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Sommet de Washington contre le terrorisme
Quelle évaluation ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Un Sommet de trois jours s’est tenu à Washington le 18 Février 2015 sur le thème « Contrer l’extrémisme violent ». Soixante pays et plusieurs organisations internationales ont participé à ce Sommet. Le terrorisme jihadiste n’a pas été expressément désigné, mais c’est bien de lui qu’il s’agit. En effet, nous vivons actuellement une troisième guerre mondiale, certes différente de la première (1914-1918) et de la seconde (1939-1945). Mais il s’agit bien d’une guerre mondiale puisque les cinq continents de la planète sont concernés. Ce n’est pas une guerre classique entre Etats, mais une guerre des Etats contre un mouvement radical qui se revendique de l’Islam, et dont l’objectif est de créer un Califat avec la Charia comme législation. C’est un mouvement fasciste dont l’idéologie rejette les autres religions, preuve en est le massacre de Chrétiens et Yezidis. C’est aussi un mouvement totalitaire qui ne reconnaît pas la démocratie, l’égalité entre les hommes et les femmes, les libertés individuelles et collectives. Les moyens d’action de ce mouvement sont la conquête de territoires comme en Irak, au Nigeria et en Syrie, ainsi que les attentats comme ceux perpétrés en Europe, en Australie, et au Canada. Les moyens utilisés sont d’une extrême violence : le tir par des armes lourdes, la décapitation, la mise à mort par le feu. Ce mouvement n’hésite pas à utiliser des fillettes en tant que kamikazes. Par une propagande agressive basée sur des sites internet et les nouvelles technologies de l’information (90.000 tweets sont postés chaque jour par Daech), ce mouvement est arrivé à attirer 20.000 combattants étrangers provenant d’une centaine de pays dont 4.000 venant d’Europe. Plusieurs organisations se revendiquent de ce mouvement : Al Qaida, Boko Haram, Shebab, Aqmi, Daech, Ansar Al Dine notamment. Le XXIème siècle se trouve donc confronté à une guerre pour les valeurs universelles qu’il faut absolument gagner.

Afin de trouver la stratégie adéquate pour gagner cette guerre, il faut rechercher les causes de l’adversaire. Ces dernières sont multiformes. Il s’agit d’abord des griefs contre l’Occident du fait de l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, et du soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël au détriment des Palestiniens. Il y a aussi la responsabilité des Etats arabes et musulmans, qui pour la plupart n’ont pas établi des régimes démocratiques, n’ont pas promu suffisamment l’éducation, et où une grande partie de la population vit dans la misère. Pour ce qui est des jeunes musulmans vivant hors de leur pays d’origine, ils souffrent de marginalisation, d’exclusion sociale, de perte d’identité, et de discrimination. Le Premier ministre français Manuel Vall a lui-même considéré qu’il y a des zones d’apartheid en France.



Lors du Sommet de Washington, le Président Obama à juste titre a indiqué que l’Occident n’est pas en guerre contre l’islam, et qu’il n’y a pas de choc des civilisations. C’est qu’en effet ce mouvement jihadiste radical ne représente qu’une infime minorité de musulmans, qui dans leur grande majorité veulent vivre en bonne intelligence avec les autres religions. D’ailleurs, aussi bien les Etats que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont condamné fermement les actes commis par le terrorisme jihadiste. Les participants au Sommet de Washington ont préconisé une approche globale pour lutter contre les groupes jihadistes à la fois sécuritaire, sociale, culturelle et religieuse. Tous les acteurs doivent participer à cette lutte : les gouvernements, mais aussi le secteur privé, la société civile, les femmes et les jeunes, ainsi que les communautés religieuses. Pour ce qui est du sécuritaire, il s’agit de renforcer l’efficacité de l’Alliance militaire contre Daech, et surtout de partager en réseaux les expériences et les renseignements, qui sont indispensables pour lutter contre le terrorisme. Il a été aussi proposé la mise en œuvre de programmes de déradicalisation des jeunes notamment par la formation, l’octroi d’emplois, et la lutte contre le discours des extrémistes. Il faut multiplier les investissements dans les quartiers populaires pour promouvoir l’éducation, la culture, le discours religieux tolérant. Il y a lieu également d’établir un système de veille et la législation nécessaire pour empêcher les jeunes de rejoindre Daech en Irak et en Syrie.



En conclusion, la lutte contre le terrorisme jihadiste est très importante car il s’agit d’une guerre pour la préservation des valeurs universelles. Elle doit donner lieu à une coopération multiforme, régionale et internationale, et impliquer tous les acteurs de la société. C’est une lutte à long terme qu’il faut mener avec détermination et persévérance. Les propositions du Sommet de Washington sont pertinentes et il faut les mettre en œuvre sans délai. Les Etats arabes et musulmans doivent être en pointe contre le terrorisme jihadiste, car il s’agit de l’image et de l’honneur de l’Islam, religion millénaire et qui concerne plus d’un milliard de personnes. On peut regretter cependant que la résolution du conflit israélo-palestinien n’a pas été citée, alors que ce conflit donne des arguments aux jihadistes pour mobiliser des jeunes partout dans le monde. Il faut aussi que la communauté internationale trouve une solution au régime syrien qui continue à ensanglanter le pays, et qui constitue un appel d’air pour les jeunes. De même qu’il faut agir rapidement en Libye sous peine de voir une partie du territoire occupée par les jihadistes.



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