Zone Euro : Quelles perspectives économiques pour 2015 ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Maroc effectuant 60% de ses exportations et 50% de ses importations avec l’Union européenne, il y a tout intérêt pour notre pays de suivre l’évolution économique de cet ensemble. L’Union européenne a beaucoup souffert de la grave crise économique mondiale 2008-2009 qui a amené certains pays membres à la récession, a aggravé le chômage et la dette publique parfois à plus de 100% du PIB. Au sein de l’Union européenne 19 pays sur 28 ont pour monnaie commune l’euro, et c’est avec cette zone euro que le Maroc a le plus d’échanges commerciaux. Au premier trimestre 2015, la zone euro a progressé de 0,4% et a fait mieux que les Etats-Unis (+0,1%) et le Royaume-Uni (+0,3%). Notre premier client la France a enregistré un taux de croissance de 0,6% au premier trimestre 2015, l’Espagne 0,9%, l’Italie et l’Allemagne 0,3%. Par contre la Finlande et la Grèce avec lesquels nous n’avons pas beaucoup d’échanges sont en régression respectivement de 0,1% et 0,2%.
Ces résultats favorables de la zone euro s’expliquent par plusieurs éléments. Le premier d’entre eux est la baisse considérable du prix du pétrole à 56 $ le baril au début de 2015. Le second élément est la nouvelle politique de la Banque Centrale Européenne d’aménagement quantitatif (Quantitative easing) qui a été annoncée le 22 Janvier 2015, et qui consiste à racheter 60 millions d’actifs par mois et ce jusqu’à Septembre 2016. Cette politique a eu une triple conséquence : apport d’une grande masse de liquidités aux banques commerciales, baisse des taux d’intérêt, baisse de l’euro par rapport au dollar. C’est ainsi que l’euro a été échangé presque à parité du dollar au début de l’année 2015. Les Etats membres de la zone euro ont de leur côté réduit leurs efforts d’ajustement budgétaire. Toutes ces mesures ont permis de juguler la déflation, c’est ainsi que l’inflation s’est établit à % en Avril 2015 après quatre mois de recul. Ces mesures ont surtout poussé la consommation des ménages, tandis que la dépréciation de l’euro a favorisé la compétitivité des entreprises européennes exportant hors de la zone euro.
Le tableau économique de la zone euro n’est cependant par brillant dans toutes ses composantes. C’est ainsi que les résultats du commerce extérieur européen ne se sont pas beaucoup améliorés du fait de la faible demande mondiale. Au niveau des investissements, s’ils sont bien repartis en Allemagne et au Pays-Bas, ils stagnent en France, avec 0,2% au premier trimestre 2015 pour les entreprises et -1,4% pour les ménages. Autre ombre au tableau : la persistance d’un taux de chômage élevé à 11,3%. Il existe aussi certaines incertitudes d’ici la fin de l’année 2015 : le prix du pétrole, la parité euro-dollar, et la question de la Grèce. Le prix du pétrole est déjà à 66 $ actuellement et nul ne peut prévoir son évolution d’ici la fin de l’année. Pour la parité euro-dollar, elle est actuellement de 1 € = 1,13 $, et il n’y aura pas de grand changement sauf si la Fed américaine relance la politique de « Quantitative easing ». Pour la Grèce, l’incertitude des négociations entre le gouvernement grec et ses créanciers pèse sur l’activité. Le scénario d’un défaut grec, voir d’une sortie du pays de la zone euro n’est pas exclu. Cependant, malgré ces incertitudes le Fonds monétaire international prévoit une croissance pour 2015 de 1,5% pour la zone euro.
Compte tenu de ces perspectives de la zone euro, les prévisions de la loi de finances marocaine pour 2015 seront atteintes sinon dépassées. Cette dernière prévoit un taux de croissance de 4,4%, une inflation de 1,2%, un déficit budgétaire de 4,3%, un déficit de la balance des paiements de 6,7%, et un taux de chômage de 9,6%. Il faut rappeler que ces prévisions ont été établies sur la base du prix du pétrole de 103 $ le baril, alors que vraisemblablement il n’atteindra pas ce niveau d’ici la fin de l’année. De plus, il se confirme que la production de céréales pour 2015 sera un record à 110 millions de quintaux.
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