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Forum Social Mondial de Tunis : Quelles perspectives ?

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Le Forum social mondial s’est tenu à Tunis du 26 au 30 Mars 2013. C’est la première fois que ce Forum se tient dans un pays arabe. Il est né en 2001 à Porto Allegre au Brésil pour être le pendant du Forum économique de Davos en Suisse. Il a tenu plusieurs réunions successivement à Bombay, Caracas, Paris, Barcelone, Nairobi et Dakar. Le Forum de Tunis a réuni 30.000 participants appartient à 4.500 associations appartenant à 100 pays.


La philosophie générale du Forum social mondial peut être résumée dans le slogan « Un autre monde est possible ». Un monde meilleur où serait respectée la dignité de chacun, où il n’y aurait plus le primat de l’économie et de la finance sur le social et l’écologie. D’où la nécessité d’élaborer une politique post-néolibérale qui mettrait en œuvre des politiques sociales avec des redistributions de revenus. Cette politique serait basée sur des outils tels que la suppression des paradis fiscaux et juridiques, la taxation des transactions financières, la séparation des banques de dépôts et d’affaires, la socialisation du secteur financier, l’interdiction des marchés financiers dérivés, la redistribution des revenus et la protection sociale universelle. L’orientation alternative consisterait à organiser chaque société autrement que par la logique dominante de la subordination au marché mondial des capitaux. La société serait organisée à partir de l’accès aux droits pour tous et de l’égalité des droits, du local au planétaire. Elle nécessiterait une série de ruptures : sur le plan social, écologique et démocratique, de nouvelles manières de produire et de consommer, de nouvelles formes de propriété, de nouveaux modèles de croissance, de nouvelles pratiques de la démocratie, de généralisation des services publics. Tout cela nécessite une nouvelle pensée stratégique.

Chapeauté par de grandes figures de l’altermondialisme tels que Lula de Silva (Brésil), Muhamed Yunus (Pakistan), Nawal Saadaoui (Egypte), de multiples tables rondes, ateliers, séminaires, expositions ont eu lieu pendant la durée du Forum social mondial. Les sujets abordés ont été multiples : la condition féminine et des jeunes, l’éducation et l’emploi, les problèmes migratoires, les médias libres, la justice. Les questions économiques et écologiques n’ont pas été du reste : l’accès à l’eau, les délocalisations, l’exploitation du gaz de schiste, le changement climatique, l’endettement public, le partenariat euro-méditerranéen. A côté des activités intellectuelles, le côté festif n’est pas ignoré, notamment sous forme de concerts de musique. Se déroulant à Tunis, le Forum social mondial a étudié également les conséquences du Printemps arabe, avec un discours très émouvant de Bassma Belaid, la veuve de l’opposant Chokri Belaid qui a été assassiné par les extrémistes tunisiens. Une marche grandiose a été également organisée en faveur de la cause palestinienne qui a toujours fait l’unanimité durant les précédents Forums. La délégation marocaine forte de 500 membres a été également très active notamment pour dénoncer la situation dramatique des séquestrés de Tindouf, et pour plaider la cause de la marocainté du Sahara. On ne peut que déplorer dans la journée du Vendredi 26 Mars l’agression qu’ont subis les journalistes et les activistes marocains de la part d’éléments provocateurs algériens et du Polisario.




Certes la situation actuelle du monde n’est pas enviable. Elle est caractérisée par la pauvreté qui frappe encore une grande partie de la population mondiale, aggravée par la crise économique de 2008 qui continue à provoquer ses effets dévastateurs. La mauvaise répartition des richesses accentue les inégalités sociales entre pays et entre individus. La financiarisation de l’économie et la toute puissance des marchés financiers ne laissent que peu de place aux politiques volontaristes des gouvernements. Le facteur travail est dévalorisé par rapport au capital, et ne permet pas de vivre décemment. Les dangers écologiques qui menacent la planète ne sont pas suffisamment pris en compte, rendant aléatoire l’avenir des futures générations.




Il faut se féliciter que le Forum social mondial dénonce tous ces dangers qui menacent l’humanité. Son action est très positive pour mettre en lumière les lacunes et les failles du monde dans lequel nous vivons. Cependant, on ne peut ignorer les limites de ce genre de manifestations qui se tiennent une fois par an. D’autre part, les forums sociaux ne délivrent pas de déclaration finale. Certes un Manifeste a été élaboré en 2005, mais sans valeur officielle toutefois. En fait, les vrais décideurs dans le monde actuel sont les grands puissances : Etats-Unis, Europe, Brics, et dans un moindre mesure le G20. Cependant, le Forum social mondial est utile tel que « la mouche du coche » qui taquine les vrais décideurs. Il faudrait développer davantage dans l’avenir les forums sociaux thématiques et régionaux qui peuvent avoir une action plus efficace.



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