Le Sommet de Copenhague
Quels enjeux ?
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relation Internationales)
Le Sommet de Copenhague qui regroupe 192 pays va s’ouvrir du 7 au 18 Décembre 2009, et constitue sous l’égide de l’ONU la quinzième conférence mondiale sur le climat. Il fait suite au Sommet de la terre qui s’est réuni à Rio en 1992, et au Protocole de Kyoto signé en 1997. Le Sommet de Rio avait traité principalement des problèmes de surpopulation, de gaspillage, et d’émissions de CO2. C’est ce dernier point qui a été discuté à Kyoto, et qui a donné lieu à un engagement des pays industrialisés de réduire de 5% à l’horizon 2012, les émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. A noter que les pays en développement n’ont pas signé le Protocole de Kyoto. Le Sommet de Copenhague va aborder l’après Kyoto.
Les scientifiques, et notamment le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) ont constaté une augmentation de la température moyenne de la terre de 0,74 degré C durant le siècle dernier. Les calculs ont montré qu’il y a eu une accentuation de ce phénomène durant les trente dernières années du XXème siècle. Ils ont démontré que la cause essentielle de cette augmentation de la température est dûe au degré de concentration du gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère. Ce degré de concentration a connu une augmentation sensible depuis l’entrée de la terre dans l’ère industrielle, et subit actuellement une augmentation de 2 ppm (partie par million) par an. Ils ont conclu que la cause principale de l’augmentation du degré de concentration du CO2 dans l’atmosphère est due à l’activité humaine, et notamment à la combustion thermique des énergies fossiles, essentiellement provenant du pétrole, gaz et charbon. Les preuves du réchauffement sont déjà visibles aujourd’hui : réduction de la calotte glaciaire arctique, augmentation du niveau de la mer (17 cm durant le siècle dernier) modification de la biodiversité, intensification des phénomènes climatiques (tempêtes, sécheresses, inondations, cyclones).
Si la situation actuelle perdure, les enjeux pour toute l’humanité seront dramatiques. La limite acceptable est une augmentation maximum de la température moyenne mondiale de 2 degrés, par rapport à la période pré-industrielle. Au-delà de ce seuil, la situation deviendra insoutenable. Au-delà de 3°, la forêt amazonienne disparaitrait par assèchement. Le Secrétaire Général de l’ONU a récemment déclaré « Nous sommes au bord de la catastrophe si nous n’agissons pas ». En effet seront menacés la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et à la terre, et tout développement économique et social. Les régions les plus vulnérables seront l’Afrique sub-saharienne, l’Asie Centrale et du Sud-est, et les pays insulaires. Les experts estiment à 500 millions les personnes exposés au changement climatique, et si rien n’est fait, à une exode de 150 millions de « réfugiés climatiques » en 2050. Cette situation risque de se traduire sur le plan politique par la montée des régimes autoritaires, des inégalités, et de la détérioration grave des relations internationales.
C’est ainsi que les résultats de la Conférence de Copenhague seront déterminants pour l’avenir de l’humanité. Il y a certes une prise de conscience de la communauté internationale sur la gravité des conséquences du changement climatique. Il faut rappeler que les plus grands pollueurs de la planète sont les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne. Cette dernière en pointe des autres pays, propose une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020 par rapport à 1990. Elle propose en outre une aide aux pays en développement de 5 à 7 milliards d’euros par an à l’horizon 2020, si ces derniers s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 15 à 30%. Les Etats-Unis qui n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto reviennent sur la scène internationale, avec une préposition du Président Obama de réduire les émissions de 17% à l’horizon 2020, mais par rapport au niveau de 2005, soit seulement 4% par rapport au niveau 1990. Cette proposition plus modeste tient compte du souci de ratification ultérieure par le Sénat américain.
Le Brésil quant à lui, et en accord avec la France, souhaite proposer une réduction mondiale de 50% des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Cette réduction est nécessaire pour ne pas dépasser la limite d’augmentation de la température mondiale de 2°C. Il s’engage en outre à réduire ses émissions de 20% à l’horizon 2020 par rapport à 2005. Il propose également la création de l’Organisation Mondiale de l’Environnement (OME), à l’instar des autres organisations spécialisés des Nations-Unis. Le Japon propose une réduction de 25% d’ici 2020 par rapport à 1990, à condition que les autres pays fassent autant. Le Canada, plus frileux propose une réduction de 3% à l’horizon 2020 par rapport au niveau 1990. La Chine annonce un autre concept : la réduction de l’intensité carbonique, à savoir une réduction par unité de PIB. La proposition de la Chine équivaudrait à une réduction de son intensité carbonique de 40 à 45% à l’horizon 2020 par rapport au niveau 2005. Même concept de l’Inde, qui propose de réduire son intensité carbonique de 20 à 25 % à l’horizon 2020 par rapport à 2005. Quant aux pays en voie de développement, ils réclament une aide financière de 100 milliards de $ par an d’ici 2020, l’assistance technique et des promesses d’investissements.
En conclusion, devant l’ultimatum climatique, la Conférence de Copenhague présente l’espoir de préserver l’avenir de l’humanité sur la terre. Notre pays le Maroc, ne doit pas rester à l’écart de la problématique du changement climatique, car il est directement concerné. Certes, il a pris des mesures en faveur des énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire. Mais il a pris également beaucoup de retard dans la protection de l’environnement, puisque ce n’est que dans six mois que la Charte nationale de l’environnement sera établie. Il est absolument indispensable que tous les acteurs de notre société : gouvernement, collectivités locales, société civile, soient sensibilisés aux problèmes du changement climatique, afin d’établir un cadre contraignant pour préserver les droits à un environnement sain, et un développement durable. Il faudrait en outre créer un Ministère marocain de l’Environnement à part entière.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI