Accord de pêche Maroc-Union européenne : Quelle évaluation ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Commencées le 8 Novembre 2012, et après six round de négociations le nouveau Protocole d’Accord de pêche a été paraphé à Rabat le 24 Juillet 2013 par Aziz Akhannouch ministre de l’agriculture et de la pêche maritime et Maria Damanaki Commissaire européenne en charge des affaires maritimes et de la pêche.
Conclu pour une période de quatre ans le protocole d’Accord a tenu compte des critères suivants : avis des scientifiques de la pêche, rentabilité économique, préservation des ressources, bonne gouvernance et respect du droit international. Le nombre de navires européens autorisé à pêcher dans les eaux territoriales marocaines a été ramené à 126 contre 137 du Protocole précédent. De même ont été définies six catégories de poissons qui pourront être péchées par les navires européens. Le nombre des marins pêcheurs marocains qui devront embarquer sur les navires européens est passé de 8 à 16 par navire. Au niveau du contrôle des quantités péchées par les navires européens, il a été prévu la programmation de mission conjointes, l’embarquement d’observateurs à bord, et le renforcement du contrôle par satellite. En contrepartie de cet Accord, le Maroc recevra un montant de 40 millions d’euros par an.
Cet Accord n’entrera en vigueur qu’après ratification par les parlements marocain et européens. Il faut rappeler qu’en Décembre 2011 le Parlement européen avait rejeté la prorogation du précèdent Protocole, qui avait entraîné l’arrêt de la pêche des navires européens dans les eaux territoriales marocaines. En effet, certains députés européens avaient soulevé la question de la souveraineté marocaine sur ses provinces sahariennes, et ont demandé qu’un rapport soit établi pour rendre compte des effets du protocole de pêche sur les provinces sahariennes. Le Maroc a refusé toute concession sur cette question et a précisé que l’Accord s’applique à toute la côte marocaine de Tanger à Lagouira.
Quel intérêt présente cet Accord pour le Maroc ?
Il faudrait pour une évaluation objective attendre des précisions sur les questions techniques qui n’ont pas encore été dévoilées à ce jour. Quelles sont les espèces de poissons autorisées à être pêchées par les navires européens ? Quel est le tonnage des 126 navires autorisés ? Est-ce qu’un tonnage global a été fixé année par année ou par les quatre années d’exécution de l’Accord ? Quels vont être les ports de débarquement et quel pourcentage sera accordé aux ports marocains ? Autant de questions qui permettront d’évaluer la contrepartie financière de 40 millions d’euros par an. D’autre part, il a été annoncé que sur les 40 millions d’euros, seuls 14 millions seront dédiés à la mise en œuvre du plan Halieutis. Qu’en est-il du reste : va-t-il être versé au Ministère des pêches ou au budget général de l’Etat ? Pour notre part, il conviendrait que les 40 millions d’euros soient affectés entièrement à la modernisation de la pêche artisanale marocaine qui n’a connu aucune évolution positive depuis l’indépendance.
Ceci dit, la ratification du Protocole d’Accord par le Parlement européen renforcera les liens entre le Maroc et l’Union européenne. On sait que ces relations sont déjà très importantes, le Maroc étant le seul pays sud-méditerranéen qui a obtenu le Statut avancé de la part de l’Union européenne. Politiquement également, cette ratification équivaudrait à une reconnaissance par l’Union européenne de l’appartenance des provinces sahariennes au Maroc. Cette ratification renforcera également les relations du Maroc avec l’Espagne qui est le principal bénéficiaire de cet Accord de pêche. En effet sur les 126 navires autorisés, 87 seront affectés à l’Espagne. Aussi la diplomatie marocaine, le Parlement, les partis politiques ainsi que la société civile doivent se mobiliser dès maintenant pour l’obtention de la ratification de ce Protocole de pêche par le Parlement européen.
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