La sortie de crise de l’économie mondiale
Qu’en est-il du Maroc ?
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relation Internationales)
Les décisions du G20, et notamment les énormes plans de relance des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la Chine, ont commencé à donner des résultats. La plupart des pays sont sortis de la récession au troisième trimestre 2009 : Etats-Unis (+0,9%), Zone euro (+0,4%), Japon (+1,2%), Brésil (+1,9%), Russie (+0,6%). Quant à la Chine et l’Inde, elles ne sont pas tombées en récession, et il est prévu une croissance pour 2009 de 6,1% pour la Chine et 5% pour l’Inde. Selon le FMI, l’économie mondiale terminera 2009 avec une légère récession de -1,1%, tandis qu’elle croîtra de 3,1% en 2010, avec une sortie de crise probable en 2011. Pendant toute l’année 2009, l’inflation mondiale a été maîtrisée (-0,4% aux Etats-Unis et +0,3% dans la Zone euro), mais le niveau du chômage est resté élevé dans la plupart des pays, supérieur à 10% de la population active.
La crise financière internationale n’a pas eu d’impact dans une première étape sur l’économie marocaine, du fait de la stabilité du secteur financier marocain et du cadre macro-économique. En effet, le système financier marocain, du fait du contrôle de l’Office des changes, était dépourvu de titres toxiques, avec un faible recours au marché financier international, et une proportion réduite de l’endettement en devises étrangères. Quant au cadre macro-économique, il était caractérisé par un taux de croissance annuel moyen de 5%, une inflation et un déficit budgétaire maitrisés (-3%), et une balance des paiements excédentaire de 2001 à 2007. Cependant, l’économie marocaine a commencé à être impactée par la crise à travers le canal réel à partir du 4ème trimestre 2008. En effet, Les résultats du quatrième trimestre 2008 par rapport à la même période de 2007, montrent une évolution défavorable du secteur extérieur : baisse des exportations (-18,3%), des recettes touristiques (-15%), des investissements directs étrangers (-17%). Pour la première fois en 2008, le compte courant de la balance des paiements a enregistré un déficit de 5,2% du PIB. Malgré les résultats défavorables du quatrième trimestre 2008, l’économie marocaine a démontré sa résilience, puisque l’année 2008 s’est terminée avec une croissance de 5,6%, un excédent budgétaire de 0,4% du PIB, une inflation de 3,9%, et un niveau des avoirs extérieures équivalent à 6 mois d’importation.
Cependant, les neuf premiers mois de l’année 2009 ont connu la poursuite de la détérioration des indicateurs liés au secteur extérieur, du fait de la baisse de la demande mondiale. C’est ainsi qu’à fin Septembre 2009, l’économie marocaine a connu une baisse des exportations (-17%), des recettes voyages (-8,8%), des transferts RME (-9,7%) et des IDE (-30%). Les résultats à fin Septembre 2009 démontrent cependant une atténuation des baisses de recettes voyages et des transferts RME, qui est due à l’amélioration de l’économie européenne au troisième trimestre 2009. Tenant compte de ces résultats, les prévisions de croissance de l’économie marocaine pour 2009 se situeraient autour de 5,3%, principalement du fait de l’excellente campagne agricole 2008-2009. Le déficit budgétaire sera maitrisé à 2,7% du PIB, et le taux d’inflation autour de 2%. Cependant le compte courant de la balance des paiements atteindrait un déficit de 4 à 4,5% du PIB.
Celle résilience de l’économie marocaine pendant la crise internationale a été rendue possible grâce au relèvement du revenu des ménages, et par la relance de l’investissement public (+18%). Les effets de loi de finances 2009 ont été accompagnés par l’institution au début de Février 2009 d’un Comité de veille stratégique, composé de représentants du secteur public et du privé. Ce Comité a mis en place un dispositif de monitoring pour suivre l’évolution des conjonctures sectorielles. Il a adopté également des mesures incitatives pour accompagner les entreprises les plus touchées (textile, cuir, équipement automobile). Afin de préparer l’après-crise, le projet de loi de finances 2010 poursuit les mêmes objectifs qu’en 2009. Il s’agit tout d’abord de la préservation du pouvoir d’achat des ménages, par la poursuite de la réforme de l’IR, l’augmentation des salaires, et le soutien des prix des produits de base par la Caisse de compensation. Il a été également décidé l’augmentation de 20% des investissements publics, l’accélération du rythme des réformes, et la mise en œuvre des politiques sectorielles. Basé sur un prix du baril de pétrole de 75 $, la loi de finances 2010 prévoit un taux de croissance de 3,5%, une inflation de 2%, et un déficit budgétaire de 4% du PIB.
En conclusion, il faut se féliciter de la réaction rapide et efficace de la communauté internationale face à une crise financière qui aurait pu créer le chaos dans le monde. Cependant, la crise économique internationale n’est pas terminée, du fait de la persistance d’un taux de chômage élevé dans la plupart des pays. C’est pour cela que la vigilance reste de mise, aussi bien de la communauté internationale que des gouvernements nationaux. Afin de ne pas retomber dans une nouvelle crise systémique de l’économie mondiale, il y a lieu d’établir une véritable régulation financière internationale. Il faut aller plus loin dans la réglementation des bonus des traders, la titrisation, les fonds spéculatifs, les agences de notation et les paradis fiscaux. Une mesure d’assainissement serait également la taxation des mouvements des capitaux spéculatifs. Sans quoi, les mauvaises habitudes risquent de revenir avec tous les effets désastreux pour toute l’humanité.
Quant au Maroc, il a également bien réagi vis-à-vis de la crise, aidé cependant par une excellente campagne agricole en 2008-2009. Les résultats de l’économie marocaine de 2010 dépendent de trois facteurs. Le premier est la vitesse de la reprise économique en Europe, principal marché, et pourvoyeur de touristes et d’investissements. Le second facteur est la prochaine campagne agricole 2009-2010 dépendante de la pluviométrie. Le troisième est le prix du pétrole qui risque d’augmenter au delà 75 $ le baril, si la reprise de l’économie mondiale est rapide. En tout cas, le Maroc doit continuer ses réformes structurelles afin d’améliorer la compétitivité de son économie.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI