Relations Maroc-Asie
Bilan et perspectives ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
L’IMRI a organisé son Forum annuel à Casablanca les 12 et 13 Juin 2015 sur le thème « L’Asie : Quels enjeux géostratégiques et économiques pour le Maroc ? ». Les participants ont tous fait le constat que l’Asie est sans contexte le continent d’avenir du XXIème siècle par l’importance de sa démographie et son extraordinaire développement économique et social.
Le modèle de développement asiatique est basé principalement sur le capital humain qui assure une forte productivité de l’investissement, et sur les exportations. Ce modèle a permis de créer des emplois, d’augmenter les revenus en sortant de la pauvreté une large partie de la population, d’édifier des infrastructures, et de disposer de larges ressources financières. L’Asie assure les 2/3 de la croissance mondiale portée principalement par la Chine qui est devenue la deuxième économie mondiale après les Etats-Unis. L’autre géant de l’Asie est l’Inde dont la population plus jeune dépassera celle de la Chine en 2050. Le Japon malgré un certain essoufflement demeure une puissance économique solide et sûre. Le Forum a mis l’accent sur la Corée du Sud pour la réussite de son programme Recherche/Développement, la Malaisie et Singapour pour leur modèle original de développement, et le Vietnam pour la transformation rapide et positive de son économie.
Cependant l’Asie ne présente pas que des éléments positifs. Le problème de la démocratie et des droits de l’homme reste posé notamment en Chine et au Vietnam. Le développement économique et social est très inégal et ne touche que les régions côtières au détriment de l’intérieur des pays. D’où des écarts de revenus très importants entre quelques millionnaires, une classe moyenne qui se développe, et des laisser-pour-compte qui croupissent toujours dans la misère. Le modèle de développement asiatique connaît également un certain essoufflement d’où la nécessité de l’orienter davantage vers la consommation intérieure. L’Asie est le lieu de plusieurs conflits armés ou latents et subit également les effets néfastes du terrorisme international. Les systèmes de santé publique en Asie sont également très inégaux avec un degré d’excellence au Japon mais beaucoup d’efforts à faire en Inde. Enfin l’Asie est le centre d’une grande compétition géopolitique et militaire où se confrontent les grandes puissances : Chine, Etats-Unis, Japon, Russie notamment en Mer de Chine.
Tenant compte du potentiel de l’Asie, le Maroc doit absolument diversifier ses relations avec ce contient. Les relations politiques du Maroc avec l’Asie sont bonnes mais insuffisantes. Les relations économiques du Maroc avec l’Asie sont faibles, avec un commerce extérieur déficitaire sauf avec l’Inde, et des investissements asiatiques du Maroc limités. Certes l’Asie est le deuxième partenaire commercial du Maroc, mais loin de l’Europe qui a représenté en 2013 61,3% de nos échanges, alors que l’Asie n’a représenté que 18,7%. Tous les pays d’Asie doivent être ciblés par le Maroc avec cependant une priorité pour la Chine, la Corée du sud, l’Inde et le Japon. Sur le plan politique, il y a lieu d’augmenter le nombre d’ambassades du Maroc en Asie, de multiplier les visites d’Etat de haut niveau, et de promouvoir le cadre juridique : Accords commerciaux et conventions de non double imposition.
Sur le plan économique, il faut installer les Agences de promotion (AMDI et ONMT) dans les pays d’Asie les plus prometteurs, multiplier les délégations économiques et la participation aux Foires et Expositions. Un effort tout particulier doit être entrepris dans le cadre de « Roadshows » pour l’attraction des investissements asiatiques conformément au Plan en cours d’accélération industrielle. Comme cela a été fait en Afrique, les grandes banques marocaines doivent s’installer dans les pays asiatiques les plus appropriés, car elles jouent un très grand rôle dans la promotion des échanges commerciaux et des investissements. Sur le plan logistique, il y a lieu de créer ou développer des relations aériennes et maritimes entre le Maroc et l’Asie, car elles sont indispensables pour la promotion des échanges commerciaux. A l’instar de la Malaisie, le Maroc devrait promouvoir à l’export le secteur du Halal par l’organisation d’un salon international, la création d’une structure transversale dédiée, d’autant plus que les pouvoirs publics marocains viennent d’adopter récemment une norme Halal reconnue internationalement. Enfin les relations d’affaires avec l’Asie sont spécifiques, d’où la nécessité d’appréhender la culture de chaque pays asiatique par l’organisation au Maroc de séminaires de formation, par l’apprentissage de l’anglais et des langues locales, et la création d’un Institut d’Etudes asiatiques.
En conclusion, l’Asie doit devenir la deuxième priorité de diversification de l’économie marocaine après l’Afrique.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI