Tournée Royale en Afrique de l’Ouest
Consolidation de la politique africaine du Maroc
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Roi Mohamed VI a effectué une tournée en Afrique de l’Ouest qui a débuté par le Mali de la Côte d’Ivoire du 18 Février au 2 Mars 2014. Accompagné d’une forte délégation de ministres du gouvernement, de hautes responsables des entreprises publiques, et de patrons de Groupes privés, le Souverain a reçu un accueil très chaleureux dans ces deux pays et a inauguré plusieurs projets à caractère économique et social.
Au Mali pas moins de 17 conventions ont été signées portant sur plusieurs secteurs économiques : protection des investissements, élevage, aérien, mines, hydrocarbures, formation professionnelle, industrie. Outre ces conventions, des projets concrets ont été mis en œuvre tels que la construction d’une cimenterie et de logements sociaux par l’entreprise marocaine Addoha, le financement de la production de coton par Attijariwafa Bank, la valorisation du patrimoine foncier de l’Armée malienne par la firme Alliances. Le Mali constitue ainsi la deuxième destination des IDE marocains. En Côte d’Ivoire, 26 Accords de partenariat publics-privés ont été signés concernant la protection des investissements, les activités de pêches maritimes, les mines, la gestion des ports, le tourisme, et l’encouragement aux exportations. Là également des projets concrets ont été mis en œuvre, tels que la construction de logements sociaux par Parlemeraie Développement, et le financement des PME par Attijariwafa Bank. De son côté, la Banque Centrale Populaire a signé avec le SFI (Filiale de la Banque Mondiale) une convention de financement de 50 M de $ pour divers projets en Côte d’Ivoire.
Cette tournée royale entre dans le cadre de la consolidation de la politique africaine du Maroc. Les objectifs de cette politique poursuivent deux buts : consolider la position du Maroc sur la question du Sahara, et développer les échanges commerciaux et les investissements avec les pays africains dans l’intérêt des deux parties. Les éléments qui ont motivé la politique africaine du Maroc sont le besoin de diversification des débouchés de l’économie marocaine suite à la crise économique qui frappe l’Europe, ainsi que la bonne croissance de l’économie africaine ces dernières années. Elle s’explique également par le souci du Maroc d’intensifier ses relations bilatérales avec les pays africains suite à sa sortie de l’Union Africaine en 1984. Un autre élément est le blocage de l’Union du Maghreb Arabe du fait du différent avec l’Algérie et la fermeture de la frontière terrestre entre les deux pays.
Les moyens mis en œuvre par le Maroc pour cette nouvelle politique vis-à-vis de l’Afrique sub-saharienne sont l’annulation de la dette marocaine pour les PMA (Pays les moins avancées), et l’exonération totale des droits de douane pour leurs produits à l’entrée au Maroc. Les autres moyens ont été la signature d’un grand nombre d’Accords bilatéraux avec les pays africains, ainsi qu’un rapprochement avec les Communautés économiques régionales africaines notamment la CEDEAO. D’autres actions ont été entreprises par le Maroc en faveur des pays africains dans le cadre d’une coopération multiforme, telles que l’aide publique au développement, le volet sécuritaire, la coopération technique culturelle et religieuse (formation des Imams au Maroc).
La promotion des échanges commerciaux et des investissements vers l’Afrique a connu cette dernière décennie une envolée remarquable. Elle se base sur la signature de 14 Conventions tarifaires, de non-double imposition, et de protections des investissements avec 13 pays : Sénégal, Gabon, Niger, Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali, Angola, Bénin, Burkina Faso, RDC, Tchad et Guinée. Le roi du Maroc Mohamed VI a effectué de multiples visites dans les pays africains depuis son accession au Trône. Ces visites ont été suivies d’actions concrètes comme l’organisation de «Caravanes à l’export», la participation aux Salons et foires, et les missions d’hommes d’affaires marocains. Les secteurs économiques marocains les plus intéressés par les marchés africains sont l’agro-alimentaire, le BTP, la chimie, la pharmacie, l’électricité, et les techniques de l’information et de la communication. Toutes ces actions ont permis de réaliser plus d’un milliard de $ d’échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique Sub-saharienne, particulièrement l’Afrique de l’Ouest.
Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique souffrent cependant de certains obstacles. On peut citer à titre d’exemple le niveau élevé des droits de douane en Afrique Sub-saharienne (20% en moyenne) ainsi que les obstacles non tarifaires. Les infrastructures de transport (notamment les lignes maritimes directes sont insuffisantes). Il y a également un manque d’information des hommes d’affaires des deux côtés sur les régimes préférentiels. Enfin le secteur des services n’est pas libéré, et l’appareil productif marocain est peu adapté aux spécificités des marchés africains, notamment au niveau des prix (cost leadership) pratiqué par la Chine.
Cependant malgré les difficultés, le Maroc est arrivé à exporter son savoir- faire notamment dans les secteurs de l’électrification, l’accès à l’eau potable, les infrastructures, les télécoms et le logement social. Le Maroc constitue actuellement le deuxième investisseur africain après l’Afrique du Sud. Les investissements ont surtout concerné le secteur financier par l’achat de banques locales ou l’installation des filiales de banques marocaines : Attijariwafa Bank, BMCE, Banque Centrale Populaire. Les autres secteurs concernés par les investissements marocains sont les télécoms, l’eau potable, les mines, la promotion immobilière, et les infrastructures.
En conclusion, la politique africaine du Maroc est très active et bénéficie du soutien des pays étrangers, notamment des Etats-Unis qui sont très sensibles à l’action entreprise par le Maroc contre le terrorisme et l’islam radical.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI