Shutdown : Fermeture partielle du gouvernement américain
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Les Etats-Unis première puissance mondiale viennent de connaître un incident assez particulier. En effet à partir du Mardi 2 Octobre 2013, 900.000 fonctionnaires fédéraux ne vont pas rejoindre leur lieu de travail. Ces fonctionnaires ne sont pas considérés comme « essentiels » pour l’activité du gouvernement fédéral, contrairement aux forces armées et de sécurité qui ne sont pas touchées par la mesure. Cette fermeture partielle provient de la non ratification par le Congrès américain du budget fédéral. Et ce en vertu d’une loi de 1884 (amendée en 1950) qui stipule que « Nul ne peut entrer dans une obligation contractuelle avec le gouvernement qui n’ait été préalablement financée ».
Plus précisément, ce refus de ratification du budget fédéral provient de la Chambre des Représentants à majorité républicaine qui conditionne son accord par le report de l’assurance santé appelée « Obamacare ». Il faut rappeler qu’il n’y a pas de sécurité sociale généralisée aux Etats-Unis couvrant notamment l’assurance-maladie. Le système de sécurité américain est basé sur les assurances prises en charge par les employeurs, le Medicare destiné aux personnes âgées et le Medicaid pour les personnes pauvres. Ce système aboutit au fait que 53 millions d’américains ne sont couverts par aucune assurance maladie. La population concernée est surtout constituée d’hispaniques, de noirs et une petite proportion de blancs. Pour pallier à cette grave situation, le Président Obama après une lutte acharnée avec le Congrès, a pu faire passer une loi considérant l’accès aux soins de santé comme faisant partie des droits de l’homme. Cette loi oblige tous les américains à souscrire une assurance maladie auprès des compagnies privées avec l’aide du gouvernement fédéral qui a prévu pour cela un budget de 1000 milliards de $ sur 10 ans. D’après les sources gouvernementales américaines, le coût de cette assurance-maladie serait inférieur à 100 $ par mois pour 6 assurés sur 10. De plus cette loi interdit aux compagnies d’assurances privées de refuser un contrat si la personne considérée est atteinte d’une maladie grave et coûteuse. Les républicains, et surtout les membres les plus durs du « Tea Party » considèrent cette loi comme fasciste, qui viole la liberté individuelle et qu’elle est la première étape de la transformation de l’Amérique en économie socialiste. Ce sont des arguments fallacieux et qui relèvent de la politique politicienne.
La fermeture partielle du gouvernement fédéral américain a déjà eu lieu en 1995 pour les mêmes raisons sous la présidence de Bill Clinton et avait duré 21 jours. Ce « Shutdown » a des conséquences internes et externes très dommageable. Tout d’abord, une partie de l’administration américaine est paralysée, et entraîne une diminution de la demande et de la croissance. Beaucoup de particuliers et d’entreprises vont souffrir de cette fermeture, et le travail non accompli va s’empiler et nécessiter beaucoup de temps pour être résorbé. L’Etat fédéral ne va même pas faire d’économies, puisque le Congrès a décidé d’un commun accord le 4 Octobre dernier que les fonctionnaires affectés par le « Shutdown » seront payés. Les conséquences externes sont également mauvaises pour l’image des Etats-Unis, qui démontrent ainsi qu’ils n’arrivent pas à résoudre un problème d’intendance interne. Plus grave a été la décision du Président Obama de ne pas se rendre aux Sommets de l’APEC et de l’ASEAN qui se déroulent actuellement en Indonésie et Brunei. Ceci est d’autant plus malheureux que le Président Obama a décidé déjà un an et demi un « Basculement » vers l’Asie, étant donné que cette région est devenue une source de croissance importante pour l’économie mondiale. D’ors et déjà, la Chine et le Japon ont exprimé des craintes du fait des énormes capitaux qu’ils ont placées en Bons du Trésor américain. L’Europe de son côté voit la parité de l’Euro augmenter vis-à-vis du $ (1 euro : 1,40 $) ce qui est préjudiciable à ses exportations. Après les hésitations du Président Obama concernant les frappes aériennes contre la Syrie, et maintenant cette fermeture partielle du gouvernement fédéral, beaucoup prévoit un repli de la superpuissance américaine dans le monde.
Un nouveau test aura lieu le 17 Octobre prochain, date à laquelle le Congrès américain devrait voter une augmentation du plafond de la dette américaine qui a atteint le maximum autorisé (16.000 milliards de $). Si le vote est négatif, les Etats-Unis risque de se trouver en cessation de paiements pour le remboursement de la dette publique. Les conséquences seraient beaucoup plus graves que le Shutdown, car les marchés financiers internationaux risquent de s’écouler, et de causer une nouvelle crise financière et économique à l’image de celle qu’a connue le monde en 2008-2009. Il faut espérer pour le bien des Etats-Unis et du monde que les députés républicains puissent revenir à la raison et éviter au monde une nouvelle catastrophe. Les Pères fondateurs des Etats-Unis ont voulu un équilibre entre les pouvoirs du Président et ceux du Congrès. Mais lorsque le compromis n’est pas réalisé, c’est l’impasse. Il faudrait peut-être réviser la Constitution américaine pour l’adapter aux contraintes du XXIème siècle.
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