Après les attentats terroristes à Paris
Forte mobilisation pour lutter contre le jihadisme
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Les trois attentats terroristes qui ont eu lieu à Paris du 7 au 9 Janvier 2015 et qui ont causé la mort de 17 personnes innocentes et des blessures à 20 personnes ont provoqué une immense émotion en France et dans le monde. Les auteurs de ces attentats sont des jihadistes qui ont attaqué le siège du journal « Charlie Hebdo » du fait de la publication de caricatures du Prophète Mohamed, et ont pris en otage l’Hyper Casher. Après plusieurs péripéties les trois jihadistes ont été tués par les forces de l’ordre.
Dès le 10 Janvier, plusieurs manifestations ont eu lieu en France pour protester contre le terrorisme et pour la liberté d’expression. Mais c’est la grande manifestation qui a eu lieu à Paris le Dimanche 11 Janvier qui a attiré le plus de monde, puisque le nombre des manifestants a été évalué à 1,5 million. Près de 50 dirigeants du monde ont participé au coude à coude à cette manifestation qui a fait de Paris « la capitale du monde ». Aux cris de « Je suis Charlie » les manifestants ont fait montre d’une grande fraternité mêlant toutes les races et toutes les religions. On a dénombré en ce jour des manifestations similaires dans 265 villes françaises qui ont réuni près de 4 millions de personnes.
On ne peut que se réjouir du sursaut de la France et du monde entier contre le terrorisme sur toutes ses formes. On peut se demander cependant quelles sont les causes du terrorisme jihadiste qui frappe de plus en plus en cette dernière décennie ? La première responsabilité est celle de la plupart des pays musulmans qui n’ont pas su après leur indépendance promouvoir la démocratie, l’éducation et le développement économique et social. La conséquence est la persistance dans le monde musulman de régimes autoritaires, de l’analphabétisme d’une grande frange de la population, et de la pauvreté qui frappe plusieurs catégories sociales. L’Occident a également une responsabilité du fait de son arrogance et de la stigmatisation de toute civilisation qui n’est pas la sienne. A cela s’ajoute l’invasion par les Etats-Unis de l’Afghanistan et de l’Irak, et le soutien inconditionnel à Israël au détriment de la juste cause palestinienne. Tout cela inflige auprès des musulmans en général et des plus radicaux d’entre eux une grande frustration qui ne peut s’exprimer que par des actes violents.
Pour ce qui est du jihadisme en Europe, outre les raisons indiquées ci-dessus, il y a lieu d’ajouter des facteurs culturels, psychologiques et sociaux. La plupart des jeunes musulmans vivant en Europe et malgré la nationalité du pays d’accueil qui leur est accordée, ne sont pas totalement intégrés dans la société où ils vivent. Pour des raisons sociales le plus souvent, ils ne terminent pas leurs études et ne peuvent prétendre à des emplois de responsabilité. Certains deviennent des délinquants et sont condamnés à la prison où leur endoctrinement jihadiste est facilité. Ne maîtrisant pas l’arabe, la langue du Coran, ils sont victimes des prédicateurs intégristes dans les mosquées qui leur inculquent une doctrine religieuse peu sophistiquée. Ils se sentent stigmatisés, humiliés par les caricatures du Prophète Mohamed, et veulent manifester leur colère par des actes violents. C’est ce qui explique les attentats terroristes sur le sol européen, ou le départ vers l’Irak et la Syrie pour combattre. Selon les chiffres officiels, il y aurait 4000 européens d’origine musulmane qui combattent au Moyen-Orient dont 1200 français.
Face à cette situation dramatique, il faut une réponse multiforme. La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui est une grande source de frustrations. La dernière invasion de la Bande de Gaza par l’armée israélienne l’été 2014 et qui a fait plus de 2000 victimes dont des femmes et des enfants, a beaucoup frappé les esprits dans le monde musulman. Il faut aussi tenter de trouver des solutions à la crise irako-syrienne qui attire au combat plusieurs jeunes. Il faut multiplier les initiatives pour installer un climat de compréhension entre les trois religions monothéistes et privilégier les mesures d’apaisement. A ce titre, on ne peut que saluer un sondage organisé en France après les attentats de Paris, où 42% de Français estiment qu’il faut éviter de publier des caricatures du Prophète Mohamed. Sur le plan européen, une politique spécifique doit être instaurée vis-à-vis des jeunes européens musulmans. Elle doit viser à améliorer leur éducation et leur situation économique et sociale afin de faciliter leur intégration dans la société. Il faut mieux encadrer la communauté musulmane par des Conseils représentatifs, et lutter contre les imams radicaux par des contre-discours argumentés.
Toutes ces dispositions doivent être complétées par des mesures sécuritaires visant à surveiller et appréhender tout suspect avant qu’il ne passe à l’acte. Cependant, ces mesures ne doivent pas aller au-delà de l’Etat de droit qu’il faut préserver à tout prix. Enfin, le terrorisme étant un phénomène mondial, il faut une coopération internationale à tous les niveaux pour lutter effectivement contre ce fléau.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI