Halte au massacre des Palestiniens
Pour une solution politique
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
A partir du 1er Octobre 2015, la situation s’est embrasée à Jérusalem-Est en Cisjordanie et à Gaza. La cause principale est la tentative de mise en cause par Israël du statut de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Rappelons que c’est la Jordanie qui est gardienne de l’esplanade des Mosquées, dont l’accès et l’exercice du culte sont réservés aux musulmans. Des créneaux d’horaires sont fixés pour les touristes et les non-musulmans mais avec interdiction de la prière. En contrebas de l’esplanade le Mur des lamentations est réservé aux fidèles juifs pour leurs prières. La Mairie de Jérusalem dirigé par des israéliens a annoncé son intention de renommer en hébreu les principales artères palestiniennes de Jérusalem-Est. Les extrémistes religieux juifs qui ont procédé à des fouilles sous l’esplanade des Mosquées veulent reconstruire le temple d’Hérode, détruire les deux Mosquées et multiplier « les promenades » sur l’esplanade qu’ils désignent sous le nom de « Mont du Temple ».
A ce jour de multiples incidents dramatiques ont lieu entre lanceurs de pierres palestiniens et soldats israéliens, et entre palestiniens et colons israéliens. Le bilan est de 41 morts et des centaines de blessés du côte palestinien et 8 morts et des dizaines de blessés du côte israélien. Les principaux acteurs palestiniens sont des jeunes exaspérés par l’humiliation de l’occupation israélienne, et sans perspectives d’avenir du fait du blocage du processus de négociations. Utilisant les réseaux sociaux Facebook et Twitter ces jeunes ont déclenché un « Printemps palestinien » et peut-être une troisième Intifada après celles de 1987-1992 et 2000-2005. La résistance palestinienne répond également à la « Jeunesse des collines » groupes de jeunes colons israéliens installés en Cisjordanie et qui détruisent les plantations palestiniennes, attaquent les civils palestiniens comme l’incendie le 31 Juillet 2015 d’une maison de palestiniens à Douma, et taguent des slogans racistes sur les murs.
La réaction du gouvernement israélien comme à son habitude fût brutale et sans concession. Netan Yahu a déclaré « mener une guerre jusqu’à la mort contre le terrorisme palestinien ». Il a fait bloquer les quartiers musulmans de Jérusalem-Est, procéder à un nouveau bombardement de la bande de Gaza, et multiplier les check points. Il a en outre facilité le port d’armes à feu pour les israéliens (52% sont déjà équipés d’armes à feu), a décidé de ne pas rendre à leur famille les corps d’auteurs d’attentats palestiniens dont les maisons sont systémiquement détruites, et déchu 19 palestiniens du statut de résidents à Jérusalem-Est. Face à ces mesures fascistes, Mahmoud Abbas s’est contenté de soutenir le mouvement pacifique de résistance, et le droit du peuple palestinien à se défendre contre l’occupation israélienne. De son côté, le Secrétaire d’Etat américain Kerry, soutien inconditionnel d’Israël a déclaré « Mahmoud Abbas doit condamner la violence haut et fort ». Le ministre français des affaires étrangères Fabius a modestement signalé que « la solution à deux Etats risque de se déliter, et que Daech peut s’accaparer de la cause palestinienne ». A noter également le peu de réaction significative du monde arabe et musulman. Face à cette situation dramatique et afin de stopper le massacre il y a lieu de toute urgence de mettre en place une force d’interposition de l’ONU sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est.
Le conflit israélien dure plus d’un demi-siècle depuis qu’Israël soutenu par l’Occident (Europe et Etats-Unis) a établi par la force son Etat en 1948 sur une terre arabe. Plusieurs guerres ont eu lieux entre Arabes et Israéliens qui se sont soldées par des milliers de morts et de blessés, des millions de réfugiés palestiniens qui vivent encore dans des camps dans des conditions lamentables. La solution est pourtant simple : la création d’un Etat Palestinien viable vivant côte à côte avec Israël, et l’établissement d’un nouveau statut de Jérusalem-Est permettant le libre accès aux fidèles des trois religions monothéistes. Malheureusement, le gouvernement israélien actuel composé de la droite et de l’extrême droite torpille cette solution en continuant la colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Il veut transformer le conflit israélo-palestinien qui est éminemment politique en conflit religieux en voulant changer le statu-quo de l’esplanade des Mosquées. Heureusement quelques israéliens éclairés tels que l’avocat Daniel Seidmann a déclaré « Quand les palestiniens sont non-violents nous ne négocions pas avec eux parce que nous n’y sommes pas forcés, et lorsqu’ils sont violents nous ne négocions pas avec eux parce qu’ils sont violents ». Il a ajouté « le soulèvement palestinien s’arrêtera quand l’occupation israélienne s’arrêtera » et « le gouvernement de Netan Yahu a échoué à nous apporter la sécurité par la force ». Il faut espérer que cette position lucide de cet avocat israélien puisse être partagée par une majorité du peuple israélien car elle est la seule à assurer la paix d’Israël avec ses voisins. Le soutien international à Israël commence également à s’effriter suite à l’extrémisme du gouvernement de Netan Yahu. C’est le moment pour la communauté internationale de faire pression sur Israël pour l’obliger à entamer des négociations sérieuses pour la création d’un Etat palestinien. Il faut des mesures concrètes : reconnaissance de l’Etat de Palestine, sanctions économiques et financières, boycott des produits israéliens à l’instar de ce qui avait été fait contre l’Afrique du Sud pour l’élimination de l’apartheid. Seuls ces mesures pourront pousser le gouvernement actuel à la négociation ou à son remplacement par un autre gouvernement plus favorable à la paix.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI