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L’Union pour la Méditerranée
Réalité ou Utopie ?

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »

Lors d’un Symposium organisé le 23 Juin 2009 à Casablanca, la question a été de nouveau posée sur l’évaluation de l’Union pour la Méditerranée (UPM) comme une réalité ou une utopie. Rappelons brièvement que c’est le candidat Sarkozy aux élections présidentielles françaises, qui a lancé au Printemps 2007 l’idée de la création d’une Union Méditerranéenne. Cette Union ne devait regrouper à l’origine que les pays riverains de la Méditerranée. Mais suite à l’opposition de l’Allemagne et certains pays du Nord de l’Europe, le Sommet de Hanovre tenu le 3 Mars 2008 entre le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel a élargi l’Union aux 27 pays de l’Union européenne avec la dénomination Processus de Barcelone-Union pour la Méditerranée. Les décisions du Sommet de Hanovre ont été entérinées par le Conseil européen des 13 et 14 Mars 2008, qui a chargé la Commission européenne de faire des prépositions concrètes avant le Sommet de Paris du 13 Juillet 2008 qui devait créer officiellement l’Union po

La Commission européenne a défini le 20 Mai 2008 les grandes lignes de la future Union pour la Méditerranée qu’on peut résumer comme suit. L’Union comprendra finalement 44 membres dont les 27 de l’Union européenne, 9 pays Arabes, 4 pays des Balkans, 3 autres pays (Israël, Monaco, Turquie) plus la Ligue Arabe. L’Union sera co-présidée par un Chef d’Etat du nord et du sud de la Méditerranée pour une période de deux ans. Il est prévu la création d’un Secrétariat général d’une vingtaine de membres, et d’un Comité permanent à Bruxelles, chargé de la coordination avec le Secrétariat général. Il a été précisé que l’Union se basera sur des projets à géométrie variable, comprenant essentiellement le secteur du transport (autoroutes terrestres et maritimes), de l’environnement (dépollution de la Méditerranée), un plan solaire, et un programme de protection civile. Enfin, il a été précisé que l’Union européenne n’accordera pas de financements supplémentaires autres que ceux prévus par le Processus de Barcelone et la Politique Européenne de Voisinage. Le Sommet du 13 Juillet 2008 de Paris a entériné toutes ces dispositions, et désigné comme co-présidents Messieurs Sarkozy et Moubarak d’Egypte. Une réunion ministérielle des membres de l’UPM a eu lieu à Marseille en Novembre 2008, où le siège du Secrétariat général de l’Union a été fixé à Barcelone. En contrepartie, il a été décidé que le Secrétaire général reviendra à un pays du sud, qui sera aidé par 5 Adjoints, dont trois européens et deux du sud (Israël et Autorité Palestinienne).



Depuis la réunion ministérielle de Marseille de Novembre 2008, aucun consensus n’a été trouvé pour la désignation du Secrétaire général et de ses Adjoints, et surtout les activités de l’UPM fûrent gelées à la demande des pays Arabes suite à l’agression israélienne sur Gaza du 27 Décembre 2008 au 19 Janvier 2009.



Compte-tenu de cet historique que peut-on dire de l’avenir de l’Union pour la Méditerranée ?



Lors du Symposium de Casablanca du 23 Juin 2009, l’Ambassadeur de Turquie, avec une grande franchise, a déclaré que le candidat Sarkozy n’avait proposé l’Union Méditerranéenne que comme « lot de consolation » à la Turquie, étant donné qu’il est foncièrement opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Au cours de ce même Symposium, deux thèses se sont affrontées d’une manière très diplomatique. Celle de Monsieur André Azoulay, Président de la Fondation Anna Lindh, très optimiste pour l’Union pour la Méditerranée qu’il considère comme une réalité, un tournant historique et une destinée commune pour nos petits-enfants. Il a argumenté sa thèse en indiquant que c’est un projet à long terme qu’il faut édifier ensemble, et que l’Union européenne a besoin du sud de la Méditerranée, pour compléter sa main-d’œuvre et maintenir sa part de PIB dans le monde. Il a ajouté que l’UPM présente par rapport au Processus de Barcelone l’avantage de la co-présidence, et que l’intégration de la Ligue Arabe dans l’UPM et la nomination de deux Adjoints au Secrétaire général palestinien et israélien, pourraient contribuer à la solution du conflit israélo-palestinien.



Plus pragmatique, Monsieur Hassan Abouyoub, Ambassadeur Itinérant, considère que le conflit israélo-palestinien ne peut pas être réglé par l’UPM, et que les Etats-Unis ont seuls la capacité de solutionner ce problème. D’ailleurs, tous les participants au Symposium ont insisté sur la centralité du conflit israélo-palestinien, qui pèsera de tout son poids sur l’avenir de l’Union européenne. Monsieur Hassan Abouyoub est catégorique : « Il faut tout remettre à plat et changer de paradigmes, parce que le modèle proposé est ingérable ». Il propose la création d’une Commission de sages, chargée de réfléchir et de présenter un nouveau modèle avant le prochain Sommet de l’UPM à Madrid en 2010.



A vrai dire, l’avenir de l’UPM est complexe et incertain. Voilà une Union hétéroclite de 43 pays que rien ne rapproche autre que la situation géographique. On y trouve des pays riches, des pays pauvres, des systèmes politiques antagonistes, des cultures et des religions différentes. En plus, la région est minée par des conflits lourds : le conflit israélo-arabe, l’antagonisme algéro-marocain et la question de Chypre. Il n’est pas certain par exemple que les pays du Nord et de l’Est de l’Europe attribuent à la région méditerranéenne autant d’intérêt que les pays européens riverains. D’autre part, les peuples de la Méditerranée n’ont pas encore intégré l’idée de l’Union pour la Méditerranée, et mêmes les gouvernements n’ont font pas une priorité. Lors des dernières élections européennes, le thème de l’Union pour la Méditerranée n’a pas été abordé, sauf par certains candidats qui voulaient marquer leur opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Peut-être faut-il s’orienter plutôt sur la formation de sous-groupes régionaux (Maghreb, Machrek, Balkans) qui pourraient s’allier à l’Europe sous la forme d’une Association des Nations de la Méditerranée (ASEAM), à l’instar de l’ASEAN qui regroupe les Nations de l’ASIE du Sud-Est. Enfin, les progrès de la mondialisation font qu’économiquement, chaque pays essaie d’être compétitif pour écouler ses biens et ses services sur le marché mondial, plutôt que seulement sur les pays voisins.



Il est prévu une réunion à Bruxelles le 7 Juillet prochain du Comité des Hauts Représentants des 43 pays membres de l’Union pour la Méditerranée, qui doit tenter une sortie de crise et un déblocage politique, permettant de mettre en œuvre les projets prévus par l’UPM. On va bien voir ce que cela va donner concrètement cette réunion.

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