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Printemps arabe : Situation alarmante en Egypte et en Tunisie

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Printemps arabe qui avait été déclenché en Décembre 2010 par l’immolation par le feu du jeune Tunisien Mohamed Bouazizi avait fait naître beaucoup d’espoirs pour les pays arabes quant à leur démocratisation et leur développement économique et social. Force est de constater malheureusement que ces espoirs ont été déçus dans la plupart des pays arabes. Valeur d’aujourd’hui, la Syrie continue de souffrir d’une atroce guerre civile qui a fait 100.000 morts, des milliers de blessés et des millions de réfugiés. La Libye n’a pas encore retrouvé sa stabilité, alors que l’Egypte et la Tunisie ont connu ces derniers jours des tensions inquiétantes et dangereuses pour l’avenir.

En Egypte, après la chute du régime Moubarak et l’élection de l’islamiste Morsi à la Présidence de la République, le pays semblait s’acheminer vers un régime démocratique. Malheureusement, il est vite apparu que le Président Morsi souhaitait gouverner au profit des seuls islamistes, et qu’il n’a pas su trouver des remèdes à la grave crise économique qui a frappé l’Egypte après la Révolution de Janvier 2011. Il s’en est suivi des manifestations monstres contre sa gouvernance fin Juin 2013, donnant prétexte à l’armée égyptienne de le destituer le 3 Juillet 2013 et de désigner à sa place un président civil intérimaire. La destitution de Morsi a immédiatement entraîné des manifestations des Frères musulmans dénonçant un coup d’Etat militaire, et réclamant le retour de Morsi à la présidence pour restaurer la légitimité démocratique. Les islamistes ont investi les abords de l’Université du Caire et la Mosquée Rabiaa Al Adawiya lançant des slogans pour le retour de Morsi et réclamant le départ du Général Sissi qui a été le fomenteur du coup d’Etat militaire.

Les anti-Morsi ont de leur côté investi les abords de Palais Présidentiel et la place Tahrir, et considèrent le Général Sissi comme un libérateur. Les manifestations des islamistes ont donné lieu à des violences puisqu’on dénombre plus de 200 morts en un mois. En effet, l’armée égyptienne n’hésite pas à utiliser contre les manifestants des grenades lacrymogènes ainsi que des balles réelles. L’Organisation Human Right Watch a dénoncé le « mépris criminel des autorités pour la vie humaine ».

Le week-end commençant le 26 Juillet 2013 a été particulièrement sanglant puisqu’on a dénombré 72 morts en Caire, 10 morts au Sinaï, 15 blessés à Port Saïd et des centaines de blessés. Faits aggravant la situation : le Général Sissi a déclaré vouloir « en finir avec le terrorisme », et Morsi a été mis en détention sous de graves accusations : meurtres, incendie criminelle, destruction de documents, collaboration avec le Hamas.

La mort de manifestants a été condamnée aussi bien en Egypte par Mohamed El Baradai et l’Imam d’Al Azhar que par les Etats-Unis, l’Union européenne, la France et les Grande-Bretagne. Certes, la situation politique de l’Egypte est très complexe. Il n’en demeure pas moins que l’armée égyptienne au lieu de prendre partie pour les anti-Morsi, aurait dû rester neutre et essayer d’établir un compromis entre les islamistes et leurs adversaires. Les Frères musulmans constituent en Egypte une force politique non négligeable, et la destitution brutale de leur leader Morsi, et éventuellement sa condamnation à une peine de prison risque mettre le feu aux poudres rendant l’avenir du pays des plus incertain.

Non moins dangereuse est la situation en Tunisie qui a vu la victoire du parti islamiste Ennahda aux élections de l’Assemblée Constituante. Déjà en Février 2013 a été assassiné l’opposant au régime islamiste Chokri Belaid. Le 25 Juillet 2013, anniversaire de la République tunisienne, ce fût le tour d’un autre opposant Mohamed Brahimi député et coordinateur général du mouvement démocratique. La Tunisie qui fût le berceau du Printemps arabe risque également de tomber dans le chaos. Le ministre de l’intérieur tunisien a accusé les salafistes d’être derrière cet assassinat. Il a nommément impliqué Boubaker Hakim, un élément salafiste extrémiste d’être l’auteur de cet assassinat, où a été utilisée la même arme qui a provoqué la mort de Chokri Belaid. Il est de la plus haute importance que les auteurs des assassinats de Chokri Belaid et Mohamed Brahimi soient arrêtés et traduits devant la justice le plus rapidement possible. C’est le seul moyen de rétablir la sérénité en Tunisie afin de lui permettre de rédiger la nouvelle Constitution et d’annoncer la date des élections législatives.

En conclusion, le monde arabe traverse actuellement l’une des périodes les plus dangereuses de son existence. La menace principale provient de groupes extrémistes totalitaires qui veulent imposer leur vision par la force. Il faut les combattre à tous prix pour instaurer définitivement la démocratie, l’ouverture, le développement culturel, économique et social.

CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI

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