La rébellion Houthie au Yémen
Une menace pour la stabilité régionale
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Yémen, pays pauvre situé au sud de la Péninsule arabique connaît actuellement une rébellion de la minorité Houthie qui a réussi à conquérir les villes de Sanaa la capitale et le grand port d’Aden. Pour comprendre ce qui se passe actuellement il faut faire un bref historique du Yémen.
Le Nord du Yémen a été soumis à l’Empire ottoman jusqu’en 1918. La monarchie (Imamat) qui s’en est suivie a été abolie en 1962. Par la suite a été instaurée la République arabe du Yémen qui a connu une guerre civile jusqu’en 1970, soutenue par l’Egypte en faveur des républicains, et par l’Arabie saoudite en faveur des royalistes. Le sud du Yémen quant à lui a fait partie dès 1839 de l’hinterland britannique autour du Port d’Aden. En 1967 a été établie la République populaire du Yémen du sud avec un régime pro-soviétique, tandis que le Nord s’est érigé à partir de 1970 en République démocratique populaire du Yémen. La réunification des deux Etats a eu lieu en 1990 sous l’appellation République du Yémen présidée par Ali Abdallah Saleh d’origine Houthie. En 1994, une nouvelle guerre civile éclata avec la tentation vaine du Yémen du sud de faire sécession.
A partir des années 2000 a commencé la rébellion Houthie. Il faut rappeler que la population du Yémen qui est de 26 millions d’habitants est repartie en 55% de sunnites et 45% de chiites. Parmi les chiites la minorité Houthie qui vit surtout au Nord et qui bénéficiait d’une certaine autonomie en 1962, s’est sentie marginalisée et a commencé à lutter contre le régime central de Sanaa. De son côté l’AQPA (Al Qaida pour la péninsule arabique) a commencé à commettre des attentats un peu partout dans le pays. La rébellion Houthie s’est accentuée en 2004 notamment sa branche Zeidite. Une nouvelle guerre civile éclata en 2009 qui a occasionné 150.000 personnes déplacées et qui a entraîné une intervention militaire de l’Arabie saoudite contre la rébellion. En 2011 suite au Printemps arabe, la révolution yéménite a obligé le départ du Président Ali Abdallah Saleh et son remplacement en 2012 par Abd Rabbo Mansour Hadi d’origine sunnite.
En Janvier 2015 suite à la rébellion Houthie qui a conquis la capitale Sanaa, le Président Abd Rabbo Mansour Hadi s’est réfugié dans le sud à Aden. L’Etat islamique s’est également manifesté en attaquant le 20 Mars 2015 une mosquée à Sanaa faisant de nombreuses victimes. Le 24 Mars 2015 des combats meurtriers ont eu lieu dans le centre du Yémen entre milices et tribus. Le 25 Mars 2015 la ville d’Aden a été prise par les rebelles Houthis, ce qui a entraîné le lendemain une offensive militaire saoudienne sous l’appellation « Tempête décisive » qui a bombardé les villes de Sanaa et Aden et qui a mobilisé 150.000 soldats et 100 avions. Cette offensive a été soutenue par les pays arabes du Golfe mais également par la Jordanie, le Soudan, la Pakistan et le Maroc. Enfin le 28 Mars 2015, la Ligue Arabe réunie à Charm-el-cheikh en Egypte a décidé la création d’une force armée arabe conjointe.
Le Yémen par sa position stratégique joue un rôle important dans la géopolitique mondiale. En effet, il jouxte le Détroit d’Aden par lequel passent notamment des milliers de tankers de pétrole en route vers le Canal de Suez. D’autre part existe un conflit entre l’Arabie saoudite qui est le leader des pays arabes sunnites, et l’Iran qui instrumentaliste les minorités chiites dans les pays arabes pour augmenter son influence au Moyen-Orient. D’autre part, l’Arabie Saoudite est directement concernée par tout ce qui se passe dans la Péninsule arabique. C’est ce qui explique son intervention à Bahreïn en 2011 après le Printemps arabe pour consolider la monarchie dans ce pays. C’est ce qui l’a poussé après la conquête de Sanaa et d’Aden à intervenir militairement au Yémen. L’Egypte de son côté qui a reçu des milliards de dollars de l’Arabie Saoudite, et qui lutte également sur son sol contre le terrorisme, s’est empressée d’apporter son soutien à l’initiative saoudienne. Les autres pays qui ont soutenu l’Arabie Saoudite (Jordanie, Maroc, Pakistan, Soudan) sont liés avec elle par des accords stratégiques. La Turquie de son côté, en tant que pays musulman sunnite a également soutenu l’initiative saoudienne, tandis que le Hizboallah libanais sous influence iranienne l’a condamnée. Enfin les Etats-Unis tout en ne participant pas directement à l’action militaire saoudienne apporte à cette initiative leur soutien logistique et de renseignements.
En conclusion, le Yémen et tout le monde arabe vit une phase critique de son histoire. D’une part il est soumis aux attaques de l’Iran qui lui mène une guerre par procuration. D’autre part, il subit le terrorisme aveugle d’Al Qaida et de Daech qui veulent rétablir le Califat islamique. Aussi on ne peut que saluer la création d’une armée arabe conjointe pour se défendre contre l’Iran et éradiquer le terrorisme.
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