Monde arabe
Les recommandations du FMI
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Printemps arabe a causé des bouleversements politiques extraordinaires et des conséquences fâcheuses sur les économies des pays arabes. Mais le monde arabe n’est pas monolithique. Les conséquences du Printemps arabe ont différé d’un pays à l’autre. Les plus touchés politiquement et économiquement ont été sans aucun doute l’Egypte, la Libye, la Syrie et la Tunisie. Les pays du Golfe producteur de pétrole et de gaz n’ont pratiquement pas subi de conséquences ni politiques ni économiques. Les autres pays arabes tels que l’Algérie, la Jordanie, le Maroc et la Mauritanie ont pu traverser le Printemps arabe sans trop de dégâts.
Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI lors de son discours le 8 Mai 2014 devant les membres du CESE a fait des recommandations économiques pour le monde arabe sur le plan global. Elle a relevé plusieurs points qu’il est intéressent de mentionner. Elle a d’abord insisté sur la stabilité économique qui doit éviter toute dérive budgétaire, tout endettement effréné, la montée de l’inflation ou l’érosion des réserves de change. Elle ajoute que cette stabilité économique est nécessaire mais non suffisante, du fait que les pays arabes souffrent d’un taux de chômage moyen de 13%, et de 29% pour les jeunes. Trois millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, ce qui constitue un dividende démographique, mais qui risque d’être négatif si ces jeunes ne trouvent pas un emploi. Pour assurer un emploi à tous ces jeunes, il faut créer une économie prospère et dynamique capable de générer un taux de croissance annuel de 6% soit du double actuel.
Selon Christine Lagarde, les moyens d’y parvenir sont de promouvoir la PME (Petite et moyenne entreprise) et combattre d’informel. Il faut également créer plus d’entreprises, puisque dans l’ensemble de la région le nombre d’entreprises par 1.000 d’habitants est le quart seulement de celui de l’OCDE et la moitié de celui des pays émergents (Europe de l’Est et Asie Centrale). La Directrice Générale du FMI déplore également que dans beaucoup de pays arabes tels que l’Egypte, la Jordanie, ou le Maroc, la part de classe moyenne dans la richesse nationale est plus faible aujourd’hui qu’elle n’était durant les années 1990, d’où une mauvaise répartition des dividendes de la croissance. Or la classe moyenne est le vivier d’entrepreneurs dont le monde arabe a cruellement besoin. Elle déplore aussi la nature déséquilibrée de la structure industrielle actuelle dans le monde arabe, qui est composée d’un nombre réduit de grandes entreprises et une multitude d’unités dans le secteur informel. Ce dernier secteur crée moins de technologies, moins de capital, moins de main-d’œuvre qualifiée, et moins d’investissements, et fait baisser la productivité et la compétitivité.
Christine Lagarde décline par la suite le rôle de l’Etat qui doit se retirer de certains secteurs et s’impliquer dans d’autres. Il doit réduire son rôle d’employeur pour devenir davantage un régulateur impartial et efficace, dont le rôle principal est de promouvoir un environnement propice à l’épanouissement du secteur privé qui est la véritable source génératrice d’emplois. L’Etat doit offrir moins de subventions généralisées et plus de dispositifs de protection sociale pour les plus déshérités. L’Etat doit s’employer davantage dans la santé et l’éducation pour doter les jeunes de compétences leur permettant de prospérer dans l’économie du XXIème siècle, car il y a actuellement une inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail. L’Etat doit également promouvoir un environnement propice au secteur privé avec une réglementation plus efficiente et une plus grande concurrence, notamment par la simplification des procédures administratives. Il faut également assurer au secteur privé un financement adéquat, car à l’heure actuelle le monde arabe à le plus faible pourcentage au monde d’entreprises disposant de lignes de crédit ou de prêts, et moins de 10% des crédits vont aux petites et moyennes entreprises. Il faut enfin baisser les barrières tarifaires et non tarifaires qui restent trop élevées dans la région, afin de promouvoir une intégration commerciale plus poussée, et attirer plus d’investissements étrangers.
En conclusion, on ne peut que souscrire à ces recommandations du FMI qui dispose d’une expertise reconnue et d’une expérience internationale. Les gouvernements des différents pays arabes doivent s’en inspirer dans l’élaboration de leur politique économique. Comme déjà dit au début de cette chronique, le monde arabe n’est pas monolithique, et le FMI se doit d’émettre des recommandations pays par pays pour atteindre au maximum d’efficacité.
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