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Printemps Arabe
Quel avenir pour la Tunisie ?

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Printemps arabe a été déclenché en Tunisie en Décembre 2010 avant de s’étendre tel un tsunami sur la plupart des autres pays arabes. La Tunisie berceau du Printemps arabe a connu une grave crise politique pendant trois ans. Après le bref gouvernement de Caïd Essebsi, les islamistes d’Ennahda ont gagné les élections et formèrent le gouvernement. Voulant islamiser la société tunisienne, et manquant de compétences sur le plan économiques, les islamistes subirent une forte opposition de la société civile émanant des associations féminines et de la Ligue des droits de l’homme, ainsi que des institutionnels tels le Patronat, le Syndicat UGTT et les partis politiques de Gauche et de Centre-droit. Cette crise politique fût endeuillée par l’assassinat de deux dirigeants de l’opposition, ce qui n’a fait qu’exacerber la tension dans le pays. Le peuple tunisien étant globalement bien éduqué, et les responsables politiques voulant sauver le pays du chaos, après de laborieuses négociations une nouvelle Constitution fût promulguée le 26 Janvier 2014. Ses dispositions sont un compromis entre les différentes forces politiques du pays notamment en ce qui concerne le statut de la femme, la liberté de conscience et le rôle du sacré dans la société. Le parti islamiste Ennahda accepte de quitter le pouvoir au profit d’un gouvernement constitué de technocrates. Ce gouvernement est chargé de redresser l’économie du pays et de préparer les élections qui doivent avoir lieu d’ici la fin de l’année 2014.

Trois forces principales se partagent le champ politique en Tunisie. Les islamistes du parti Ennahda espèrent toujours obtenir un bon score dans les futures élections. Le parti Nidam Tounes dirigé par Caïd Essebsi espère lui aussi recueillir une bonne partie des votes. C’est un parti constitué des anciens réseaux Ben Ali, de militants progressistes et de syndicalistes. La troisième force est le front populaire qu’on peut classer à gauche et qui veut contrer « le danger despotique d’Ennahda ». Valeur d’aujourd’hui, il est impossible de savoir qui l’emportera parmi ces trois forces, et quelles alliances auront lieu après les élections.


Si sur le plan politique le climat s’est considérablement apaisé, les problèmes économiques de la Tunisie restent très préoccupants. Le parti islamiste Ennahda lorsqu’il était au pouvoir n’avait pas de véritable politique économique. D’ailleurs les islamistes en général ne brillent pas par des idées originales et innovantes en matière économique. Le système économique établi par l’ex-président Ben Ali a donc perduré après la Révolution. Ce système consiste à insérer le pays dans la division internationale du travail en offrant aux investisseurs étrangers une main-d’œuvre qualifiée et des coûts salariés dérisoires. Il repose principalement sur les exportations et le tourisme, et favorise les zones côtières au détriment des régions de l’intérieur qui sont restées marginalisées. L’économie tunisienne souffre d’un endettement conséquent équivalent à 50% du PIB, et le service de la dette a constitué en 2013 le troisième poste budgétaire avec 4,2 milliards de dinars tunisiens. Le budget de l’Etat est également lourdement grevé par les dépenses de la Caisse générale de compensation. Cette Caisse créée en 1970 compense les prix des produits alimentaires et énergétiques. Les dépenses de cette Caisse constituent le deuxième poste budgétaire en 2013 avec un montant de 5,5 milliards de dinars tunisien.


Face à ces failles de l’économie tunisienne, les dirigeants doivent réfléchir à un modèle favorisant le développement autocentré avec un accroissement des investissements publics et une augmentation de la demande locale solvable. Il est indispensable de porter l’effort principal de développement vers les régions défavorisées de l’intérieur du pays. Il y a lieu également de trouver une solution à la Caisse de compensation qui grève le budget de l’Etat au détriment des investissements productifs. Il faut également lutter contre la contrebande et le secteur informel qui s’est développé dangereusement après la Révolution. Il faut une véritable politique économique intégrée et non de petites mesures préconisées par exemple par le programme économique du Front populaire. Ce dernier propose le recrutement de fonctionnaires au Ministère des finances pour lutter contre la fraude et la contrebande, l’instauration d’une taxe de 5% sur les bénéfices nets de sociétés pétrolières, la suspension du service de la dette extérieure en attendant les résultats d’un audit, la reforme du barème de l’impôt pour favorises les bas revenus, et la suppression du secret bancaire.


En conclusion, la Tunisie est à la croisée des chemins. Certes le climat politique s’est assaini et la tension a baissé grâce à la promulgation de la nouvelle Constitution. On peut penser qu’il n’y aura plus de violences tels qu’on les a connues durant les trois dernières années. Mais tout dépend des résultats qui sortiront des prochaines élections prévues avant la fin de cette année. En tout état de cause, il y a lieu de définir et de mettre en œuvre une nouvelle politique économique propre à sortir le pays du marasme où il vit actuellement.

CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI

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