Victoire des Palestiniens à l’ONU
Acte de naissance d’un Nouvel Etat
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)
La Palestine a remporté le 29 Novembre 2012 une victoire éclatante à l’ONU qui l’a reconnue comme nouvel Etat Observateur. C’est ainsi que sur les 193 Etats membres, elle a obtenu 138 votes positifs, 41 abstentions et seulement 9 votes négatifs. Ce vote outre le succès diplomatique certain, va permettre à la Palestine de poser sa candidature aux autres Agences de l’ONU que l’UNESCO, et de poursuivre Israël devant la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
L’analyse de ce vote permet de faire plusieurs remarques. La première est l’isolement des Etats-Unis et d’Israël qui n’ont reçu que deux soutiens : Le Canada et la République tchèque. Les cinq autres votes concernent des micro-Etats (des petites îles) ne jouant aucun rôle sur la scène internationale. Les Etats-Unis confirment donc leur soutien inconditionnel à Israël et ont même jugé ce vote « fâcheux et contre-productif ». La position américaine reflète à nouveau l’impact du Lobby pro-israélien sur la politique extérieure des Etats-Unis. Ces derniers ont fait pression sans résultat sur Mahmoud Abbas pour ne pas recourir à l’ONU, en le menaçant de lui couper l’aide financière. Ce vote américain apporte des arguments à ceux qui affirment qu’Israël est le « 51ème Etat » des USA. La position de Canada est regrettable, du fait que ce pays est connu pour sa défense des libertés et des droits de l’homme. Ce sont certainement les liens économiques très importants avec le voisin, qui expliquent l’alignement du Canada sur la position des Etats-Unis. Quant à la République Tchèque et les autres micro-Etats, ça ne peut être que des promesses matérielles américaines qui ont emporté la décision.
Parmi les pays qui ont voté positivement pour la Palestine, il n’est pas étonnant que les pays Arabes, africains et musulmans aient apporté leur soutien à la cause palestinienne. On peut ajouter également la quasi-totalité de l’Amérique latine ainsi que la Russie et la Scandinavie. L’Union européenne s’est pratiquement divisée en deux et montre clairement que cette entité est loin d’être un union politique. On ne peut que saluer les 13 Etats de l’Union européenne qui ont voté positivement pour la reconnaissance de la Palestine en tant qu’Etat Observateur. Parmi les grands pays de l’Union européenne, on peut citer la France, l’Italie, l’Espagne et la Suède. Les autres pays de l’Union européenne qui ont voté positivement par la Palestine sont : la Belgique, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et le Portugal. La position de la France est particulièrement importante, car ce pays est le seul membre permanent occidental du Conseil de Sécurité qui a voté en faveur de la Palestine.
Quant aux pays qui se sont abstenus, la position de l’Allemagne s’explique par son passé nazi, qui l’empêche de prendre toute position contraire aux intérêts d’Israël. Le Royaume Uni aurait dû se rattraper en votant positivement sur la Palestine, car il a joué un grand rôle par la " Déclaration Balfour " pour l’instauration de l’Etat d’Israël au Moyen-Orient, créant aussi une injustice impardonnable. Les pays de l’Est de l’Europe : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie se sont abstenus pour ne pas déplaire aux Etats-Unis, dont ils ont besoin pour faire contre-poids à leur ennemi héréditaire : la Russie. Ce qui est moins compréhensible est l’abstention de certains pays africains : Cameroun, République Démocratique du Congo, Malawi, Togo, qui ont eux aussi connu les souffrances de l’occupation.
La réponse d’Israël a été complètement négative, car il a annoncé dès le lendemain 3.000 nouvelles implantations juives en Cisjordanie et Jérusalem, ainsi que le gel des droits de douane prélevés par l’administration israélienne pour le compte de l’Etat palestinien. Le ministre israélien des affaires étrangères a expliqué avec une parfaite mauvaise foi que ces nouvelles implantations ont pour objet d’assurer la sécurité de l’Etat d’Israël. En fait, la perspective du gouvernement d’Israël dominé par la droite et les extrémistes est de grignoter le plus possible de territoire palestinien afin de rendre impossible la création effective de l’Etat palestinien. De son côté, le Premier ministre israélien a annoncé que toute solution au problème ne peut aboutir sans une reconnaissance par les Palestiniens du statut juif de l’Etat d’Israël, éliminant toute solution au problème des réfugiés palestiniens qui croupissent par millions dans les pays voisins. Concernant la question financière, Israël n’a aucun droit de retenir des sommes d’argent qui ne lui appartiennent pas. L’Etat palestinien peut pour cette question poursuivre Israël devant la justice internationale. Quant à l’aide des Etats-Unis de 200 M de $, il appartient aux pays Arabes de la remplacer dans les meilleures délais.
Les Etats-Unis insistent pour que les négociations directes se tiennent entre Israéliens et Palestiniens pour discuter de toutes les questions. Mais il est illusoire de penser que les deux parties peuvent trouver seules des solutions, tant leurs positions sont diamétralement éloignées les unes des autres. C’est pour cela que la Communauté internationale qui a reconnu l’Etat palestinien doit trancher. La seule solution demeure l’organisation d’une Conférence internationale sous l’égide de l’ONU, qui imposerait ses décisions aux deux parties.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI