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Les jeux olympiques d’hiver de Sotchi
Volonté de puissance de la Russie

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Les XXIIème jeux olympiques d’hiver ont débuté le 7 Février 2014 à Sotchi ville russe bordée par la mer noire à proximité du massif du Caucase. Ces jeux qui vont se dérouler jusqu’au 23 Février sont les premiers organisés par la Fédération de Russie après la chute de l’URSS. Le budget prévu pour ces jeux olympiques de 14 milliards d’euros a atteint 36 milliards d’euros à la fin des travaux. Ces jeux qui vont réunir 3000 athlètes, sont composés de 98 épreuves pour 15 disciplines et dans 7 sports olympiques, ont pour slogan « Hot, Cool, Yours » et pour mascotte le léopard des neiges Bassik, le lapin Zaika et l’ours polaire Mishka. La torche olympique allumée à Olympie le 28 Septembre 2013 a fait un séjour dans l’espace du 7 au 11 Novembre 2013 dans la station spatiale internationale, a parcouru 5000 km à bord d’un brise-glace à propulsion nucléaire, est descendue dans les profondeurs du Lac Baikal en Siberie pour remonter au plus haut sommet d’Europe le mont Ebrouz dans le Caucase, et a effectuée en tout un périple de 65.000 km.

Afin d’éviter tout attentat, des mesures sécuritaires très importantes ont été mises en œuvre par les autorités russes. Pas moins de 100.000 policiers, militaires, et agents de renseignements sont mobilisés dont 37.000 dans l’enceinte olympique. D’autres dispositifs de surveillance et de protection sont déployés : 5.000 caméras, des drones, des missiles, des navires de surface et des sous marins. Les investissements réalisés par ces jeux ont donné lieu à la construction du parc olympique et d’une station d’hiver entièrement équipée « Krasnaia Poliana ». Vont participer à ces jeux 88 nations dont 3 d’Afrique (Maroc, Togo, Zimbabwe) 15 d’Amérique, 18 d’Asie, 49 d’Europe, et 3 d’Océanie. La cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Sotchi a été animée le 7 Février 2014 par 3000 artistes, racontant l’odyssée de la Russie en 13 étapes, et a duré deux heures et demie. Elle a été rehaussée par la présence de 40 dirigeants mondiaux dont le Secrétaire Général de l’ONU Ban Kimon. Cependant les Présidents des Etats-Unis et de France ainsi que le Premier Ministre anglais n’ont pas assisté à la cérémonie.

Au-delà du volet sportif des jeux olympiques d’hiver de Sotchi, l’organisation de ces jeux par la Russie a également pour but d’affirmer sa puissance sur la scène internationale. L’importance des investissements réalisés pour ces jeux, le séjour de la torche olympique dans la station spatiale internationale, et le parcours de cette même torche sur un brise-glace à propulsion nucléaire ont pour but de démontrer que la Fédération de Russie est une puissance économique, spatiale et nucléaire. D’ailleurs c’est le Président Vladimir Poutine qui est l’initiateur de ces jeux et qui en a fait un événement quasi-personnel.

Rappelons que la Fédération de Russie est l’héritière de l’URSS qui était après la seconde guerre mondiale une puissance de premier plan à l’instar des Etats-Unis. Suite à la chute du mur de Berlin en 1989 et la disparition de l’URSS en 1991, une période de grand désordre sous la présidence de Boris Eltsine a frappé la Russie dont le PNB s’est effrité de 40% de 1991 à 1996. Afin de rétablir l’ordre public Boris Eltsine fit appel à Vladimir Poutine qu’il nomma en 1998 Directeur du FSB (Sécurité publique). Ce dernier né en 1952 à Leningrad était membre du KGB, et a commencé sa carrière à la Mairie de Saint-Petersbourg. Son ascension fût très rapide puisqu’il accéda à la présidence du gouvernement de la Fédération de Russie en 1999 puis à la présidence de la Fédération de Russie en 2000. Ayant terminé ses mandats présidentiels en 2008, et par un tour de passe-passe, il permit l’accession à la présidence de la Fédération de Russie de Dmitri Medvedev un juriste de réputation libérale. En 2012 à la fin du mandat de Medvedev, Vladimir Poutine reprit la présidence de la Fédération de Russie. Tout ce processus se déroula par des élections démocratiques mais avec des accusations de fraude.

Poutine malgré son caractère autoritaire jouit d’une certaine popularité auprès du peuple russe du fait qu’il a rétabli l’ordre public et redressé l’économie. Pendant sa première présidence de 2000 à 2008 la croissance industrielle a été de 75% et la croissance des investissements de 125%. Les réserves de change ont atteint 473 milliards de $ en 2007 (contre 12 milliards de $ en 1999) et l’excédent de la balance commerciale a atteint 68 milliards de $ en 2006. Le peuple russe lui est également reconnaissant pour sa lutte contre la corruption et contre « oligarques » qui ont profité des privatisations pour amasser des fortunes considérables. En politique étrangère, Poutine n’a de cesse de rétablir la puissance de la Russie sur la scène internationale. Il se sert notamment des énormes richesses de la Russie, premier producteur mondial de gaz et deuxième producteur mondial de pétrole, pour asseoir sa politique étrangère. Il a aussi déclaré en 2005 « Gazprom est un puissant levier d’influence économique et politique sur le reste du monde. Ses relations avec les Etats-Unis étaient bonnes en 2001 suite aux attentats du 11 Septembre, du fait de la lutte conjointe des deux pays contre le terrorisme.

Mais petit à petit, les différents entre la Russie et l’Occident se sont multipliés, rappelant à certains égards « la guerre froide ». C’est ainsi qu’en 2007 Poutine s’est opposé vivement au bouclier anti-missiles que les Etats-Unis voulaient installer en Pologne et en République Tchèque. En Août 2008, la Russie a réagi brutalement dans le conflit avec la Géorgie, et s’est opposée à l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine. Dans l’affaire Edward Snowdan la Russie a offert l’asile à ce personnage qui avait dénoncé les dérives des agences américaines de renseignements. Enfin tout récemment le gouvernement russe a apporté un soutien indéfectible au régime syrien qui reste son seul allié au Moyen-Orient, et a fait capoter la signature d’un Accord d’Association entre l’Ukraine et l’Union européenne.

En conclusion la Russie sous l’impulsion de Poutine qui a fait élargir le mandat présidentiel de 4 à 6 ans, lui permettant en théorie de rester en fonctions jusqu’en 2024 (2 mandats), sera certainement dans les années à venir un acteur incontournable sur la scène internationale. Certes sur le plan économique elle n’est que la neuvième puissance, et son budget militaire est de très loin inférieur à celui des Etats-Unis, mais elle est aussi une puissance spatiale et nucléaire de premier plan. De plus, son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU lui donne une arme redoutable pour intervenir dans les affaires du monde, de même que ses immenses richesses en gaz et pétrole.

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