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Forum pour l’avenir de Marrakech
Quels résultats ?

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relation Internationales)

Rappelons que le Forum pour l’avenir qui lie le G8 au MENA (pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) a été institué sous l’Administration Bush en 2004, lors de Sommet du G8 à Sea Island en Géorgie (Etats-Unis). Ce Forum devait « recoller les morceaux » entre l’Occident et les pays Arabes, traumatisés par l’invasion américaine de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003. La première réunion du Forum pour l’avenir a eu lieu à Rabat en Décembre 2004, suivie par une réunion chaque année suivante à Bahreïn, en Jordanie, au Yémen et Abu Dhabi. La réunion du Forum à Marrakech qui s’est tenue les 2 et 3 Novembre 2009 est donc la sixième édition qui a été co-présidée par le Maroc, pays organisateur, et l’Italie qui préside actuellement le G8. Trois thèmes principaux devaient être discutés lors de ce Forum : la réforme politique incluant la démocratie et la gouvernance locale, la réforme économique et l’impact de la crise financière internationale, la réforme sociale avec notamment le problè

Après d’intenses discussions au niveau des experts, notamment les représentants de la société civile, et des décideurs politiques, le Forum a diffusé un communiqué final qui résume les résultats de la réunion de Marrakech. Dans ce communiqué, est mentionné tout d’abord le rôle positif que joue le Maroc pour instaurer la tolérance, l’entente mutuelle, la sécurité, et la stabilité dans la région Mena. Concernant le problème israélo-palestinien, il est préconisé une solution juste et globale de ce conflit, par la création de l’Etat palestinien dans les frontières d’avant 1967. Le Forum recommande le respect de la « Feuille de route », et notamment le gel par Israël de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem, dont l’identité civilisationelle, religieuse et culturelle doit être respectée. Le Forum préconise en outre la promotion du dialogue interculturel et inter-religieux, la vulgarisation de la culture de la tolérance, et le respect de la diversité culturelle des pays de la région. Il recommande d’accélérer les efforts pour le développement humain et la réduction des disparités sociales, qui se sont aggravées suite à la crise financière et économique internationale. Il met l’accent sur la nécessité d’améliorer la santé et la gouvernance locale, qui est un outil indispensable pour le renforcement de la démocratie. Il recommande l’amélioration des conditions des femmes et des jeunes, la consolidation de la coopération inter-régionale, et met en exergue le rôle que peut jouer la société civile en coopération avec les institutions publiques et le secteur privé, dans le but de promouvoir l’entreprenariat et la création des emplois.



Comme on le voit, le communiqué final très diplomatique se contente de « vœux pieux » et ne propose rien de concret. Heureusement la présence d’Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine, a mis du relief dans la réunion, et a permis d’apporter quelques précisions. Pour le Maroc tout d’abord, Hillary Clinton a confirmé que la position américaine sur la question du Sahara n’a pas changé, et que l’Administration Obama considère toujours la proposition marocaine d’autonomie pour cette région comme « sérieuse et crédible ». Elle a indiqué en outre que le Maroc fait partie de la nouvelle stratégie d’aide américaine qui a sélectionné dix pays de la Région Mena. C’est ainsi que le Maroc a obtenu un don de 700 millions de $ pour divers projets de développement dans le cadre du Millenium Challenge Account. Le Maroc occupe également la deuxième place dans la région pour l’envoi d’experts de la « Peace Corps ». Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien la Secrétaire d’Etat américaine a confirmé que « les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la poursuite des implantations israéliennes ». Ceci, pour atténuer sa déclaration précédente en Israël où elle indiquait que l’arrêt partiel de la colonisation israélienne était une « initiative sans précédent » de l’Etat hébreu. Il ne demeure pas moins que la diplomatie américaine use d’un double langage sur cette question, puisque Hillary Clinton devait déclarer également que l’arrêt total de la colonisation israélienne ne devait pas être une condition préalable à la réouverture des négociations israélo-palestiniennes. Force est de contacter que l’Administration Obama a procédé à un revirement sur la question de la colonisation israélienne, et que cela risque d’augurer le maintien dangereux du statu-quo actuel. D’ailleurs, le Président palestinien Mohamed Abbas, découragé, a déclaré récemment qu’iI ne comptait pas se représenter aux prochaines élections présidentielles palestiniennes en Janvier 2010.



Sur les progrès de la démocratie dans la région Mena, le communiqué final est très discret. Il faut constater que depuis 2004, peu d’avancées ont été réalisées dans la région, la plupart des pays ont maintenu un régime autoritaire avec très peu d’ouvertures démocratiques. Les difficultés d’instauration de la démocratie en Afghanistan et en Irak, viennent conforter ceux qui déclarent que la démocratie n’est pas une potion magique, et que chaque pays a ses propres spécificités, son contexte, sa richesse culturelle. Ils ajoutent que la démocratisation de la scène politique dans la région Mena ne peut être qu’un processus lent, laborieux et endogène. Hillary Clinton devait cependant déclarer son soutien « aux femmes et aux hommes qui se battent pour la démocratie, la lutte contre la corruption, et qui demandent que leurs gouvernements soient transparents et rendent des comptes de leur action ». Elle a également ajouté « J’aimerais voir une plus grande liberté d’expression et de presse dans tous les pays de la région, et que les détenteurs au pouvoir doivent être soumis à des bilans ». L’approche de la Secrétaire d’Etat américaine est sa conviction que la démocratie est le meilleur système politique possible, tout en prenant soin de ne pas s’ingérer dans les problèmes intérieurs de la région Mena.



Le Forum de Marrakech a cependant décidé quelques projets concrets, tels que l’instauration d’un réseau éducatif entre le G8 et la Région Mena, qui permettrait de renforcer des liens entre les universités, et de faciliter la circulation de la matière grise entre les sociétés. Hillary Clinton devait de son côté annoncer des initiatives américaines concrètes. C’est ainsi qu’il est prévu début 2010 à Washington un Sommet de l’Entreprenariat qui mettra en contact les porteurs de projets novateurs de la région Mena avec les entreprises américaines. Il est prévu également un programme « Civil Society » qui permettrait l’accès des ONG aux technologies numériques, et d’autres programmes pour soutenir les nouveaux médias et l’éducation à distance.



En conclusion, les réunions du Forum pour l’avenir sont utiles, car elles permettent un dialogue entre les pays les plus riches de la planète, et une région marquée par les conflits politiques, le manque de démocratie, et l’insuffisance du développement économique et social. Il faut souhaiter cependant que les prochaines réunions du Forum pour l’avenir soit exemptes de la « langue de bois », et qu’elles proposent des solutions courageuses aux problèmes de la région, notamment le conflit israélo-palestinien, et des projets concrets pour sortir les pays de la région de l’ignorance et du sous-développement.

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