Relations internationales :
Rétrospective 2013 et Perspectives 2014
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)
Dans quelques jours l’année 2013 va se terminer. Comme toutes les années, elle a été marquée par de nombreux événements au niveau des relations internationales. Le but de cette chronique est de faire une rétrospective des principaux événements de 2013 et de tracer les perspectives de 2014.
L’Afrique a connu sur le plan économique une bonne année 2013 avec un taux de croissance d’environ 5%. D’ailleurs durant toute la dernière décennie l’Afrique a connu un taux de croissance enviable qui intéresse de plus en plus la communauté internationale. On ne parle plus du fameux slogan « L’Afrique est mal partie » mais plutôt d’un continent d’avenir. Aussi, pratiquement tout le monde économique s’intéresse à l’Afrique où s’avive une concurrence effrénée entre les anciennes puissances coloniales européennes et les nouveaux venus tels que la Chine, l’Inde, le Japon et les Etats-Unis. Le Maroc de son côté poursuit une politique active en Afrique Subsaharienne et en fait une de ses priorités d’avenir. Malheureusement sur le plan politique, l’Afrique a connu en 2013 beaucoup de foyers d’instabilité. Les troubles ont commencé dès le début de l’année au Mali où des extrémistes venus du Nord voulaient s’emparer de la capitale Bamako, qui n’a été sauvée que par l’intervention française. Une prise d’otages sanglante a eu lieu au Complexe gazier d’In Amena en Algérie. D’ailleurs toute la région du Sahel vit une situation dangereuse marquée par le trafic d’armes et de drogues qui alimente l’organisation terroriste AQMI. Au Nord du continent, la Tunisie et la Libye suite au Printemps arabe n’ont pas réussi à se stabiliser, et connaissent une situation politique et économique confuse. En Centrafrique et au Soudan-Sud des rivalités ethniques et religieuses ont donné lieu à des troubles sanglants, que la communauté internationale tente de calmer afin de réduire les pertes humaines et matérielles. La fin de l’année 2013 a été marquée par le décès de Nelson Mandela, ce « Héros absolu » sud-africain qui a consacré sa vie à la libération du peuple noir, et qui s’est couvert de gloire en accordant son pardon à ses geôliers, permettant ainsi la réconciliation nationale. En conclusion, l’Afrique a surtout besoin de stabilité politique, d’institutions démocratiques fortes, d’harmonisation entre les différentes ethnies et religions, et ceci afin de consacrer toutes ses ressources au développement économique permettant de sortir le continent de la pauvreté.
Le Moyen-Orient a continué à connaître en 2013 les effets désastreux du Printemps arabe. La Syrie a vécu une année terrible, et le nombre de morts depuis le déclenchement de la révolte le 15 Mars 2011 s’élève à plus de 120.000 morts, des milliers de blessés et des millions de réfugiés, du fait de la répression sanglante du régime de Bachar Al Assad. La communauté internationale, si elle est parvenue à la destruction des armes chimiques dans ce pays, n’a pas réussi à trouver une solution pour arrêter le massacre. La confrontation Est-Ouest a joué en plein avec d’un côté la Russie et la Chine défendant outrageusement le régime actuel syrien, et l’Occident favorable aux rebelles. Une conférence est prévue à Genève en Janvier 2014 mais ne laisse présager que peu d’espoirs d’un règlement définitif. L’Egypte de son côté qui a vu la victoire des islamistes après déclenchement du Printemps arabe, a connu de graves événements avec la destitution en Juillet 2013 du Président islamiste Morsi par l’Armée égyptienne. Les manifestations populaires se sont multipliées toute l’année et les perspectives du règlement de la crise politique demeurent faibles. Ceci alors que le conflit Israélo-Palestinien est dans l’impasse malgré les efforts du Secrétaire d’Etat américain John Kerry qui a réussi la reprise des négociations en Juillet 2013. Israël persiste dans son intransigeance et refuse toute concession, notamment l’arrêt de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Une lueur est apparue dans cette région par l’Accord sur le nucléaire iranien intérimaire conclu en Novembre 2013 qui prévoit l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium par l’Iran, en contrepartie d’une levée partielle des sanctions de l’ONU et des puissances occidentales. Mais cet Accord préliminaire n’est que d’une durée de six mois et demeure très fragile.
En Amérique, l’année 2013 n’a guère été favorable au Président Obama qui sur le plan intérieur a subi l’opposition de la Chambre des Représentants où le parti démocrate a perdu la majorité. Ceci entraîne des difficultés permanentes entre la Maison blanche et le Congrès, qui se sont concrétisées du 1er au 17 Octobre 2013 par la « Shutdown » : fermeture partielle de l’administration américaine du fait du non vote du budget fédéral. Sur le plan extérieur, l’image des Etats-Unis s’est beaucoup dégradée du fait de l’activité abusive de l’Agence d’espionnage américaine la NSA. En outre, Obama qui avait prévu une action militaire en Syrie a fait marche arrière devant un éventuel refus du Congrès américain. Un élément positif est cependant à signaler : l’ouverture en Juillet 2013 des négociations pour la conclusion d’un Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne qui doivent se conclure en principe en Octobre 2014. A noter également en Amérique du Sud les violentes manifestations qui ont secoué le Brésil en Juin 2013. Ce dernier pays malgré les grands progrès économiques qu’il a réalisés durant la dernière décennie, souffre de problèmes épineux résultant de graves inégalités sociales.
En Asie, l’année 2013 a été marquée par le troisième Plénium du Comité Central du parti communiste chinois qui s’est tenu du 9 au 12 Novembre 2013. Lors de ce Plénium qui a fixé la feuille de route pour la prochaine décennie plusieurs mesures positives ont été prises, telles que la suppression des camps de travail, l’ouverture du secteur public, la lutte contre la corruption et la lourdeur administrative, la libération financière, l’assouplissement de la politique de l’enfant unique, l’allégement de la législation des ruraux se rendant en ville, enfin la légalisation des expropriations. Cependant les transformations dans ce pays immense sont très lentes, et il ne faut pas s’attendre à une application rapide de ces mesures. Il faut aussi regretter qu’aucune mesure de démocratisation du système politique n’a été prévue, ni d’encouragement à la consommation intérieure, alors que la liberté d’expression demeure très limitée. La Corée du Nord s’est illustrée de nouveau par les menaces proférées par le nouveau maître du pays Kim-Jong-Un en Mars 2013 d’utiliser l’arme atomique contre son voisin la Corée du sud, mais également le Japon et les Etats-Unis. Ce pays totalitaire reste très dangereux du fait de la possession de l’arme atomique et du risque d’instabilité politique du fait que le numéro deux du régime a été exécuté. Enfin la Turquie malgré son essor économique a connu en Mai 2013 de graves manifestations à Istanbul mettant en cause le gouvernement islamiste d’Erdogan.
L’Europe et surtout la zone euro a continué à subir en 2013 les conséquences de la grave crise qui a frappé l’économie mondiale en 2008. Cependant le risque d’éclatement de la zone euro a été évité, et il est même prévu la sortie de la récession avec une croissance de 0,1%. Les dirigeants de la zone euro sont maintenant conscients de la nécessité d’adopter une politique de contrôle des budgets nationaux et d’union bancaire. C’est ainsi que le 18 Décembre 2013 a été signé un Accord sur l’Union bancaire qui a prévu un Conseil de résolution unique et un Fonds de résolution bancaire unique. L’année 2013 en Europe a été également marquée par la crise ukrainienne qui a vu s’affronter l’Union européenne et la Russie. Cette dernière sous l’impulsion du Président Poutine a tout fait pour garder l’Ukraine dans son giron. C’est ainsi qu’elle a fait bénéficier l’Ukraine d’une réduction d’un tiers du prix du gaz, et d’une assistance financière de 15 milliards de $. Poutine vient d’ailleurs de marquer en cette année 2013 un deuxième succès, après celui de la Syrie où il a empêché une frappe militaire de son allié Bachar Al Assad. Poutine nostalgique de l’ex-URSS, veut faire revenir la Russie en tant que puissance incontournable sur la scène internationale. On ne peut terminer cette rétrospective de l’Europe sans mentionner les drames de l’immigration qui ont endeuillé la Méditerranée en Octobre 2013 à Lampedusa et à Malte, qui ont causé la mort de plus de 400 personnes y compris des femmes et des enfants. La question de l’immigration en Méditerranée qui a été négligée jusqu’à maintenant doit avoir la priorité tant des pays d’origine, que des pays de transit et d’accueil.
Quant aux perspectives de l’année 2014, il est impossible de prévoir ce qui va se passer dans les relations internationales. Ce qu’il faut espérer, c’est l’arrêt des foyers de tension qui causent des pertes humaines et matérielles insupportables. Ces foyers de tension concernent le Mali et la zone du Sahel en général, la Centrafrique, le Soudan du Sud, et la Syrie.
Il faut espérer également une plus grande stabilité politique en Tunisie, Egypte, Irak, et Yémen. Il faut multiplier les efforts pour trouver une solution rapide au grave conflit Israélo-Palestinien pour arrêter les souffrances que subissent les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, qui est devenue une prison ou vivent lamentablement près d’un million de personnes. La seconde priorité de la communauté internationale doit être de trouver une solution définitive à la grave crise qui a frappé l’économie mondiale depuis 2008. Enfin, il faut continuer à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme sur toutes ses formes qui est en train de miner la société humaine.
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