, la santé, l’agriculture, la culture, et la protection civile. Il y a lieu également d’élargir les acteurs autres que les ministères, à savoir la société civile et les collectivités locales. Le financement des activités du Groupe 5+5 est actuellement majoritairement du ressort des pays membres. Il y aurait intérêt pour l’améliorer d’intégrer l’Union européenne en tant qu’observateur.
CONVENTIONS ACP :
Ces conventions sont traitées dans cette étude, du fait que la Mauritanie pays du Maghreb est signataire de ces conventions. Dès le Traité de Rome de 1957, la Communauté économique européenne a manifesté sa solidarité avec les pays d’Outre-mer. La coopération a débuté avec l’Afrique francophone dans le cadre des Accords de Yaoundé (1963-1975), et a concerné surtout le volet économique. Suite à l’adhésion en 1973 du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne, la coopération s’est étendue aux 46 pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) sous forme des Accords de Lomé (1975-2000). En effet, le Groupe ACP s’est constitué en 1975 suite à l’Accord de Georgetown. Les principes qui ont gouverné les Accords de Lomé sont l’égalité des partenaires, la gestion conjointe, l’aide financière et les avantages commerciaux non réciproques, la stabilité des prix des produits de base, et les protocoles commerciaux spécifiques à certains produits agricoles. D’autres principes sont intervenus par la suite dans le cadre de la Convention Lomé IV, qui a pour la première fois intégré une clause sur les droits de l’Homme et sur l’ajustement structurel.
A partir des années 1990, de nouveaux développements ont caractérisé les relations Union européenne/ACP, tels que la diminution de l’intérêt de l’Union européenne pour les ACP, la dimension politique privilégiant la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, et surtout la libéralisation des échanges suite à la création de l’OMC en 1994. Cette évolution a entraîné de nouvelles relations dans le cadre des Accords de Cotonou conclus en 2000 pour une période de vingt ans, avec révision tous les cinq ans. Le groupe ACP s’est entre-temps élargi à 79 pays, 48 d’Afrique sub-saharienne, 16 des Caraïbes, et 15 du Pacifique. De nouveaux enjeux ont été pris en compte par ces nouveaux Accords, tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, l’intégration régionale, la fragilité et l’efficacité de l’aide.
La deuxième réunion des Accords de Cotonou qui a lieu en 2010 a tenu compte de l’intégration régionale, des problèmes de sécurité, de la nécessité d’atteindre les objectifs du millénaire, du facteur climatique et de l’expiration des préférences commerciales, qui est devenu effective à partir 2008. Cette révision a manifesté également la volonté d’accroître le rôle des parlements nationaux, des autorités locales, de la société civile et du secteur privé, et d’augmenter l’efficacité de l’aide. L’objectif principal de ces Accords de Cotonou étant la réduction et l’éradication à terme de la pauvreté dans le cadre du développement durable et de l’intégration dans l’économie mondiale. Afin de financer les programmes prévus par les Accords de Cotonou, l’Union européenne a mis en place le Fonds européen de développement qui a été doté de 13,8 milliards d’euros pour la période 2000-2007 et 22,7 milliards d’euros pour la période 2008-2013. En outre, d’autres instruments financiers ont été mis en œuvre par l’Union européenne pour le financement de la coopération au développement, la démocratie et les droits de l’homme, la stabilité et l’aide humanitaire.
Perspectives des relations Maghreb/Union européenne :
Il faut reconnaître que l’Europe en général et l’Union européenne en particulier se sont intéressées très tôt au Maghreb. Et ce pour des raisons de proximité géographique, du fait de l’histoire, et enfin des impératifs de sécurité. C’est ainsi que dès 1963, la Mauritanie a bénéficié de la première Convention Yaoundé. Les autres pays du Maghreb ont eu partie prenante dans le Processus de Barcelone de 1995, la Politique européenne de voisinage en 2004, et l’Union pour la Méditerranée en 2008.
Le bilan du partenariat entre l’Union européenne et le Maghreb à ce jour est mitigé. On peut signaler comme éléments positifs la signature d’Accords d’Association entre l’Europe et les pays du Maghreb qui sont entrés en vigueur pour la Tunisie en 1998, le Maroc en 2000, et l’Algérie en 2005. Ces Accords ont permis l’octroi d’aides financières à ces pays sous forme de dons ou de prêts de BEI. Ils ont permis également la promotion des investissements européens au Maghreb, et le transfert de technologies grâce à la coopération technique. Les pays du Maghreb ont bénéficié à des niveaux différents de la coopération avec l’Union européenne. C’est le Maroc qui a fait le plus d’efforts vis-à-vis de l’Union européenne, et qui a obtenu en 2008 le Statut avancé, qui lui permet d’avoir tous les avantages d’un Etat membre, sauf la participation aux institutions politiques de l’Union européenne.
L’autre bénéficiaire important de la coopération avec l’Union européenne fût la Tunisie. Quant à l’Algérie, la Mauritanie et la Libye, l’implication de ces pays vis-à-vis de l’Union européenne fut moindre. L’Algérie pour des raisons politiques et du fait de ses énormes ressources financières provenant de la commercialisation du pétrole et du gaz, n’a pas porté un grand intérêt à l’Union européenne. Elle vient d’ailleurs de reporter à 2020 au lieu de 2017, la levée des barrières douanières avec l’Union européenne pour protéger son industrie naissante. La Libye sous la gouvernance du Colonel Kaddafi, disposant de ressources importantes provenant des hydrocarbures, s’est intéressée surtout à l’Afrique sub-saharienne. Quant à la Mauritanie, elle a pris une part modeste à la fois vis-à-vis des Conventions ACP et de l’Euromed.
Les éléments négatifs des relations entre le Maghreb et l’Union européenne sont assez nombreux. Les pays de l’Est de l’Europe ont été intégrés à l’Union européenne en tant que membres à part entière après la chute de l’URSS. Ils ont bénéficié de sommes considérables à titre d’aides financières non remboursables, d’une masse d’investissements en provenance de l’Ouest de l’Europe, et d’une coopération tous azimuts. Les efforts de l’Union européenne vis-à-vis des pays du Maghreb ont été beaucoup plus restreints, et le seul objectif possible est « le Statut avancé » sans aucune possibilité d’adhésion à l’Union. De plus, l’Union européenne a soutenu les régimes autoritaires au Maghreb, et notamment les dictatures de Tunisie et de Libye. Certes, il y a eu quelques protestations du Parlement européen vis-à-vis du manque de démocratie et du non respect des droits de l’homme au Maghreb. Mais aucune sanction concrète n’a été prise par la Commission européenne suite à ces protestations. De plus, l’Union européenne a privilégié les relations inter-gouvernementales, et a négligé la société civile des pays du Maghreb, n’accordant qu’un très timide appui aux ONG maghrébines qui luttent pour la démocratie, le respect des droits de l’homme, et contre l’économie de rente et la corruption. Enfin, l’Union européenne s’est protégée telle une forteresse vis-à-vis du Maghreb, par l’instauration d’un système de visas extrêmement contraignant.
Sur le plan institutionnel, alors que le Processus du Barcelone préconisait une action multilatérale, visant à développer ensemble tous les pays du Maghreb, la Politique européenne de voisinage est revenue au système bilatéral et à la conditionnalité. L’aide de l’Union européenne étant soumise à certains critères que doivent remplir les pays du Maghreb qui souhaitent en profiter. Plus inconséquente a été la création en 2008 de l’Union pour la Méditerranée, un ensemble hétéroclite de 43 pays dont certains n’ont rien de commun. Qu’ont en effet en commun la Mauritanie et Monaco qui sont deux pays membres de l’Union pour la Méditerranée ? On peut citer également Israël et les pays Arabes qui sont dans un conflit perpétuel, qui a été aggravé par l’agression israéliens sur Gaza du 27 Décembre 2008 au 19 Janvier 2009. De plus, l’Union pour la Méditerranée ne bénéfice d’aucun financement propre pour la réalisation de ses projets. Cependant, suite au changement de la co-présidence : l’Union européenne en lieu et place de Nicolas Sarkozy, et la Jordanie remplaçant d’Egypte, et sous l’impulsion du nouveau secrétariat Général marocain Fathallah Sijelmassi nommé en février 2012, un nouvelle orientation a été donnée à l’UPM. Cette dernière privilégie la jeunesse et l’emploi, et vise une approche résolument tournée vers des projets concrets de coopération régionale. On peut citer à titre d’exemple la construction d’une usine de désalement de l’eau de mer à Gaza, l’autoroute trans-Maghreb, et l’Université Euro-méditerranéenne de Fès. Pour assurer sa crédibilité, l’UPM doit réaliser au moins l’un de ces projets dans les meilleurs délais.
Face à ces nombreux éléments négatifs, et pour construire une nouvelle relation entre le Maghreb et l’Union européenne, il y a lieu de prendre en considération les orientations suivantes. Tout d’abord sur le plan politique, l’Union européenne doit cesser tout soutien aux régimes autoritaires, et reconnaître tout gouvernement issu d’élections libres et transparentes. Elle doit encourager par tous les moyens administratifs et financiers, l’instauration de démocraties solides et durables dans les pays du Maghreb. Ces démocraties sur le plan concret doivent procéder à des élections libres et régulières, respecter la liberté d’association, d’expression et de réunion, ainsi que la liberté de la presse et des médias. Elles doivent instaurer l’Etat de droit avec un pouvoir judiciaire indépendant. Elles doivent lutter contre la corruption, l’économie de rente, la réforme du secteur de la sécurité, et l’établissement d’un contrôle démocratique des forces armées et de sécurité.
Le Partenariat euro-maghrébin doit passer par un double processus : vertical entre l’Union européenne et les pays du Maghreb, et horizontal entre les pays maghrébins eux-mêmes. A ce sujet, il est grand temps de construire une véritable Union maghrébine que l’Union européenne doit encourager par tous les moyens. Toutes les études ont montré que le non-Maghreb coûte 2 à 3 points du PIB à chaque pays maghrébin, alors que le commerce inter-régional correspond seulement à 4% des échanges. Il faut commencer par l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc. Il est en effet inconcevable en plein XXIème siècle qu’une telle frontière reste fermée entre deux pays voisins. La fermeture de cette frontière bloque non seulement les échanges entre la Mauritanie, le Maroc, et l’Algérie, mais également avec la Tunisie et la Libye. Un espoir est né avec le nouveau Président tunisien Moncef Marzouki, fervent défenseur de l’Union maghrébine, et qui s’efforce de réunir un Sommet de l’UMA avant la fin de l’année 2012. D’autre part, l’Union européenne doit faciliter la mobilité et la circulation des personnes entre le Maghreb et l’Union européenne. Cette mobilité est indispensable pour le développement des relations économiques et culturelles entre les deux rives de la Méditerranée. Certes, il serait souhaitable que les cinq pays du Maghreb évoluent ensemble dans leurs relations avec l’Union européenne, reprenant ainsi l’esprit de la Déclaration de Barcelone. Cependant, la mise en œuvre par l’Union européenne d’une conditionnalité positive et démocratique, peut aider certains pays du Maghreb à rattraper leur retard.
La société civile maghrébine doit devenir pour l’Union européenne un partenaire incontournable au même titre que les institutions étatiques. Ceci permettra des progrès dans le processus démocratique des pays du Maghreb, ainsi qu’un rapprochement entre les sociétés des deux rives de la Méditerranée. D’autre part, l’Union européenne doit lutter contre la propagation de l’islamophobie en Europe, et promouvoir d’idée que l’Islam est compatible avec la gouvernance démocratique. Plus important encore est l’appui que doit apporter l’Union européenne aux pays du Maghreb pour leur développement économique et social. Le Printemps arabe a eu des conséquences désastreuses sur l’économie de la Tunisie et de la Libye, moindres pour ce qui concerne l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie. Il est apparu que la création de zones de libre- échange est une condition nécessaire, mais non suffisante pour le développement économique et social des pays du Maghreb. Le développement économique ne peut s’accomplir dans les pays du Maghreb sans une aide financière accrue de l’Union européenne, une assistance technique tous azimuts, et le développement des investissements productifs. Pour ce qui est du développement social, une aide accrue de l’Union européenne est indispensable dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement social.
Sur le plan institutionnel, il y a lieu de privilégier le Groupe 5+5. Il regroupe des pays voisins et riverains de la Méditerranée ayant des préoccupations communes. Les relations économique et humaines y sont déjà très développées du fait des échanges commerciaux et du tourisme. Ce Groupe n’est pas directement concerné par le conflit israélo-palestinien, et peut tenir des réunions sans problèmes. Pour le rendre plus efficace, il y a lieu de l’institutionnaliser davantage, avec un Secrétariat permanent et un Sommet annuel des chefs d’Etat. Il faut également élargir ses activités et ne peut se contenter des questions sécuritaires et de défense. Il doit s’impliquer dans tous les domaines politiques, économiques, et sociaux. Il faut enfin lui trouver des sources de financement pour la réalisation de projets communs.
Conclusion :
la relation Maghreb/Union européenne est fondamentale. Dans le cadre de la mondialisation de nouveaux blocs sont entrain de se former : Amérique, Asie. L’Union européenne a besoin du Maghreb pour constituer le bloc Eurafrique. Le Maghreb a besoin de l’Union européenne pour renforcer la démocratie, et son développement économique et social. Nous devons tous concourir à bâtir une nouvelle relation Euro-maghrébine plus cohérente et plus efficace.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI