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Evénements d’Egypte

Coup d’Etat ou seconde révolution ?

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales


L’Egypte a connu la semaine dernière des événements dramatiques. Rappelons qu’après le déclenchement du Printemps arabe en Egypte, le président Housni Moubarak avait démissionné le 11 Février 2011. Le pouvoir fût assuré par la suite par le Conseil Supérieur des Forces Armées jusqu’au 30 Juin 2011, date qui a vu l’élection en tant que président de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans. Une nouvelle constitution fût adoptée le 22 Décembre 2012, et le 29 Janvier 2013 le Général Al-Sissi a remplacé le maréchal Tantaoui en tant que Chef de l’armée et ministre de la défense. Après plusieurs jours de manifestations anti-Morsi à la place Tahrir, le Général Al-Sissi a lancé un ultimatum de 48 heures le 1er Juillet 2013 pour « satisfaire les revendications du peuple ». Le 3 Juillet 2013 l’armée démet Morsi de ses fonctions, suspend la constitution et promet de nouvelles élections présidentielles et législatives. Enfin le 4 Juillet 2013, Adly Mansour président du Conseil constitutionnel prête sûrement en tant que président par intérim de l’Egypte.

On ne peut que qualifier de coup d’Etat militaire ce qui s’est passé le 3 Juillet 2013 en Egypte. En effet, l’armée égyptienne a par la force destitué le président Morsi de ses fonctions, et suspendu la constitution et les deux chambres du Parlement. Fait aggravant, Morsi a été démocratiquement élu suite à des élections libres et transparentes. L’armée a en outre assigné à résidence le président Morsi et le menace de poursuites judiciaires. Elle a également arrêté les principaux dirigeants du Parti liberté et justice, émanation du mouvement des Frères musulmans. Elle a enfin coupé la diffusion de la chaîne de TV Egypte 25 favorable aux Frères musulmans, et interdit la parution de leur journal. Ce qui s’est passé le 3 Juillet 2013 en Egypte est un coup grave porté au processus de démocratisation issu du Printemps arabe.




L’autre thèse consiste à dire que les derniers événements d’Egypte ne sont que la seconde phase de la révolution qui a eu lieu en Janvier 2011. Les partisans de cette approche argumentent que la révolution n’a pas été déclenchée par les islamistes, mais par la société civile qui souhaitait mettre fin à un régime dictatorial, promouvoir les libertés individuelles et collectives, booster le développement économique afin de parvenir à une plus grande justice sociale. Ils considèrent que les Frères musulmans ont opéré un « Hold up » sur la révolution, étant le seul mouvement politique organisé qui a profité d’élections libres et transparentes. Plus grave encore, ils reprochent aux islamistes une fois au pouvoir d’avoir imposé la nouvelle constitution de Décembre 2012, et de ne pas tenir compte de l’autre partie de la société égyptienne qui ne partage pas leurs points de vue. Ils reprochent également aux islamistes la dérive liberticide et la volonté d’instaurer un régime autoritaire. Beaucoup d’égyptiens ont été déçus sur le plan économique et social pour le non respect par les islamistes de leurs promesses électorales. En effet, le gouvernement islamiste a été incapable de faire face à la grave crise économique qui frappe l’Egypte qui tire ses principales ressources financières du tourisme, des transferts des égyptiens résidant à l’étranger, des IDE et des revenus du Canal de Suez. Or toutes ces ressources ont dangereusement baissé, et le gouvernement a été incapable de donner les garanties nécessaires au FMI pour l’octroi d’un prêt de 4,7 milliards de $ qui aurait pu améliorer la situation financière du pays. Les tenants de cette thèse argumentent que les islamistes ont conduit à une impasse politique et économique dangereuse pour le pays. C’est au vu de cette situation lamentable, et des grandes manifestations des anti-Morsi dans la plupart de ville de pays qui ont regroupé plus de 20 millions de personnes, que l’armée a été dans l’obligation d’intervenir. Cette thèse oppose la légitimité « populaire » à la légitimité « légale ».




La communauté internationale est gênée par les derniers événements d’Egypte et ne se hasarde pas à prendre position. Les Etats-Unis principal bailleur de fonds de l’Egypte (1,5 milliard de $ par an) évite de parler de coup d’Etat militaire, et demande à l’armée égyptienne de ne pas procéder à des arrestations arbitraires, et d’œuvrer pour un retour rapide et responsable à un gouvernement démocratiquement élu. L’Union européenne de son côté réclame l’organisation dans les meilleurs délais d’élections présidentielles, tandis que la Russie appelle à la retenue. L’Union africaine a suspendu l’Egypte de l’organisation par respect à la règle de non reconnaissance de tout régime issu d’un coup d’Etat militaire.




En conclusion, le coup d’état militaire du 3 Juillet 2013 a créé une situation extrêmement dangereuse en Egypte. Les manifestations des partisans de Morsi se sont multipliées, et on déplore depuis le 26 Juin 80 morts et des milliers de blessés notamment au Caire, à Alexandrie, et au Sinaï. Les tractations pour la nomination de Mohamed El Baradei en tant que Premier ministre ont échoué du fait de l’opposition des salafistes du parti Al Nour. L’avenir de l’Egypte est des plus incertain.




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