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Deuxième anniversaire du drame syrien : Pour l’armement des insurgés

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Suite au déclenchement du Printemps arabe en Tunisie, les manifestations ont commencé en Syrie le 15 Mars 2011. En deux ans le bilan est dramatique : selon l’ONU 70.000 morts et plus d’un million de réfugiés dont 50% sont des enfants. Ces réfugiés se sont entassés dans des conditions déplorables dans les pays voisins : Liban, Jordanie, Turquie. Contrairement aux autres dictateurs arabes Ben Ali de Tunisie et Moubarak d’Egypte, le Président syrien Bachar Al Assad n’a pas voulu quitter le pouvoir, et a entrepris une répression sauvage contre son propre peuple. Outre l’armée régulière fortement armée, le régime syrien a utilisé des forces supplétives « Chabiha », ainsi que des groupes paramilitaires et des comités populaires formant les Forces de défense nationale.

La résistance du régime syrien s’explique par plusieurs raisons. La société syrienne est une mosaïque de populations avec des ethnies et des confessions différentes : alaouites, kurdes, druzes, sunnites et chiites. Le régime bassiste qui a débuté il y a 42 ans avec Hafez El Assad le père de Bachar, est issu des alaouites qui ne représentent que 10% de la population totale syrienne. C’est pour cette raison que le régime syrien s’est érigé en protecteur des minorités. La minorité alaouite a tissé au fil des années une structure clanique du régime, et s’est réservée la direction de l’administration, de l’armée et des services de sécurité. C’est ce qui explique la relative fidélité des hauts responsables du régime à Bachar Al Assad. Au-delà de ces raisons internes, le régime actuel syrien bénéficie du soutien actif de l’Iran et de la Russie, ainsi que du soutien diplomatique de la Chine. Les Russes et les Chinois ont en effet opposé par trois fois leur véto au Conseil de sécurité de l’ONU contre toute résolution demandant le départ de Bachar Al Assad. La Russie pour préserver sa base navale militaire à Tartous en Syrie et son influence au Moyen-Orient, envoit des armes au régime syrien et lui assure un soutien politique déterminant. L’Iran qui veut jouer un rôle de leadership au Moyen-Orient en s’opposant aux monarchies du Golfe, considère la Syrie comme sa zone d’influence, et lui fournit du fioul, l’électricité et des « Gardiens de la révolution ».



L’opposition courageuse au régime syrien, formée de la société civile et de déserteurs de l’armée régulière a remporté des victoires significatives. C’est ainsi qu’elle a constitué sur le plan interne l’Armée syrienne de libération (ASL), sur le plan extérieur le Conseil national syrien et la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution. Sur le terrain, l’opposition armée a réussi à s’implanter quasiment dans tout le pays, y compris à Damas et Alep, et à établir des « zones libérées » notamment à la frontière turque. Mais le rapport de force est trop inégal entre les unités d’élite de l’armée régulière surarmée, et les groupes de combattants locaux. La menace la plus forte pesant sur les insurgés provient des attaques aériennes (avions, hélicoptères et missiles) et des chars.



Les implications géopolitiques du conflit syrien sont très importantes. Les Etats-Unis soucieux de leur influence au Moyen-Orient et de la sécurité d’Israël, leur allié stratégique dans la région, sont favorables à l’opposition au régime syrien et participent régulièrement à la Conférence internationale des Amis de la Syrie. Ils apportent une aide financière aux opposants, mais rechignent jusqu’à présent à livrer des armes aux insurgés. Ils ne souhaitent pas entrer dans une nouvelle aventure militaire, et craignent que les armes soient mises à la disposition des djihadistes du Mouvement « Al Nosra » qui veulent instaurer la « chariaa » après la chute du régime syrien. Pour ce qui est des pays du Golfe, Arabie Saoudite et Qatar en tête, ils espèrent la chute du régime syrien soutenu par l’ennemi héréditaire qu’est l’Iran. Ils fournissent à l’opposition syrienne de l’argent et des armes légères. Notre pays le Maroc a dès le départ apporté son soutien à l’opposition syrienne, et a organisé le 12 Décembre 2012 à Marrakech la quatrième réunion du Groupe des Amis du peuple syrien qui a reconnu la coalition de l’opposition syrienne comme le représentant légitime du peuple syrien. L’Union européenne s’est mis également du côté de l’opposition en apportant une aide financière, mais en établissant un embargo sur toute livraison d’armes à la Syrie.



Face à cette situation qui risque de se prolonger pendant des mois, et devant le déséquilibre flagrant d’armement entre le régime syrien et les insurgés, il est impératif que l’opposition syrienne soit fournie en armes de tous genres, principalement des missiles sol-air pour neutraliser l’aviation de Bachar Al Assad. D’ailleurs la France et la Grande-Bretagne y sont favorables, et font pression sur l’Union européenne pour lever l’embargo. Paris et Londres menacent même de passer outre l’embargo européen. Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères a dit à juste titre « Lever l’embargo : c’est un des seuls moyens qui restent pour faire bouger politiquement la situation ».



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