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Il faut sauver la démocratie tunisienne

Par Jawad KERDOUDI


Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

La Tunisie a été frappée le 18 Mars 2015 par un horrible attentat qui a fait 22 morts dont 20 touristes étrangers et une cinquantaine de blessés. L’attaque a été menée par deux tunisiens armés qui voulaient au départ s’en prendre au Parlement, et qui ont finalement pris pour cible un bus de touristes avant de pénétrer à l’intérieur du musée du Bardo. L’attaque a duré quatre heures à l’issue de laquelle les deux terroristes ont été tués et près de 200 touristes libérés. On ne peut que condamner avec la plus grande fermeté cet attentat qui vise un pays dont l’histoire récente a été une vraie épopée. En s’attaquant au Parlement et au musée du Bardo les terroristes voulaient combattre la jeune démocratie tunisienne, et s’en prendre au secteur du tourisme qui représente 7 à 10% du PIB de la Tunisie.

La Révolution tunisienne a débuté le 17 Décembre 2010 avec l’immolation par le feu du jeune tunisien Mohamed Bouazizi vendeur ambulant de fruits et légumes. Après de grandes manifestations à Tunis et dans d’autres villes, le dictateur Benali a quitté la Tunisie le 14 Janvier 2011. En Octobre 2011 fût élue une Assemblée constituante qui a nommé un gouvernement dirigé par le parti islamiste Annahda. Les partis progressistes et la société civile ont résisté avec la plus grande détermination à l’emprise du pays par les islamistes. C’est ainsi qu’en 2013 ont été assassinés deux leaders de la mouvance progressiste Chokri Belaid et Mohamed Brahimi. Devant la détérioration de la situation, un dialogue national fût entamé en Octobre 2013 qui a abouti en Juillet 2014 à la constitution d’un gouvernement de technocrates. Après moult tractations, une nouvelle constitution a été promulguée le 26 Janvier 2014 qui a reconnu la liberté de conscience et n’a pas reconnu la Chariaa comme source de la législation tunisienne. Le 24 Octobre 2014, les élections législatives avec un taux de participation honorable de 61% ont donné la victoire au parti progressiste Nidaa Tounes, alors que le parti islamiste Ennahda est arrivé en seconde position. Enfin, les élections présidentielles du 21 Décembre 2014 a donné la victoire au leader de la Nidaa Tounes Béji Caid Essebsi qui a formé un gouvernement d’union nationale qui comprend le parti islamiste Ennahda.

Ce bref rappel historique montre à quel point la Tunisie après le déclenchement du Printemps arabe est un modèle pour tous les autres pays arabes. En effet tout le processus démocratique : Assemblée constituante, élections législatives, élections présidentielles, s’est basé sur la volonté du peuple et dans le cadre d’un transparence totale. L’autre élément fondamental est le compromis historique entre les partis progressistes et les partis islamistes pour gouverner ensemble dans l’intérêt général du pays. Le troisième élément est la force de la société civile tunisienne qui a pesé de tout son poids dans le déroulement du processus. C’est ainsi que les femmes tunisiennes ont joué un très grand rôle, ainsi que le puissant Syndicat UGTT, le patronat avec l’UTICA et la défense des droits de l’homme avec le LTDH.

Devant cet horrible attentat à Tunis, toute la communauté internationale doit se mobiliser pour sauver la démocratie tunisienne. En effet si cette démocratie s’effondre, ce serait la victoire des obscurantistes qui veulent ramener le monde arabe au Moyen-Âge. Cela donnerait plus de force à Al Qaida, Boko Haram, Daech, Shebab et pousserait les jeunes à rejoindre ces mouvements terroristes. Pour la seule Tunisie, on estime à 3.000 jihadistes qui combattent en Syrie, en Irak, et en Libye. L’autre danger serait le retour de ces jihadistes dans leur pays d’origine pour y commettre des attentas.

La mobilisation en faveur de la démocratie tunisienne doit concerner en premier lieu le monde arabe et notamment les voisins de la Tunisie qui sont l’Algérie et le Maroc. En effet, toute détérioration de la situation en Tunisie aura des effets sur les pays voisins, aussi bien au niveau du tourisme que des investissements directs étrangers. L’Europe doit également se mobiliser, car elle est elle-même frappée par le terrorisme, et pourrait craindre un afflux d’immigrés clandestins en cas de troubles en Tunisie. Les Etats-Unis et le reste de la communauté internationale doivent également aider la Tunisie pour le maintien de la paix en Afrique du Nord. Sur le plan symbolique, il serait judicieux d’organiser à Tunis une grande marche comme celle qui a eu lieu à Paris à la suite des attentats contre Charlie-Hebdo. Sur le plan matériel, il faudrait fournir à la Tunisie des matériels militaires pour assurer la sécurité, notamment des hélicoptères pour la surveillance des frontières avec l’Algérie et la Libye. Enfin, il faut octroyer par l’organisation d’une Conférence internationale de donateurs une aide économique et financière du fait de la perte incontournable que va subir la Tunisie au niveau du tourisme et des investissements.



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