Alerte
Israël tente d’annexer de facto la Cisjordanie
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Profitant que la communauté internationale est très occupée par la lutte contre Daech et le terrorisme jihadiste, Israël tente d’annexer de facto la Cisjordanie par l’amplification des colonisations. Cette politique touche également Jérusalem-Est dans le but de rendre à long terme impossible la solution à deux Etats israélien et palestinien vivant côte à côte. La poursuite de la colonisation par Israël est d’ailleurs la cause principale de l’échec des négociations entre Israéliens et Palestiniens sous l’égide des Etats-Unis fin Août 2014. Valeur aujourd’hui, 400.000 israéliens vivent en Cisjordanie pour une population palestinienne de 2,5 millions de personnes. Sur le plan économique, les colons israéliens exploitent des terres et produisent des vins, du halva, de l’huile d’olive et des cosmétiques. Mille usines israéliennes sont installées en Cisjordanie et profitent de plusieurs aides spécifiques concernant le foncier, le volet fiscal et l’accès à l’eau. Elle exportent leur produits sous le label « Made in Israël ». L’Union européenne en Novembre 2015 a exigé que l’étiquette collée sur ces produits porte une mention spéciale spécifiant leur origine. Cette décision de l’Union européenne a créé un tollé en Israël ou l’entourage de Netannyahou l’a qualifié « d’antisémite ». Les Etats-Unis n’ont pas pris une décision comparable. Au contraire, la Chambre des Représentants a voté une loi considérant que les produits venant des colonies israéliennes en Cisjordanie sont des produits « Made in Israël ». Le Sénat n’a pas encore voté cette loi. Enfin sur le plan politique, les colons israéliens installés en Cisjordanie constituent un groupe de pression puissant tant au niveau du gouvernement que de la Knesset.
Cette politique du gouvernement de Netannyahou, composé de la droite et de l’extrême-droite, est extrêmement dangereuse et débouche sur une impasse. C’est ainsi que l’année 2015 a connu presque une troisième Intifada, tant les Palestiniens et surtout les jeunes sont exaspérés par l’occupation, et n’envisagent aucun avenir pour eux. Aussi, il est extrêmement urgent que la communauté internationale se mobilise pour sauver la solution à deux Etats. C’est d’ailleurs la seule solution, car la deuxième qui serait la création d’un Etat fédéral israélo-palestinien n’est pas viable, et n’est pas d’ailleurs dans l’intérêt d’Israël du fait du critère démographique.
Pour amener Israël à des négociations sérieuses avec les Palestiniens, il faut une pression très forte de la communauté internationale. Malheureusement, l’ONU tout au long du conflit israélo-palestinien qui dure depuis d’un demi-siècle s’est montré impuissante. Les nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité n’ont pas connu d’application, et aucune sanction n’a été prise contre Israël. L’autre acteur désigné pour solutionner le conflit le Quartet, composé des Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU, n’a pratiquement obtenu aucun résultat concret. Seuls les Etats-Unis du fait de leur aide militaire et financière ont les moyens de faire pression sur Israël. Malheureusement, le Président Obama qui au début de son mandat avait voulu résoudre le conflit, s’est trouvé face à deux obstacles insurmontables : le puissant Lobby pro-israélien à Washington et le Congrès américain largement favorable à Israël. Or toute diminution d’aide américaine à Israël doit passer par le Congrès qui ne l’acceptera aucunement. Preuve de la toute influence d’Israël sur les Etats-Unis, est la visite au Congrès américain de Netannyahou en Mars 2015 sans l’accord de la Maison Blanche pour s’opposer à l’Accord sur le nucléaire iranien. En plus, le Président Obama termine en 2016 son deuxième mandat, et il parait difficile qu’il prenne une initiative significative sur le problème israélo-palestinien.
Tenant compte de ces événements, l’Europe et surtout la France doit prendre la relève pour renouer les négociations entre Israéliens et Palestiniens et sauver la solution à deux Etats. L’ancien ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius avait lancé l’idée d’un Sommet décisif sur le conflit israélo-palestinien, avec la menace d’une reconnaissance par la France de l’Etat palestinien s’il n’y a pas de résultats concrets dans une durée de deux ans. Il serait utile que le nouveau ministre Jean-Marc Ayrault qui était favorable à la reconnaissance de l’Etat de Palestine, reprenne énergiquement cette orientation en s’entourant des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, des grands pays de l’Union européenne, de l’Afrique, de l’Asie, et des pays Arabes. Des sources journalistiques ont même annoncé la désignation par l’Elysée de Mr Pierre Vimont en tant qu’Envoyé spécial pour le conflit israélo-palestinien.
En déplacement à l’étranger, Netannyahou a qualifié la proposition française de « bizarre », et Merkel la Chancelière allemande a déclaré « Le temps n’est pas sans doute aux grandes avancées sur le conflit israélo-palestinien ». Aussi, faut-il agir très vite et très énergiquement vis-à-vis d’Israël pour l’amener à la table des négociations. Israël prend prétexte de la division des Palestiniens entre Fatah et Hamas pour maintenir une position intransigeante. Il est certain que si Mahmoud Abbas obtient des concessions sérieuses de la part d’Israël pour la constitution d’un Etat palestinien viable, il peut soit convaincre le Hamas de faire partie de l’accord, soit provoquer un référendum de tous les Palestiniens sur les résultats obtenus de la part d’Israël.
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