Délégation IMRI à Rio de Janeiro
Le Brésil : un grand pays émergent
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’IMRI a organisé une Délégation économique marocaine qui s’est rendue à Rio de Janeiro du 26 Avril au 6 Mai 2013. Cette délégation qui était composée de représentants de plusieurs secteurs économiques (agro-industrie, immobilier, imprimerie, logistique, négoce, pharmacie, textiles) a eu une séance de travail avec FIRJAN qui est la Fédération des industries de Rio de Janeiro. Cette organisation privée regroupe 104 unions patronales industrielles et 9805 sociétés de l’Etat de Rio de Janeiro. Le rôle de FIRJAN et de ses filiales est de défendre les intérêts de ses membres, de fournir une information pertinente, d’assurer une assistance technique, de promouvoir la compétitivité par l’éducation, la formation, et le bien être des travailleurs, et enfin d’accueillir les investisseurs étrangers. Chaque année, FIRJAN établit une étude sur les intentions d’investissements dans l’Etat de Rio de Janeiro aussi bien par le secteur public que privé. Cette étude fait l’objet d’un document, dont une copie nous a été remise, indique les investissements annoncés pour la période 2012-2014 dans l’Etat de Rio de Janeiro, et qui s’élèvent à 120 milliards de $. Le document détaillé indique les investissements projetés par secteur économique : industrie pétrolière, infrastructures, industries manufacturières, Jeux Olympiques de 2016, tourisme, et autres. Ce document est largement diffusé auprès des investisseurs potentiels nationaux et étrangers. La CGEM devrait s’inspirer de cet exemple pour promouvoir l’investissement au Maroc. La délégation a pris également contact avec un Think Tank le CEBRI (Centre Brésilien des Relations Internationales) avec lequel l’IMRI a établi un partenariat.
Ce voyage a également permis à la Délégation marocaine de prendre contact avec ce grand pays émergent qu’est le Brésil. D’une superficie de 8,5 millions de km2, et une population que avoisine les 200 millions d’habitants, le Brésil est classé sixième puissance économique mondiale avec un PIB de 2517 milliards de $. Sur le plan politique, le Brésil est un Etat fédéral composé de 26 Etats et d’un District fédéral. Le Président est élu pour un mandat de 4 ans renouvelable une fois, le vote est obligatoire pour les citoyens de 18 à 65 ans, et le pouvoir législatif est bicaméral : la Chambre des Députés et le Sénat. L’actuelle Présidente du Brésil est Dilma Rousseff qui a pris ses fonctions le 1er janvier 2011, et qui a succédé au précèdent Président : le charismatique Luiz Inacio Lula da Silva qui est le fondateur du Parti des Travailleurs actuellement au pouvoir.
On ne peut comprendre le Brésil actuel sans se référer brièvement à son histoire. Les deux traits dominants de l’histoire brésilienne sont la colonisation portugaise, et la diversité des systèmes politiques qu’a connue le pays. Remarquons tout d’abord que c’est le bois de brésil (de couleur cendre) qui a donné le nom au pays. La colonisation portugaise a duré trois siècles, de l’année 1500 à 1825, date de la reconnaissance par le Portugal de l’indépendance du Brésil. Cette colonisation a apporté au pays le portugais qui est encore aujourd’hui la langue officielle, le religion chrétienne qui représente 86,8% de la population, et la traite des esclaves d’Afrique qui a débuté en 1550 et qui ne s’est achevée qu’au milieu du XIXème siècle. L’abolition de l’esclavage n’a eu lieu au Brésil qu’en 1888, a donné lieu aujourd’hui à une société extrêmement métissée avec près de 50% de noirs et métis. On retrouve également l’âme africaine outre la couleur de la peau, dans la musique (samba, bossa nova), le culinaire (churrasco, feijoada) et le chorégraphique (capoeira). Après l’indépendance du pays, le Brésil a connu plusieurs systèmes politiques : la République de 1889 à 1964, la dictature militaire de 1964-1985, et enfin le retour de la démocratie de 1985 à nos jours.
Sur le plan économique, le Brésil actuel se caractérise par une forte agriculture qui avec l’agro-industrie représente 20% du PIB. Le Brésil est classé 4ème exportateur mondial de produits agricoles après les Etats-Unis, les Pays-Bas et la France. Il représente 62% des exportations mondiales de sucre, et 50% des exportations mondiales de jus d’orange. Le Brésil est également un grand exportateur de café, de soja, et de viande. Membre de l’OMC depuis le 1er Janvier 1995, le Brésil y défend âprement l’intérêt de ses exportations agricoles, et a réussi à faire élire un brésilien Carvelho de Azevedo comme nouveau Directeur Général de cet organisme. Le potentiel agricole du Brésil est énorme du fait de la colonisation de l’Amazonie (riz et soja) et la possibilité de défricher de nouvelles terres dans cette immense forêt. Le Brésil utilise 50% de sa production de canne à sucre pour fabriquer de l’éthanol qui est un biocarburant, et représente 1/3 de la production mondiale d’éthanol. Cette politique est cependant controversée, car elle fait augmenter le prix de la terre et des autres produits agricoles. Le secteur primaire est également représenté par les mines (fer, aluminium, houille) et surtout les hydrocarbures dont une importante découverte a eu lieu en 2008, et qui va permettre au Brésil d’assurer à moyen terme son indépendance énergétique. Le secteur industriel est très diversifié avec une sophistication technologique qui permet au Brésil de fabriquer des avions, des sous-marins, de rechercher du pétrole en eau profonde, et de participer à l’industrie spatiale. C’est ainsi que le Brésil est exportateur d’avions, d’équipement électrique, d’automobiles, d’éthanol, de textiles, de chaussures, de fer et d’acier. Enfin le secteur tertiaire est très important puisqu’il représente 64% du PIB.
Sur le plan social, le Brésil souffre cependant de deux fléaux : la pauvreté et la criminalité. Les inégalités sociales sont parmi plus élevées dans le monde. Alors que les familles les plus riches se retranchent dans des quasi-bunkers, les plus pauvres vivent dans des bidonvilles (les favellas). Elu en 2002, le Président Lula a lancé le 30 Janvier 2003 le programme « Faim zéro » afin d’éliminer la faim au Brésil. Dans ce programme s’inscrit « La Bolsa familia » qui lie le versement d’une somme d’argent aux familles pauvres à la scolarisation de leurs enfants. Ce programme qui est opérationnel a touché 30% de la population, et contribue à la réduction de la pauvreté. Le Maroc devrait s’inspirer du système de la « La Bolsa familia » pour résoudre le problème de la Caisse de Compensation. L’autre fléau est la criminalité : en 2000 le Brésil était classé parmi les 10 pays les plus dangereux dans le monde. En 2010 on dénombrait encore à Rio de Janeiro un taux d’homicides de 29,6 sur 100.000 habitants. Cependant en 2011, grâce à l’effort de l’Etat et à la réduction relative de la pauvreté, on observe une diminution de la criminalité dans son ensemble. C’est ainsi que durant son séjour à Rio, la délégation marocaine n’a eu à déplorer aucun incident.
En conclusion, le Maroc dans le cadre de la diversification de son économie a tout intérêt à se rapprocher de ce grand pays émergent qu’est le Brésil, membre des BRICS et du G20. Grâce aux exportations de l’OCP, le Brésil est devenu en 2012 le 3ème client du Maroc après la France et l’Espagne. Un effort tout particulier doit être fait pour attirer les investissements brésiliens dans notre pays, en ouvrant un bureau de l’AMDI (Agence Marocain de Développement des Investissements) à Rio de Janeiro, où il n’y a même pas de Consulat, l’Ambassade étant installé à Brasilia. Enfin, pour développer les relations entre les deux pays, il est absolument nécessaire de réouvrir la ligne directe Royal Air Maroc Casablanca - Rio de Janeiro pour promouvoir les affaires et le tourisme.
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