La construction maghrébine
Quel rôle pour la société civile ?
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 17 Février 2014 est le 25ème anniversaire du Traité de l’UMA (Union du Maghreb Arabe) qui avait été signé à Marrakech en 1989. Ce Traité était fort ambitieux puisqu’il prévoyait la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux. Il indiquait également la poursuite d’une politique commune dans différents domaines, notamment en mettant en œuvre des projets et en élaborant des programmes globaux et sectoriels. Sur le plan culturel, le Traité préconisait également l’établissement d’une coopération visant à développer l’enseignement à différents niveaux, ainsi que l’échange des enseignants et des étudiants, et la création d’instituts de recherches maghrébins. Sur le plan organisationnel toute une panoplie d’institutions a été prévue : Conseil de la Présidence, Conseil du Premier Ministre et des Affaires étrangères, un Ministre dans chaque Etat chargé des affaires maghrébines, Commissions ministérielles spécialisées, Secrétariat Général, Conseil Consultatif et Instance judiciaire.
Valeur aujourd’hui, on peut constater que malheureusement rien de concret n’a été réalisé. Au contraire, la frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie est fermée depuis 1994, et un grave différent persiste entre l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara. D’autre part, les échanges entre pays maghrébins n’atteignent que 3% des échanges globaux, soit les échanges les plus faibles dans le monde sur le plan régional. Les institutions internationales Banque Mondiale et FMI ne cessent d’alerter sur la gravité de cette situation, et ont calculé que le Non-Maghreb coûte 2% de PIB à chaque pays membre.
Pourtant les économies maghrébines sont complémentaires sur beaucoup de domaines. Prenons d’exemple de l’Algérie et du Maroc. L’Algérie est très riche en gaz et en pétrole, et le Maroc a une expertise reconnue dans plusieurs secteurs économiques. Le Maroc pourrait acheter son gaz et son pétrole d’Algérie et bénéficier de la proximité géographique. Pour assurer la transition énergétique du Maroc, les deux pays pourraient doubler ou tripler le gazoduc actuel afin d’approvisionner le Maroc en gaz pour ses industries et sa consommation domestique. Le Maroc pourrait de son côté apporter sa coopération à l’Algérie dans les domaines de l’agriculture, des énergies renouvelables, des industries de transformation, du secteur financier et du tourisme. Sur le plan logistique, on pourrait multiplier les liaisons terrestres, ferroviaires et maritimes. Pourquoi pas une LGV (Ligne ferroviaire à grande vitesse) qui relierait Tanger, Alger, Tunis et Tripoli ? Des opportunités très importantes existent également entre le Maroc et les autres pays de l’UMA : Mauritanie, Tunisie, et notamment la Libye où tout est à reconstruire après la révolution du Printemps arabe. Enfin sur le plan des investissements, il est certain que l’intégration maghrébine favoriserait aussi bien les investisseurs maghrébins qu’étrangers, car le marché maghrébin représente 90 millions de consommateurs.
En attendant de trouver une solution politique à la question en Sahara, la société civile maghrébine doit se mobiliser pour maintenir la flamme de l’unité. On ne peut que saluer dans ce sens les efforts des hommes d’affaires maghrébins, qui malgré les difficultés tentent de développer les échanges commerciaux et les investissements d’un pays à l’autre. Ils ont créé en 2007 l’Union des Entrepreneurs Maghrébins (UEM) dont le premier Forum a eu lieu à Alger en 2009. Pendant deux jours, les 17 et 18 Février 2014, 500 participants ont débattu à Marrakech du développement des échanges commerciaux et des investissements au Maghreb. Plusieurs thèmes ont été étudiés : le coût du Non-Maghreb, l’intégration logistique, les problèmes énergétiques, l’emploi et le dialogue social, la convergence douanière et réglementaire. Les congressistes ont mis en œuvre l’initiative maghrébine de commerce et d’investissements (IMCI) qui est une feuille de route pour le développement économique dans tous les domaines.
Mais les efforts ne doivent pas se limiter au volet économique. Il faut promouvoir également les échanges intellectuels, médiatiques et artistiques entre pays maghrébins. Sur le plan de l’éducation, il faut multiplier la coopération entre les universités maghrébines, les centres de recherches, l’échange d’étudiants. Sur le plan médiatique, il y a lieu de développer les échanges de programmes, et de s’abstenir de mettre de l’huile sur le feu qui ne sert qu’à exacerber les ressentiments de part et d’autre. Sur le plan artistique, il faut multiplier les tournées des artistes d’un pays à l’autre du Maghreb.
Pour sa part, et pour contribuer à la promotion de la construction maghrébine, l’IMRI a décidé la création de l’IMARI (Institut Maghrébin des Relations Internationales). Ce projet a pour but de mettre sur pied une institution permanente et non gouvernementale qui sera dédiée au Maghreb. L’IMARI regroupera les Think Tanks maghrébins ainsi que les personnes physiques et morales intéressées par ce projet, organisera des rencontres et débats, recueillera une documentation la plus complète possible sur le Maghreb, et diffusera des publications. Il mettra sur pied également des délégations dans les différents pays du Maghreb. Il est fait appel à toute personne physique ou morale intéressée pour être membre ou accompagner ce projet de se faire connaître à l’adresse : imri@menara.ma
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI