Drame au Nigeria
Enlèvement de 276 lycéennes
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 14 Avril 2014 deux cent soixante seize lycéennes furent enlevées par la secte islamique Boko Haram à Chibok au Nord Est du Nigeria pour être vendues comme esclaves. La secte musulmane Boko Haram a été créée en 2002 par Mohamad Yusuf, un orateur charismatique du Nord de Nigeria qui a dénoncé la corruption qui ronge le pays, la pauvreté et l’analphabétisme. Il a prêché la création d’un Etat islamique avec un retour à la pureté, à la Charia, et au renouveau de l’islam des premiers temps. Abubakar Shekau, étudiant en théologie islamique lui aussi originaire du Nord au Nigeria rejoint la secte de Boko Haram. Après la mort de Mohamad Yusuf en 2009, Abubakar Shekau devint le chef de la secte Boko Haram. N’ayant ni le charisme, ni les talents oratoires de son prédécesseur, il se montre inflexibilité et se distingue par sa cruauté.
Abubakar Shekau a organisé Boko Haram en un Groupe décentralisé, unifié par l’idéologie, et gouverné par un Conseil de cinq membres qu’il préside. C’est à partir de 2009 que Boko Haram qui subit une répression féroce bascule dans l’ultraviolence. On estime à plus de 3.000 le nombre de personnes tuées par Boko Haram durent les cinq dernières années. Les actions de la secte comprennent des attentats, des prises d’otages et des attaques contre les chrétiens qui fuient le Nord du pays en masse. C’est donc sous la responsabilité de Abubakar Shekau que l’enlèvement des lycéennes a eu lieu. Le Chef de Boko Haram a déclaré dans une récente vidéo qu’il échangerait les lycéennes contre des prisonniers de son organisation.
On peut se demander comment le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique avec 177 millions d’habitants et couvrant une surface de près de 1 million de km2 en est arrivée là ? Sur le plan politique, Le Nigeria ancienne colonie britannique de 1914 à 1960, a subi plusieurs coups d’Etat militaires après son indépendance. Ce n’est qu’en 1999 qu’eûrent lieu les premières élections démocratiques. A partir de 2010, c’est Goodluck Jonathan qui préside le Nigeria. La société nigériane se compose de 250 ethnies et parle 521 langues, mais la langue officielle est l’anglais. Les deux principales religions sont le christianisme et l’islam. Le nord du pays est à majorité musulmane, alors que le sud est à majorité chrétienne. Sur le plan économique, le Nigeria est la première puissance économique du continent africain avec un PIB de 510 milliards de $. Sa principale richesse est le pétrole de bonne qualité qui représente 95% des recettes d’exportations et 80% des revenus du pays. Le Nigeria est le 10ème producteur mondial de pétrole et le 6ème exportateur. Mais l’économie nigériane est menacée par la corruption et l’inefficacité économique. C’est ainsi que la fuite des capitaux au Nigeria est estimée à 10 milliards de $ par an, et l’inefficacité économique à 100 milliards de $. Cette situation fait que les trois quart de la population nigériane ne bénéfice pas des revenus du pétrole et qu’un grand chômage sévit parmi les jeunes.
La secte Boko Haram a profité de l’insatisfaction de la jeunesse, du chômage, de la pauvreté pour recruter un grand nombre de ses adhérents. La religion musulmane est ainsi instrumentalisée à des fins criminelles pour extorquer de l’argent et acheter des armes en provenance de la Libye. C’est donc avant tout des raisons économiques et sociales qui ont permis le développement de la secte. La réaction du gouvernement du Nigeria à l’enlèvement des lycéennes a été très lente et inefficace. Heureusement, la communauté internationale et en premier lieu les Etats-Unis et la France ont réagi vivement à cette enlèvement, et ont mis des moyens en hommes et en matériel à la disposition du gouvernement nigérian pour retrouver les auteurs de l’enlèvement. La société civile a été également mobilisée dans plusieurs pays en lançant la campagne « Bring Back our Girls ». Pour mutualiser les efforts contre la secte Boko Haram, un Sommet a eu lieu le 17 Mai dernier à Paris regroupant les Chefs d’Etat de la France, Nigeria, Cameroun, Niger, Tchad et Bénin. Ce Sommet a mis en place une coopération générale des moyens opérationnels contre la secte Boko Haram. Cette coopération comprend l’échange d’informations de renseignements, le pilotage central des opérations de surveillance, l’accroissement de la présence militaire autour du Lac Tchad, et la mise en œuvre d’une capacité d’intervention en cas de danger. On ne peut que souhaiter que toutes ces mesures puissent permettre la libération le plus rapidement possible des lycéennes nigérianes. Cet incident montre également qu’on delà du miracle économique qui lui est attribué, l’Afrique souffre de nombreux maux tels que la pauvreté, le chômage, la corruption qu’elle doit affronter pour « prendre son destin en main ».
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI