Elections présidentielles iraniennes
Quelle issue ?
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Les élections présidentielles iraniennes auront lieu le 12 Juin 2009. Rappelons que ces élections sont prévues par la Constitution de 1979, qui a instauré la République islamique d’Iran, après la chute du régime du Shah. Cette République théocratique a dévolu le pouvoir exécutif au Guide de la Révolution et au Président de la République. Le Guide de la Révolution (Khomeiny de 1979-1989, et Khamenai de 1989 à ce jour), est le Chef d’Etat élu à vie, et qui dispose de pouvoirs très étendus. Le pouvoir législatif est dévolu au Majliss, dont les députés sont élus au suffrage universel. Mais derrière cette apparence démocratique, le régime khomeyniste est verrouillé par des mesures restrictives draconiennes. C’est ainsi que le pluralisme politique est inexistant, et que le Conseil des Gardiens de la Révolution peut s’opposer à une loi votée par le Majliss, et opposer son véto à une candidature au Parlement. Ce qui fait que les candidats au Majliss ne peuvent provenir que des factions islamis
Ce système politique, s’il comporte quelques éléments positifs, tels que la généralisation de l’éducation et de la sécurité sociale, a porté de graves atteintes aux droits de l’homme. C’est ainsi que les libertés politiques, d’expression, des travailleurs ont été bafoués. Trois catégories de la population iranienne souffrent particulièrement de ce régime. Les jeunes, qui subissent les contraintes morales, l’absence de perspectives d’avenir, et les restrictions à la liberté (interdiction de Facebook sur internet). Les femmes qui sont obligées de porter le voile, et qui souffrent des normes contre la mixité (interdiction d’accès aux stades). Enfin, les intellectuels qui déplorent le manque de libertés, et l’imbrication de la religion dans la politique. Sur le plan économique, les résultats de la République islamique d’Iran ne sont pas plus satisfaisants. Disposant d’énormes réserves de pétrole et de gaz (l’Iran est le 4ème producteur mondial de pétrole et le 8ème producteur de gaz), les ressources financières sont gaspillées dans l’entretien d’un secteur public hypertrophié (90% de salariés), et des dépenses militaires orientées sur le nucléaire et les missiles. Avec un PNB moyen de 2.000 $ par habitant, 40% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. L’agriculture, dont vit 1/3 de la population, ne participe qu’à 10% du PIB. Le secteur financier entièrement public est handicapé dans ses relations internationales du fait de l’interdiction des taux d’intérêt. Enfin, la faiblesse de la production, le développement des importations et du secteur informel, favorise l’inflation qui a atteint 25% en ce début de l’année 2009.
Les élections présidentielles de 2005 furent remportées par l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Son mandat fut marqué en politique extérieure par une politique expansionniste au Moyen-Orient, tendant à asseoir l’Iran en tant que première puissance régionale. C’est ainsi que malgré les mesures restrictives de l’ONU, et les menaces à la fois des Etats-Unis, de l’Europe et d’Israël, il a continué à mener la politique de nucléarisation militaire de son pays. Se plaçant parmi les négationnistes de l’Holocauste, il a proclamé à maintes reprises son souhait de l’éradication de l’Etat d’Israël. Pour appuyer sur le terrain sa politique moyen-orientale, il soutient et finance les mouvements extrémistes du Hamas en Palestine et du Hizbollah au Liban. Cette politique agressive s’est accompagnée de la volonté d’étendre le Chiisme dans les pays voisins, s’opposent aussi aux Etats à majorité sunnite. Ce comportement n’a pas manqué de soulever l’inquiétude des pays Arabes, et de raviver l’ancienne rivalité arabo-perse. Le Maroc, pourtant à des milliers de kilomètres, a dû rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran, compte tenu de cette politique, et suite à l’atteinte par certains responsables iraniens à la souveraineté de l’Emirat de Bahreïn.
Pour les élections présidentielles du 12 Juin 2009, outre Ahmadinejad, vont se présenter trois autres candidats : Mir Houssain Moussavi, Mehdi Karoubi, et Mohsen Rezaï. Les deux derniers n’ont pratiquement aucune chance d’être élus. Mehdi Karoubi est ancien Président réformateur du Parlement, et Mohsen Rezaï est un conservateur ayant dirigé les Gardiens de la Révolution. Tous les espoirs des réformateurs sont portés par Moussavi, qui a reçu l’appui de l’ancien Président réformateur Khatami (1997-2005). Moussavi a dirigé le premier gouvernement de Khomeiny de 1981 à 1989, et a joué un grand rôle dans les huit années de guerre contre l’Irak. Il est accusé d’avoir participé, ou en tout cas d’avoir gardé le silence, sur le massacre de 30.000 prisonniers politiques pendant l’été 1988. Il est tombé en disgrâce en 1989 après la mort de Khomeiny, et reprend ainsi du service après une traversée de désert de vingt ans.
Le programme politique de Moussavi, qui se présente en tant que réformateur, consiste sur le plan intérieur, à élargir le champ des libertés, à lutter contre la discrimination envers les femmes, et surtout à promouvoir le développement économique du pays. C’est ainsi qu’il se propose de lutter contre l’inflation, et de privilégier les secteurs productifs des biens et services, au détriment des dépenses militaires. Sur le plan extérieur, tout en ne renonçant pas à l’armement nucléaire, il se propose de briser l’isolement de l’Iran sur le plan international, en adoptant une politique de détente avec les autres pays. Concernant les relations avec les Etats-Unis, Moussavi demande des actes concrets du Président Obama.
En conclusion, les élections présidentielles du 12 Juin 2009 ne vont pas apporter de changement radical dans le régime iranien. Comme déjà dit, le système politique iranien est verrouillé, et le Guide de la Révolution en place, Khamenai, va veiller fermement à tout infléchissement majeur du régime. L’enjeu de cette élection, est soit la réélection d’Ahmadinejad, qui ne va rien changer à la politique de son premier mandat. Soit l’élection de Moussavi, qui va apporter un certain apaisement tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Espérons dans l’intérêt de l’Iran, du Moyen-Orient et du monde entier que le réformateur Moussavi remporte ces élections.
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