Sommet Obama-Medvedev à Moscou
Quelles perspectives pour les relations Etats-Unis-Russie ?
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Le Président Obama va tenir avec son collègue russe Medvedev un Sommet du 6 au 8 Juillet 2009 à Moscou. Le Sommet aura pour objet de faire le point des relations américano-russes et de tracer les perspectives d’avenir.
Afin de comprendre la situation actuelle des relations américano-russes, il est nécessaire de faire un bref rappel historique. L’ancêtre de la Russie actuelle est l’Ex-URSS créée le 30 Décembre 1922 après la fameuse révolution d’Octobre du 7 Novembre 1917, qui a vu le triomphe du marxisme-léninisme. Ce système politique basé sur la propriété collective des biens de production, le parti unique, et l’absence d’économie de marché, ne pouvait que s’opposer au système libéral instauré en Occident et notamment aux Etats-Unis. Ceci a fait que dès la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, un antagonisme croissant s’est installé entre les Etats-Unis et l’URSS, entrainant une « Guerre froide » entre les deux pays, qui a duré plus de quatre décennies. Au cours de cette période, le monde avait adopté une structure bi-polaire avec des zones d’influence américaine et soviétique. Le point culminant de l’antagonisme américano-soviétique a eu lieu en Octobre 1962 avec la crise des missiles à Cuba, qui a failli déclencher une guerre nucléaire entre les deux pays. L’évolution de l’URSS a commencé en 1985 avec la nomination de Gorbatchev en tant que Secrétaire général du parti communiste soviétique. Ce dernier, qui voulait absolument transformer son pays a lancé en 1985 la «Perestroïka » (restructuration) et en 1988 le « Glasnost » (transparence). La chute du mur de Berlin en 1989 devait mettre fin au communisme dans les démocraties populaires satellites de l’URSS, et a entrainé en 1991 la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’URSS elle-même. En lieu et place fut crée la CEI, communauté des Etats indépendants, regroupent onze des quinze républiques de l’ex-URSS, avec un rôle leader pour le Fédération de Russie. La Russie moderne a vécu la présidence de Boris Eltsine (1991-1999), de Poutine (1999-2008) et actuellement de Medvedev avec Poutine comme Premier Ministre. Ainsi la Russie héritière de l’Ex-URSS, est certes encore un grand pays, le plus vaste Etat de la planète, avec 142 millions d’habitants, et des ressources minières notamment en pétrole et gaz considérables. Mais elle ne joue plus le rôle mondial qu’elle avait du temps de l’URSS ; et surtout depuis la présidence de Poutine, elle tente désespérément de reprendre une place importante sur l’échiquier mondial.
L’ordre du jour de Sommet Obama-Medvedev à Moscou va aborder des problèmes conjoncturels et des questions stratégiques. Parmi les problèmes conjoncturels figurent la guerre d’Afghanistan, la question nucléaire en Iran et en Corée du Nord, le conflit Israélo-Palestinien. Pour l’Afghanistan les Etats-Unis souhaiteraient le soutien de la Russie, notamment pour acheminer les armes américaines en Afghanistan à travers le territoire russe. Pour ce qui est de la question du nucléaire iranien, la position de la Russie est beaucoup plus modérée que celle des Etats-Unis. Les Etats-Unis voudraient un appui plus ferme de la Russie pour faire pression sur l’Iran, notamment par l’aggravation des sanctions prises contre ce pays. Quant à la Corée du Nord qui refuse toujours d’abandonner son programme nucléaire, et qui multiplie les tirs de missiles, là aussi les Etats-Unis attendent de la Russie une condamnation plus forte et des sanctions contre la Corée du Nord.
L’Ex-URSS avait joué un rôle très important au Moyen-Orient en soutenant la Résistance palestinienne et en concluant des alliances avec les pays Arabes, notamment l’Egypte et la Syrie, en leur fournissant une assistance militaire et économique considérable. Depuis la chute de l’URSS, la position de la Russie dans la région est beaucoup moins forte. La Russie qui fait partie du Quartet (ONU, Etats-Unis, Union européenne, Russie) tente de jouer à nouveau un rôle dans la région, en essayant de convoquer une Conférence de la paix à Moscou, initiative qui a peu de chances d’aboutir du fait des réticences d’Israël et des Etats-Unis, qui refusent la participation à la conférence du Hamas et du Hizbollah.
Les questions stratégiques qui seront abordées au Sommet de Moscou concernent l’OTAN, la renégociation du Traité Start I, le Traité ABM en Europe et la question des zones d’influence. Pour ce qui est de l’OTAN, depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis ont poussé tous les pays anciens satellites de l’URSS, à adhérer à l’OTAN. Beaucoup l’ont déjà fait au grand dam de la Russie. Cette dernière s’oppose fermement à l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie. Une autre question litigieuse qui sera discutée est celle du Traite ABM en Europe, dispositif anti-missiles que les Etats-Unis comptent installer en Pologne et en République Tchèque pour contrer la menace iranienne. La Russie considère que ce dispositif la menace directement, et s’y oppose ferment. Depuis 1972, les Etats-Unis et l’ex-URSS ont signé des Traités pour réduire les forces nucléaires de chaque pays. Le Traité Start 1 (Strategic Arms Reduction Treaty) qui avait réduit l’armement nucléaire de chaque pays à 1600 vecteurs et 6000 ogives, va expirer le 5 Décembre 2009. Le Sommet va lancer les nouvelles orientations quant en renouvellement de ce Traité, afin de réduire le nombre d’ogives à 1500 pour chaque pays. Enfin Moscou va mettre sur la table le problème des zones d’influence privilégiées qu’elle veut maintenir sous son giron : Pays riverains de la Caspienne, Sud de Caucase, Asie Centrale.
En conclusion, les problèmes entre les Etats-Unis et la Russie sont nombreux et délicats. Chacun des deux pays veut maintenir son hégémonie dans le monde. La Russie, malgré la chute de l’URSS, veut garder son influence sur le plan international, et surtout vis-à-vis des anciens satellites. Les Etats-Unis de leur côté veulent régler les problèmes vis-à-vis de la Russie, afin de se concentrer sur les défis majeurs de la politique étrangère : Afghanistan, Irak, Iran, Corée du Sud, conflit Israélo-Arabe. On verra dans quelle mesure le Sommet de Moscou des 6 et 7 Juillet 2009 va permettre des résultats concrets.
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