Discours sur l’état de l’Union
Bilan globalement positif du Président Obama malgré quelques défaillances
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales).
Le Président Obama a prononcé le 12 Janvier 2016 devant le Congrès américain le traditionnel discours sur l’état de l’Union. C’est le dernier discours du 44ème Président des Etats-Unis puisqu’il doit quitter le pouvoir après les élections présidentielles du 8 Novembre 2016, et après avoir exercé pendant deux mandats. Il convient à cette occasion de faire le bilan de la présidence Obama. Premier Président Afro-Américain à être élu aux Etats-Unis à l’âge de 47 ans, c’est dans l’enthousiasme qu’a commencé son premier mandat le 20 Janvier 2009. Tout le monde se rappelle son fameux slogan « Yes we can » et pensait qu’il allait résoudre la plupart des problèmes des Etats-Unis et du monde. En ce début de 2016, on peut constater que le bilan de la présidence Obama est globalement positif malgré quelques défaillances.
Sur le plan intérieur, son principal apport a été la réforme du système de la santé malgré une opposition farouche du Congrès. Le coût de cette réforme est estimé à 940 milliards de $ sur une période de 10 ans, et sera financé par un relèvement des taxes sur les revenus les plus élevés et une baisse des dépenses de santé. Ce système va permettre à 32 millions d’américains de bénéficier d’une assurance maladie. Il fait obligation à tout américain de souscrire auprès dune compagnie privée une police d’assurance maladie sous peine de sanction. La loi prévoit une subvention publique aux familles les plus pauvres. Un autre élément positif de l’administration Obama a été la sortie de la grave crise économique 2008-2009, et la résorption du chômage qui n’est actuellement que de 5% de la population active. On peut noter également les efforts fournis pour la protection de l’environnement contre le changement climatique. C’est ainsi que 20% des centrales thermiques aux Etats-Unis ont dû cesser leur activité. Des mesures ont été prises pour encourager la production des biocarburants et des énergies renouvelables. Un budget de 256 millions de $ a été adopté en 2009 pour améliorer l’efficience énergétique. Enfin a été abandonné le projet de construction d’un oléoduc pour transporter aux Etats-Unis le pétrole à partir de l’Alberta au Canada. Dans un autre domaine, l’administration Obama a accordé des fonds importants aux chercheurs pour encourager la lutte contre la terrible maladie du cancer. Par contre, jusqu’à en verser des larmes en public, le Président Obama n’a pas pu s’opposer au 2ème amendement de la Constitution américaine donnant le droit aux américains de posséder des armes à feu. Alors que ce fléau cause des milliers de morts chaque année aux Etats-Unis dont des enfants, le Président Obama n’a pas pu convaincre le Congrès de légiférer sur cette question. Il n’a pas tenu non plus sa promesse de campagne de fermer la prison de Guantanamo.
En politique étrangère la doctrine du Président Obama est basée sur le pragmatisme, le compromis et le multilatéralisme. Le 9 Octobre 2009 le prix Nobel de la paix lui a été décerné. Et en effet, le Président Obama est un homme de paix qui a privilégié la négociation à la guerre. Ce n’est pas un va-t-en guerre comme son prédécesseur George Walker Bush. Il l’a démontré à plusieurs occasions. Alors qu’il était Sénateur, Obama s’est opposé à l’invasion américaine de l’Irak en 2003, et a retiré les troupes américaines de ce pays pendant son mandat présidentiel. Concernant la question du nucléaire iranien, alors qu’Israël le poussait à la guerre, le Président Obama a préféré la négociation et a réussi à trouver un accord avec l’Iran pour empêcher pacifiquement ce pays d’accéder à l’arme nucléaire. Suite à l’annexion de la Crimée par la Russie, Obama a préféré recourir aux sanctions économiques plutôt que de provoquer une guerre, ce qui aurait été catastrophique pour la planète étant donné que la Russie dispose de l’arme atomique. Pour ce qui est de Daech, il a aussi refusé d’envoyer des troupes au sol en Irak et en Syrie. Son Secrétaire d’Etat John Kerry se démène pour une solution politique de la question syrienne. L’histoire a montré que l’attaque anglo/française en Libye a certes fait disparaître Kaddafi, mais a plongé le pays dans le chaos. Son sens de compromis l’a poussé à rétablir les relations diplomatiques avec Cuba rompues depuis un demi-siècle, de même qu’il a demandé au Congrès de lever l’embargo contre ce pays. Le Président Obama a œuvré très efficacement pour la réussite de la COP21 à Paris qui est un accord universel pour réduire le réchauffement climatique de la terre. Sur la question de l’immigration, le Président Obama a tenté de régulariser les immigrés clandestins déjà installés aux Etats-Unis, et s’est déclaré favorable au regroupement familial et à l’augmentation du nombre d’immigrés réguliers. Suite à la vague d’immigrés syriens, il a annoncé que les Etats-Unis étaient prêts à recevoir 10.000 immigrés syriens. Sur le plan économique tout en lançant des négociations commerciales avec l’Union européenne, il a signé le 5 Octobre 2015 l’Accord de Partenariat Trans-Pacifique qui vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et américaine.
Le Président Obama dans son fameux discours du Caire du 4 Janvier 2009 a tenté de réconcilier les Etats-Unis avec le monde musulman. Il a qualifié les Etats-unis de « Grand pays musulman » et s’est déclaré contre toute réglementation dans le port du voile, et a marqué sa distance avec la laïcité. Tout dernièrement il a dénoncé les propos haineux du candidat républicain aux élections présidentielles Donald Trump, qui veut interdire aux Musulmans l’entrée aux Etats-Unis. Au Moyen-Orient, le Président Obama a rééquilibré les relations des Etats-Unis entre l’Arabie saoudite son allié traditionnel et l’Iran. Mais le grand échec d’Obama dans la région a été son incapacité à résoudre le conflit israélo-palestinien. Il s’est heurté au puissant lobby pro-israélien AIPAC et au Congrès largement favorable à Israël. Son antipathie vis-à-vis de Netannyahou est évidente surtout après la visite de ce dernier au Congrès sans son accord. Il faut comprendre que le système politique américain accorde de grands pouvoirs au Congrès, qui a l’exclusivité de l’initiative des lois, et qui peut s’opposer s’il a la majorité à toute décision de la Maison Blanche. Or le parti démocrate a perdu la majorité du Sénat pendant le premier mandat de Obama, et également la majorité de la Chambre des Représentants pendant son second mandat.
En conclusion, Obama laissera son nom dans l’histoire en tant que Premier Président Afro-Américain des Etats-Unis, un humaniste cherchant la paix et le compromis entre les nations.
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