Afrique
La France reste un partenaire économique incontournable
Quelle stratégie pour la politique africaine du Maroc ?
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Alors que le Maroc entame sa nouvelle politique pour le développement des relations économiques avec l’Afrique, il ne faut pas mésestimer le poids de la France dans l’économie africaine. Au fil de décennies de colonisation d’une partie de l’Afrique, la France a tissé des relations économiques intenses tant en ce qui concerne les échanges commerciaux que les investissements.
Valeur aujourd’hui, 62.000 entreprises françaises sont implantées sur le continent africain dont parmi les principes Bolloré, CFAO, Danone. Le total des exportations françaises vers l’Afrique est de 12 milliards d’euros effectuées par 25.000 entreprises. La France est liée avec l’Afrique par 65 conventions fiscales bilatérales. Enfin 42 villes africaines sont desservies par avion depuis Paris et 7 ports français relient le continent. Un tiers des investissements productifs en Afrique sont d’origine française.
La stratégie française sur l’Afrique est épaulée par l’Agence Business France qui accompagne non seulement les entreprises françaises mais également étrangères. Ces dernières s’appuient sur trois critères pour passer par l’intermédiaire de la France : l’antériorité de la France dans certains pays africains, la langue française utilisée par l’Afrique francophone, et le droit local proche du droit français. C’est ainsi que China Exim Bank a ouvert une filiale parisienne pour couvrir ses transactions dans une partie du continent africain. L’agroalimentaire japonais Ajinomoto gère aussi ses activités en Afrique depuis l’Hexagone. La firme allemande Bosh spécialisée dans des outillages électroportatifs a recruté des équipes françaises pour des formations en Afrique. La stratégie française s’appuie également sur les milliers d’étudiants africains qui se forment en France, et qui sont recrutés par des firmes françaises ou étrangères et engagés dans les filiales africaines. Une autre piste mise en œuvre par la France est l’importation de produits en France pour les réexporter en Afrique en l’état ou après transformation, et en leur appliquant le label « Trade in France ». Enfin est utilisé également le modèle de co-investissement qui regroupe une entreprise française et une entreprise étrangère pour investir en Afrique.
Ce nouvel intérêt de la France pour l’Afrique s’explique par la population du continent qui passera de 1 milliard d’habitants maintenant à 2 milliards en 2050 avec une classe moyenne émergente. De plus, l’Afrique dispose d’immenses ressources naturelles et a connu un taux de croissance moyen de 5% durant la dernière décennie. En plus de la France, plusieurs pays s’intéressent à l’Afrique : en premier lieu la Chine, mais également le Brésil, les Etats-Unis, l’Inde et la Turquie. Les investissements directs étrangers en Afrique se sont élevés à 32,5 milliards de $ en 2004 et atteindront 38,4 milliards de $ en 2016.
Cette situation ne doit en aucun cas décourager la nouvelle politique du Maroc vis-à-vis de l’Afrique. Cette politique a été initiée par le chef de l’Etat qui met toutes les ressources du pays pour sa réussite, qu’elles soient publiques ou privées. Notre pays dispose d’atouts que n’ont pas nos concurrents. C’est d’abord un pays africain d’où sa proximité géographique et religieuse avec la plupart des autres pays africains. Le Maroc dispose d’une expertise certaine dans certains secteurs économiques qu’il peut mettre à la disposition des autres pays africains. On peut citer les secteurs agricole, bancaire, électrique, hydraulique, immobilier, minier, télécoms. Le Maroc a également une approche gagnant-gagnant et favorise le co-développement dans le cadre d’une coopération Sud-Sud. Cependant, la tâche ne sera pas facile et exigera du sérieux et du suivi. Elle exige un système de veille et d’intelligence économique pour le choix judicieux des projets qui ont le plus de chances de réussir, face à une concurrence qui deviendra de plus en plus mondialisée.
En conclusion, le Maroc doit absolument diversifier son économie qui est à actuellement dépendante aux 2/3 de l’Europe. Cette diversification doit passer en priorité par l’Afrique.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI