Carnage palestinien à Gaza
Pour la rupture généralisée des relations diplomatiques avec Israël
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Le carnage des palestiniens continue pour la troisième semaine depuis son déclenchement par Israël le 27 Décembre 2008. Le nombre des victimes atteint au 12 Janvier 2009 neuf cent morts dont 450 enfants, et 4.000 blessés. Dénoncé par l’OCHA (Office de l’ONU pour Coordination Humanitaire) l’acte le plus monstrueux commis par l’armée israélienne, a consisté à rassembler dans un local 110 civils dont la moitié était des enfants, et de le bombarder par la suite, tuant 30 d’entre eux. L’armée israélienne a utilisé également des obus au phosphore blanc, dont l’utilisation est interdite par une Convention de l’ONU. La situation humanitaire est catastrophique, selon l’UNWA (Agence de l’ONU d’aide aux réfugiés) : un million de personnes vivent sans électricité, et 75.000 sans eau et sans nourriture.
L’ONU a adopté dans la nuit du Jeudi 8 Janvier 2009 la résolution 1860 du Conseil de sécurité prônant le cessez-le-feu immédiat, le retrait des troupes israéliennes de Gaza, la condamnation de toute violence contre les civils, la réouverture des passages pour l’acheminement de l’aide humanitaire, la condamnation de tout acte terroriste, et l’interdiction de la contrebande d’armes. Malgré le caractère contraignant de cette résolution, Israël comme à l’accoutumée ne l’a pas respectée, et continue ses bombardements. Pour parvenir à un cessez-le-feu, l’Egypte tente de faire aboutir un accord entre Israël et le Hamas. Le point d’achoppement des négociations tient à l’exigence d’Israël d’imposer des troupes étrangères à la frontière de Gaza (notamment à Rafah entre Gaza et l’Egypte) pour contrôler les passages, et éviter le trafic d’armes au profit du Hamas. Les discussions vont continuer durant cette semaine au Caire entre une délégation du Hamas et des responsables israéliens.
Devant l’horreur de cette guerre, la réaction des peuples du monde entier a été unanime pour condamner l’agression israélienne et exiger le cessez-le-feu immédiat. Les images transmises par toutes les télévisions du monde sont insoutenables. En Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, en Europe et même en Amérique, des manifestations monstres ont eu lieu, toutes défavorables à Israël. En Israël même et aux Etats-Unis, des hommes et des femmes épris de paix ont exigé la cessation des combats. A Madrid, des représentants du parti socialiste au pouvoir ont participé à la manifestation, qui a réclamé la rupture des relations diplomatiques de l’Espagne avec Israël. D’ailleurs, le meilleur moyen de la communauté internationale de faire pression sur Israël, est de rompre les relations diplomatiques avec Israël, comme l’a fait le Venezuela.
Si les peuples du monde entier ont agi unanimement pour la condamnation d’Israël, les gouvernements de ces pays se sont comportés d’une façon différente. Le gouvernement des Etats-Unis, comme à son habitude, a continué à soutenir l’action d’Israël, la qualifiant d’acte de défense. C’est le seul pays qui s’est abstenu lors du vote de la résolution 1860, permettant ainsi à Israël de continuer ses crimes. L’Europe a une position beaucoup plus équilibrée que celle des Etats-Unis, et tous les pays européens faisant partie du Conseil de sécurité ont voté la résolution 1860.
Quant à la position des Etat Arabes, et qui sont les plus concernés, elle a manqué de vigueur et d’unité. Certes, tous les pays Arabes ont condamné l’agression israélienne, et ont envoyé des cargaisons d’aide alimentaire et de médicaments. Certes, ils se sont bien mobilisés pour arracher le vote de la résolution 1860 du Conseil de sécurité lançant un appel au cessez-le-feu immédiat. Il faut rendre hommage aux chaines satellitaires arabes, et notamment AL JAZIRA, pour la couverture efficace de la situation à Gaza, et pour la parole donnée aux victimes et aux peuples arabes. Ces chaines ont permis de gagner largement la bataille médiatique contre l’ennemi israélien. Mais les Etats Arabes ont été incapables de réunir un Sommet extraordinaire, réclamé à deux reprises par Qatar dès les premiers jours de l’agression israélienne. D’ailleurs un membre du « Conseil de la Chourra », l’Assemblée Consultative saoudienne a déclaré, « Pourquoi un Sommet : y-a-t-il quelqu’un prêt à combattre Israël ? ». Ceci traduit l’incapacité actuelle des Etats Arabes à opter pour l’option militaire. Seule la voie diplomatique est possible, et c’est pourquoi Bahreïn a réclamé la réunion d’un Sommet islamique de l’OCI. La Mauritanie a rappelé son Ambassadeur à Israël, mais l’Egypte et la Jordanie n’ont rien fait dans ce sens.
Dans l’analyse de la situation au Proche-Orient, d’autres considérations sont à prendre en compte. En effet, cette région se caractérise par des pays modérés : Arabe saoudite, Pays du Golfe, Egypte, Jordanie, Autorité palestinienne, qui sont pour une solution négociée avec Israël, afin de parvenir à une solution durable. D’autres pays sont plus radicaux, tels que l’Iran et la Syrie, qui soutiennent les mouvements islamistes révolutionnaires : le Hisbollah au Liban et le Hamas en Palestine. Les gouvernements modérées ne souhaitent pas renforcer les sentiments révolutionnaires à l’intérieur de leur société. Le danger est que si la solution actuelle à Gaza perdure, il y a risque d’élargissement du fossé entre l’opinion publique arabe et ces gouvernements.
Nous vivons dans une situation extrêmement dangereuse pour la paix dans la région et même dans le monde. Il est à craindre que l’agression israélienne sur Gaza profite aux mouvements radicaux, plutôt qu’aux Etats modérés. D’autre part, cette agression a terni, à juste titre, l’image d’Israël dans le monde, et peut faire apparaitre à nouveau un sentiment d’antisémitisme. C’est ainsi qu’un syndicat italien a lancé un appel pour le boycott des magasins Juifs. Il est primordial que les responsables politiques de cette région, et la communauté internationale dont l’ONU est l’émanation, multiplient leurs efforts pour faire cesser l’agression israélienne sur Gaza dans les meilleurs délais. Comme la résolution de l’ONU n’a pas été admise par Israël, le seul moyen de l’imposer est la rupture des relations diplomatiques des Etats de l’ONU avec Israël.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI