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Premier Forum des Hommes d’Affaires Maghrébins
Une Déclaration d’Alger décevante

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »


Le premier Forum des hommes d’affaires maghrébins organisé par l’Union des Employeurs Maghrébins (UEM) auquel j’ai eu l’honneur de participer, a eu lieu à Alger les 10 et 11 Mai 2009. Rappelons que l’UEM qui regroupe les cinq organisations patronales des pays de l’UMA, a été créée le 19 Février 2007 à Marrakech. Le but de l’UEM est de promouvoir les opportunités d’investissements et de partenariat économique entre les cinq pays de l’UMA, et d’encourager l’intégration économique du Maghreb, pratiquement gelée depuis 1995. L’UEM est présidée actuellement par un Tunisien, et la première réunion de l’UEM a eu lieu les 9 et 10 Septembre 2007 à Alger, où a été fixé le siège permanant de l’UEM, avec la désignation d’un secrétaire général algérien.

Le premier Forum de l’UEM des 10 et 11 Mai 2009 à Alger a regroupé 700 hommes d’affaires des cinq pays du Maghreb, ce qui est déjà en soi un élément très positif, dans la mesure où il a permis aux hommes d’affaires maghrébins de faire connaissance, et de nouer des contacts d’affaires. Les réunions se sont subdivisées en séances plénières et en ateliers thématiques, basés sur les secteurs économiques. Etaient présents à ce Forum outre les hommes d’affaires maghrébins, les représentants de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que le secrétaire général de l’UMA, Monsieur Habib Benyahia. Le programme du Forum a abordé l’impact de crise financière internationale, les échanges intermaghrébins, et la consolidation de l’intégration maghrébine.



Tous les participants ont mis en exergue l’absence d’une véritable intégration maghrébine, qui fait perdre deux points de croissance économique à chaque pays de l’UMA, dont la population totale avoisine les 100 millions d’habitants. Ils ont déploré le faible volume des échanges intermaghrébins qui ne sont pas que de 3%, alors que les échanges du Maghreb avec l’Europe s’élèvent à 66%. Ceci du fait, que malgré la signature de 34 Accords entre les Etats maghrébins, ces derniers ne sont pas mis en application. L’autre constatation relevée par plusieurs intervenants, est que les programmes d’investissements sont établis par chaque pays selon des considérations purement nationales, sans aucune vision maghrébine. Enfin, concernant les investissements directs étrangers (IDE), ils font l’objet d’une concurrence acharnée, au lieu de s’inscrire dans un projet concerté entre les cinq pays de l’UMA.



Pour synthétiser les travaux de ce premier Forum d’Alger des hommes d’affaires maghrébins, une Déclaration d’Alger a été adoptée à l’unanimité. Malheureusement, cette Déclaration s’est contentée de vœux pieux sans faire de propositions concrètes. C’est ainsi qu’elle s’est contentée d’exprimer « la volonté de construire un espace économique maghrébin solidaire et durable ». Après avoir analysé l’impact de la crise financière internationale sur le Maghreb : baisse du tourisme et des IDE, baisse des exportations des hydrocarbures et des matières premières, elle s’est contentée de recommander la vigilance, de trouver les solutions adéquates, et d’adopter les réformes nécessaires, en transférant la responsabilité de sortie de crise sur les programmes gouvernementaux. Continuant dans le même sens, la Déclaration indique « qu’il est nécessaire de multiplier les échanges de marchandises et de biens, de développer les investissements en partenariat, et les projets unifiés ». Elle a mis l’accent sur l’économie du savoir, apte à améliorer la compétitivité des entreprises maghrébines. Enfin, la Déclaration se termine par le soutien « à toute initiative tendant à promouvoir le renforcement du partenariat maghrébin, ainsi qu’à l’élaboration d’idées opérationnelles, en vue de développer l’intégration maghrébine ».



Comme on le voit, cette Déclaration ne propose aucune mesure concrète tendant à créer une véritable Communauté Economique Maghrébine (CEM), à l’instar de la Communauté Economique Européenne (CEE), qui a précédé la création de l’Union Européenne (UE). Pour créer la CEM, il y a lieu tout d’abord de permettre la libre circulation des biens et des services. Aucune mention n’a été faite dans la Déclaration, pour l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc, qui bloque les échanges commerciaux non seulement entre ces deux pays, mais également les échanges du Maroc avec la Tunisie et la Libye. Certes, les liaisons maritimes et aériennes existent, mais sont de loin moins pratiques que la liaison terrestre. Aucune recommandation n’a été faite dans la Déclaration pour la mise en application effective des 19 Accords à caractère commercial et économique qui ont été signés dans le cadre de l’UMA. De même, il n’a pas été question dans la Déclaration de la mise en œuvre rapide de la BMCIE (Banque Maghrébine d’Investissement et de Commerce), dont le projet traine depuis plusieurs années. Or la création de cette Banque est incontournable pour promouvoir les échanges commerciaux et les investissements intermaghrébins.



En conclusion, on ne peut que se féliciter de la création de l’UEM et des Forums d’hommes d’affaires maghrébins, dont le prochain aura lieu à Tunis les 10 et 11 Mai 2010. Mais pour que l’intégration maghrébine soit une réalité, il faut lever les obstacles à la libre circulation des biens, des services, des capitaux, et des personnes, qui ne peut avoir lieu sans une réelle volonté politique des gouvernements de l’UMA.



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