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Projet de Loi de finances 2013
Quelle évaluation ?

Par Jawad Kerdoudi

Consultant Economiste
Président de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)

La lecture du projet de finances 2013 présenté par le gouvernement et actuellement discuté au Parlement, permet d’affirmer que ce budget recherche plutôt la paix sociale que la relance économique. Tout d’abord, on peut mettre en cause les objectifs de ce budget qui prévoit un taux de croissance de 4,5% et un déficit public de 4,8% du PIB. Comme on le sait dans notre pays, le taux de croissance dépend beaucoup de la campagne agricole qu’il est impossible d’évaluer pour le moment. D’autre part, les secteurs secondaires et tertiaires dépendent également pour une bonne part de la conjoncture internationale et particulièrement de l’Europe. Or cette dernière qui constitue les deux tiers de notre économie connaîtra une très faible croissance en 2013, on peut citer à titre d’exemple les prévisions de croissance de 1,4% de la France, notre premier partenaire économique en Europe. De même, il semble difficile de réduire le déficit public à 4,8% du fait de la grande inconnue qu’est le prix du baril de pétrole en 2013. Le gouvernement s’est basé sur un prix du baril à 105 $, mais ce prix peut grimper plus haut en cas de crise grave au Moyen-Orient.

Au niveau des dépenses prévues dans ce projet de budget, aucun effort n’a été fait pour les réduire. Par rapport à 2012, les dépenses de fonctionnement vont augmenter de 6,07%, les charges communes de 9,25% dont près de 50 milliards de dirhams pour la Caisse de Compensation. Aucune mesure n’a été mentionnée pour réduire le déficit de cette Caisse qui grève lourdement le budget de l’Etat. Il est prévu 24.340 nouveaux recrutements dans l’Administration, qui vont augmenter la masse salariale déjà très lourde de 4,8%. Par contre, il est indiqué une baisse des investissements publics de 4,26%, alors que ces derniers indispensables pour relancer l’économie, ont toujours été en augmentation ces dernières années.

Au niveau des recettes, le projet de budget prévoit de nouvelles taxes sur les hauts salaires, les entreprises, les matériaux de construction, les plastiques, ainsi qu’une augmentation de taxes sur la cession de terrains dans le périmètre urbain. Il est regrettable que ce sont toujours les salariés et les entreprises transparentes qui sont le plus frappés par l’impôt. Le gouvernement aurait dû imposer les grands fortunes ainsi que les secteurs informels et exonérés. C’est ainsi que le secteur de l’agriculture est entièrement exonéré, y compris les gros exploitants. Les dépenses fiscales (les impôts non perçus par l’Etat du fait des exonérations) ont atteint en 2012 36,3 Milliards de dirhams dont 2,9 Milliards de dirhams par le secteur immobilier. Pratiquement tous les impôts sont concernés par les dépenses fiscales avec un gros morceau pour la TVA s’élevant à 14,3 Milliards de dirhams. Il serait urgent de faire une évaluation précise de l’effet de ces dépenses fiscales, et de les réviser en conséquence.

Il y a certes quelques mesures positives à relever dans ce projet de budget. C’est ainsi que l’IS a été ramené à 10% pour les sociétés qui réalisent un bénéfice inférieur à 200.000 Dh. On peut citer également que 20% des marchés publics seront réservés aux entreprises marocaines. Une baisse de la TVA a été prévue pour l’alimentation du bétail, ainsi que des exonérations fiscales concernant l’implantation des sociétés dans Casablanca Finances City. De même, ont été prorogés les avantages fiscaux accordés aux sociétés qui s’introduisent en Bourse ou qui opèrent des fusions ou des augmentations de capital. Enfin on peut noter l’exonération de l’indemnité de stage et de l’épargne salariale dans le cadre du plan d’épargne entreprise.

Ont peut regretter que ce projet de budget ne se soit pas inquiété de la grave détérioration de la balance des paiements, qui ne permet de disposer actuellement que de quatre mois d’importations en devises étrangères. C’est le problème le plus urgent qu’il faut résoudre sous peine de revenir au plan d’ajustement structurel imposé par le FMI. La solution est à trouver dans l’augmentation des exportations, notamment des biens et services identifiés par le Plan Emergence. Il serait judicieux à ce titre d’affecter une partie des investissements publics prévus dans le projet de budget 2013, à la relance des stations touristiques en panne, à l’offshoring et aux autres secteurs porteurs : automobile, aéronautique, électronique. De même, il serait préférable de faire une pause dans de nouveaux investissements d’infrastructures, qui auraient pour conséquence d’augmenter les importations et donc la sortie de devises. Outre l’aide financière à recevoir des pays en Golfe, il faudrait sortir sur le marché international pour combler le déficit de la balance des paiements, car le taux d’endettement du Maroc le permet. Il faudrait aussi revoir à la baisse la parité du dirham par rapport aux devises étrangères.

En conclusion, ce projet de budget ne constitue pas une rupture par rapport aux budgets précédents. Il appartient au Parlement de faire adopter des amendements pour rectifier la tire dans le bon sens.

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