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Ralentissement en Chine
Quel impact sur l’économie mondiale et le Maroc ?

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Après avoir connu une croissance à deux chiffres pendant la décennie 2003-2013, l’économie chinoise a subi un ralentissement de la croissance à 7,4% en 2014, et l’OCDE vient de fixer un taux de croissance de 6,7% pour 2015. Les causes de ce ralentissement sont tout d’abord la faible croissance de l’économie mondiale qui n’a été que de 3,3% en 2014, d’où une moindre demande adressée à la Chine. La deuxième raison est l’augmentation des salaires en Chine qui a rendu les exportations chinoises moins compétitives sur le marché mondial. A cela il faut ajouter une politique dangereuse de promotion de la Bourse poussant 90 millions de chinois pas toujours très avertis d’investir en actions une part de leur revenu. C’est ainsi qu’en 2010 l’effet de levier a été autorisé au taux de 50% permettant aux investisseurs de doubler leur mise. Sur le premier semestre 2015, la Bourse a connu 241 introductions qui ont permis de lever 40 milliards de dollars. La capitalisation boursière qui était de 500 millions de dollars en 2014 s’est élevée à 6500 milliards de dollars en Juin 2015. La conséquence de cette bulle financière a été le dévissage de la Bourse de Shanghai en Juin 2015 avec une perte de 30% de valeur soit 3000 milliards de dollars. Une quatrième cause du ralentissement de l’économie chinoise est le secteur immobilier qui représente 15% du PIB et qui se trouve en surcapacité entraînant une baisse de prix.

Le gouvernement chinois a réagi rapidement à ce ralentissement en prenant plusieurs mesures. Pour stimuler l’économie, il a procédé à une dévaluation du Yuan à trois reprises qui a fait baisser de 5% sa valeur par rapport au dollar. Il a également fait baisser les taux d’intérêt cinq fois depuis 2014, et diminuer les ressources obligatoires des banques. Pour parer à la baisse de la Bourse, il a fait procéder à des achats massifs d’actions pour 144 milliards de dollars, bloqué les introductions en bourse, interdit aux entreprises publiques et les investisseurs détenant plus de 5% de la capitalisation de toute entreprise de vendre leurs titres pendant six mois. Les résultats de ces différentes mesures ponctuelles ne pourront être analysés que dans les semaines et les mois à venir. Mais le problème structurel de l’économie chinoise est le passage d’un modèle basé sur les investissements publics et l’exportation à un modèle basé sur la consommation. Ce changement de modèle nécessitera l’augmentation des salaires, et la transformation de l’économie chinoise par la production de biens manufacturés à plus grande valeur ajoutée, et par l’élargissement du secteur des services au détriment du secteur industriel.

La Chine étant la deuxième puissance économique mondiale, le ralentissement de son économie aura un effet certain sur les autres pays. Cependant, on peut écarter le risque d’une crise grave comme celle qu’a connu l’économie mondiale en 2008. En effet contrairement aux Etats-Unis, l’intégration financière de la Chine dans l’économie mondiale reste faible, et le risque de transmission de la crise par le vecteur financier est minime. D’autre part, la baisse de pétrole et des matières premières en général va permettre le maintien ou l’augmentation de l’activité économique dans les pays importateurs. Enfin, la politique accommandante des banques centrales notamment la BCE va stimuler l’économie de certains pays. Par contre, d’autres pays gros exportateurs de matières premières vont souffrir de ralentissement chinois. Il s’agit notamment du Brésil où il est prévu une récession de 2,8% en 2015, de l’Angola, du Nigeria et de l’Afrique du Sud qui ont déjà subi des pertes de croissance pendant le premier semestre 2015. C’est qu’en effet la Chine consomme 40% des métaux industriels et 10% du pétrole produits dans le monde. Le ralentissement chinois peut se traduire également par une baisse des investissements en Afrique Subsaharienne où la Chine a investi 128 milliards de dollars en 2014, et est devenu son premier partenaire économique. Tenant compte de tous ces éléments les dernières prévisions de l’OCDE tablent sur une croissance de l’économie mondiale de 3% en 2015 et 3,6% en 2016.

Quant au Maroc, le ralentissement de l’économie chinoise aura peu d’effet. En effet les échanges commerciaux entre les deux pays ne sont que de 32 milliards de dirhams dont 92% au profit de la Chine. Les investissements chinois au Maroc sont également faibles, de même que les flux financiers entre les deux pays. Au contraire, le ralentissement chinois ayant entraîné la baisse du prix du pétrole et les matières premières, le Maroc va en bénéficier pour diminuer sa facture énergétique, ses dépenses de compensation, et améliorer sa balance commerciale et des paiements. C’est ainsi que le taux de couverture des importations par les exportations est passé de 50,6% en Août à 57,8% en Août 2015.

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