Sommet des Non Alignés à Charm El Cheikh
Une institution à rénover et à dynamiser
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Le Sommet du Mouvement des Non Alignés s’est réuni les 15 et 16 Juillet 2009 à Charm El Cheikh (Egypte). Rappelons que le terme « Non alignement » a été utilisé pour la première fois par le Premier Ministre indien Nehru en 1954 dans un discours à Colombo. S’en est suivie en 1955 la conférence de Bandung (Indonésie) qui a groupé 29 Etats d’Afrique et d’Asie sous l’impulsion de Nasser (Egypte), Nehru (Inde), Sukarno (Indonésie) et Zhou En Lai (Chine). Cette conférence a proclamé l’autonomie et la neutralité des pays participants vis-à-vis des deux blocs américain et soviétique. Le principe de non-alignement devait être confirmé en 1956 à la conférence de Brioni (Yougoslavie), et en 1961 à la première conférence des Non Alignés à Belgrade (Yougoslavie). Cette dernière Conférence qui a regroupé 25 pays a condamné toutes les formes de colonialisme, et a proclamé à nouveau sa volonté de faire face aux deux blocs Etats-Unis et URSS. Depuis la conférence de Belgrade de 1962, le Mouvement des N
Le Mouvement des Non Alignés est actuellement constitué de 118 Etats, et à titre d’observateurs de 16 Etats et 7 organisations internationales. La Chine qui a été quelques années membre, est actuellement admise en tant qu’observateur. Ce Mouvement représente 2/3 des Etats membres de l’ONU et 55% de la population mondiale. Certes, l’antagonisme américano-soviétique n’est plus de mise depuis la chute de l’URSS en 1991, et le Mouvement se définit actuellement comme le défenseur des intérêts des pays en développement. Le Sommet de Charm El Cheikh a adopté le document final et une Déclaration. Il a entériné également plusieurs propositions des Etats-membres. Telles que la proclamation du 18 Juillet en tant que journée mondiale Nelson Mandela, la nécessité de lever le blocus américain contre Cuba, le soutien aux droits inaliénables du peuple palestinien et à l’établissement d’un Etat palestinien avec Al Qods comme capitale. Il a enfin donné son accord pour la tenue d’une réunion ministérielle sur le dialogue des religions à Manille (Philippines) en Décembre 2009, et une autre sur le rôle de la femme à Qatar en 2010. Enfin, le prochain Sommet des Non Alignés est fixé en 2012 en Iran.
Dans le document final et la Déclaration, le Sommet de Charm El Cheikh a abordé également plusieurs questions de conjoncture et d’autres plus structurelles. Sur la crise financière économique et internationale, il a porté la responsabilité de cette crise sur les pays développés, qui n’ont pas sû maitriser des dérives financières graves. Cette crise qui s’est répercutée négativement sur les pays en développement, exige une réforme du système financier international, et une participation plus active des pays en développement à la prise de décision. Le Sommet a également souhaité la mise en œuvre d’un monde multipolaire et d’un renforcement du dialogue Nord-Sud. Parallèlement, le Sommet exige une réforme de l’ONU dont l’organisation ne répond plus aux nouvelles données du XXIème siècle. Il est demandé notamment un renforcement de l’autorité de l’Assemblée Générale, et une réforme radicale du Conseil de sécurité, notamment le droit exorbitant de véto accordé à cinq pays. Concernant le problème du nucléaire, le Sommet se prononce par un désarmement nucléaire global, seul à même d’assurer la paix et la sécurité dans le monde. Il réaffirme le droit de tout pays à bénéficier du nucléaire civil. Sur la question des droits de l’Homme, le Sommet se dit prêt à un dialogue avec les pays développés. Enfin, le Sommet réaffirme le droit des peuples à l’autodétermination.
Toutes ces prises de positions du Mouvement des Non Alignés sont positives. Mais en matière de relations internationales, il ne suffit pas de faire des déclarations et de prendre des positions. Il faut aussi avoir les moyens de les mettre en œuvre. C’est pourquoi le Mouvement des Non Alignés doit se rénover et se dynamiser. Le conflit Est-Ouest étant maintenant terminé, ce Mouvement doit se placer totalement comme le Porte-parole des pays en développement, et changer de nom pour devenir le G118. Ceci, afin de faire face au G8 qui regroupe les pays les plus riches de la planète, et du G20 où ont été incorporés d’une façon non démocratique, les pays émergeants et certains pays en voie de développement. Pour peser sur la scène internationale, le Mouvement des Non Alignés doit modifier ses structures. Le Sommet doit tout d’abord se réunir annuellement, et non plus tous les trois ans, car les événements internationaux évoluent très vite et nécessitent des prises de positions rapides. Il faut aussi qu’il s’organise en puissants Commissions thématiques, capables d’étudier et d’analyser les grands problèmes politiques et économiques de la planète, et faire des propositions judicieuses et réalistes. Il doit aussi parfaire son unité, et éviter que les membres « mangent à plusieurs râteliers » tels que les pays émergeants (Chine, Inde, Brésil, Mexique, Afrique du Sud) qui tentent de se rapprocher plus des pays développés que des pays en développement. Le Mouvement doit enfin adopter une position commune dans les grandes organisations internationales, notamment à l’ONU, au FMI et à la Banque Mondiale. Sans cette rénovation et cette dynamisation, le Mouvement des Non Alignés risque comme beaucoup d’autres mouvements, de parler dans le vide.
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