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Le nucléaire iranien et israélien : La politique de deux poids deux mesures

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Les négociations entre l’Iran et les 5+1 (Membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne) se sont achevées à Genève dimanche 10 Novembre 2013 sur un constat d’échec. Ces négociations avaient pour but de contraindre l’Iran à arrêter l’enrichissement de l’uranium en échange d’une réduction des sanctions.

Le développement du nucléaire en Iran a commencé dès 1953 sous la direction du Shah et avec l’aide des Etats-Unis. Le processus s’est arrêté pendant la guerre Irak-Iran (1984-1987) avec notamment la destruction du réacteur de Boucher. Il a été repris en 2002 par la réactivation du site de Boucher et la mise en œuvre de deux autres sites nucléaires de Natanz (enrichissement de l’uranium) et de Arak (production d’eau lourde). Craignant que l’Iran ne se dote de l’arme nucléaire, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont entamé des négociations dès 2003 qui n’ont pas abouti à un résultat concret. En 2005, l’Iran a continué ses activités nucléaires à Ispahan, ce qui a amené en 2006 et 2007 le vote des sanctions de l’ONU. En 2007, l’Iran a annoncé l’exploitation de 3.000 centrifugeuses pour l’enrichissement de l’uranium, ce qui a donné lieu en 2008 à de nouvelles sanctions de la part des Etats-Unis. En 2009, l’Iran annonce la production d’uranium enrichi à 20%, alors que l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins civiles ne nécessite qu’un enrichissement à 3,5%. En 2010 une tentative du Brésil et de la Turquie de trouver une solution au nucléaire iranien échoue. Les sanctions de l’ONU, des Etats-Unis et de l’Union européenne contre l’Iran se sont multipliées. Ces sanctions comprennent le gel des avoirs iraniens aux Etats-Unis (12 milliards de $) en Inde et au Japon (50 milliards de $), et ont entraîné la réduction des deux tiers des revenus de l’Iran par suite de l’embargo pétrolier.

Pratiquement tous les secteurs économiques de l’Iran sont touchés par les sanctions concernant le commerce et les échanges bancaires (pas d’ouvertures d’accréditifs par suite de l’exclusion en 2012 de l’Iran de la plateforme SWIFT internationale située à Bruxelles). On voit d’après ce bref historique du nucléaire iranien l’implication ferme de l’Occident (Etats-Unis et Europe) contre la velléité de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

Tout au contraire a été le comportement de ce même Occident vis-à-vis du nucléaire israélien. L’Etat hébreu dispose actuellement de 80 à 400 ogives nucléaires qui peuvent être lancées par des missiles balistiques, des navires de guerre notamment des sous-marins, ainsi que des avions, Israël produit 10 à 15 bombes nucléaires par an, et dispose de 690 à 950 kg de plutonium. La capacité nucléaire d’Israël a été notamment révélée le 5 Octobre 1986 dans de le Sunday Times par un ancien technicien israélien du nucléaire Mordechai Vanunu. Le gouvernement israélien n’a jamais confirmé l’existence de son arme nucléaire et de son Centre de recherches nucléaires installé à Dimona dans le désert du Neguev. Ces mêmes pays qui veulent interdire à l’Iran de se doter de l’armée nucléaire ont aidé outrageusement Israël à s’en doter. Le père du nucléaire israélien a été Shimon Perez qui dès 1954 a pris contact à Paris avec Maurice Bourgès-Maunory devenu ministre de la Défense en 1956. La France a aidé de 1962 à 1964 l’installation du réacteur nucléaire à Dimona, en transférant notamment la technologie nécessaire. Elle a permis aux techniciens israéliens de participer aux essaies nucléaires français dans le sud-algérien. Israël a produit ses premières ogives nucléaires en 1966. La Grande-Bretagne de son côté a livré à Israël de 1950 à 1960 des matériaux à des fins nucléaires (uranium 235, plutonium, lithium, eau lourde). Les Etats-Unis sous la présidence de Nixon ont reconnu en 1969 le droit d’Israël de posséder la bombe nucléaire. Enfin l’Allemagne a livré des sous-marins à Israël capables de lancer des missiles nucléaires.

C’est cette politique de deux poids deux mesures qui a amené le rupture entre l’Occident et le monde arabo-musulman, et favorisé la montée de l’Islam politique dans sa version la plus radicale. Cette politique est particulièrement visible dans le conflit Israélo-Palestinien où jamais aucune sanction n’a été prise par l’Occident contre Israël. Au lieu de faire des navettes incessantes au Moyen-Orient qui n’ont aucun résultat concret, les Etats-Unis devraient prendre des sanctions politiques et économiques contre Israël, qui seules auront la capacité d’infléchir la position d’Israël pour résoudre ce grave conflit qui dure depuis un demi-siècle. Certes, la prolifération nucléaire est un danger pour la paix du monde, mais le seul moyen de l’arrêter définitivement au Moyen-Orient est de dénucléariser Israël.

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