Le Brexit : Quel avenir pour l’Union européenne ?
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons tout d’abord que l’Union européenne est née de la volonté d’hommes politiques européens visionnaires qui ont souhaité préserver la paix en Europe après la seconde guerre mondiale et promouvoir la prospérité économique. La première institution européenne créée en 1957 fut la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier) qui comprenait 6 pays membres. Elle fut suivie en 1957 par la CEE (Communauté économique européenne). Actuellement l’Union européenne est forte de 28 pays membres après 7 élargissements qui se sont succédés de 1973 à 2013.
Les relations du Royaume-Uni avec l’Union européenne fûrent mouvementées. Le Général de Gaulle visionnaire avait refusé l’entrée de la Grande-Bretagne au Marché commun en 1963 et en 1967. Ce n’est qu’en 1973 que le Royaume-Uni a adhéré à la Communauté économique européenne. Et déjà, il avait bénéficié d’un statut spécial qui lui a permis de ne pas faire partie de la monnaie unique et de la zone euro. Le Royaume-Uni n’est pas membre non plus de l’espace Schengen, de Frontex, et de la coopération policière et judiciaire. Il ne vote pas aux réunions de l’Eurogroupe ou à la Banque centrale européenne. Il dispose enfin d’une exception quant à l’application de la Charte des droits fondamentaux au sein du Royaume-Uni.
Le Premier ministre britannique David Cameron avait imprudemment annoncé le 23 Janvier 2013, que sans réforme de l’Union européenne et en cas de sa réélection en 2015, il organiserait en 2017 un référendum pour consulter le peuple britannique sur le Brexit, à savoir la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Réélu en 2015, David Cameron a entamé des négociations difficiles avec l’Union européenne qui ont abouti à un accord en Février 2016. Cet accord prévoit le respect mutuel entre la zone euro et les Etats qui n’en font pas partie, l’amélioration de la compétitivité de l’économie en réduisant les charges réglementaires qui pèsent sur les entreprises, et le renforcement et l’adaptation du marché unique. Le Premier ministre britannique a également obtenu que le Royaume-Uni n’adhérera pas à une intégration politique plus poussée de l’Union européenne, et qu’il peut s’opposer dans certaines conditions à toute nouvelle proposition législative jugée incompatible avec le principe de subsidiarité. Enfin et c’est la mesure la plus concrète, le Royaume-Uni et les Etats membres pourront limiter l’accès des travailleurs de l’Union européenne nouvellement arrivés aux prestations liées à l’emploi à caractère non contributif pendant une durée de 4 ans à partir du début de l’emploi. Ce mécanisme ne serait pas permanent mais limité à une période de 7 ans. Enfin l’accord prévoit la possibilité d’indexer les allocations familiales sur les conditions de vie de l’Etat membre où l’enfant réside.
La tâche de David Cameron est de convaincre ses compatriotes de rester dans l’Union européenne est loin d’être facile. C’est en effet par référendum fixé au 23 Juin 2016 que les britanniques vont se prononcer pour ou contre le Brexit. Les arguments du Premier ministre britannique sont que le Royaume Uni sera plus en sécurité, plus fort et plus prospère s’il reste dans l’Union européenne. Il affirme que le Brexit ne serait qu’un « illusion de souveraineté » car le Royaume-Uni devrait négocier un nouvel accord avec l’Union européenne, impliquant comme c’est le cas de la Norvège non membre de l’Union européenne, la libre circulation des personnes et une contribution au budget européen. Selon lui, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne serait un « saut dans l’inconnu » avec des années d’incertitude après le Brexit, et le risque pour les entreprises britanniques de ne pas avoir un accès complet au marché européen. Il ajoute que le Brexit impliquera un nouveau référendum d’indépendance pour l’Ecosse qui avait déjà organisé une référendum en Septembre 2014.
Un coup dur pour David Cameron est la position du maire charismatique de Londres Boris Johnson qui est du même parti conservateur, et qui se prononce pour le Brexit. Il soutient que l’accord obtenu par le Premier ministre ne constitue pas une réforme fondamentale de l’Union européenne, ni un changement radical dans les relations entre la Royaume-Uni et l’Union européenne. D’autre part le Brexit est soutenu par le parti europhile UKIP dont le leader Nigel Faraj est très populaire, ainsi que l’ex-député George Galloway. Même le ministre du Travail Duncan Smith est pro-Brexit en arguant que l’ouverture des frontières ne permet pas de contrôler les terroristes et de contrer les attentats comme ceux de Paris de Novembre 2015. Un sondage effectué au Royaume-Uni après la conclusion de l’accord donne 48% pour le maintien dans l’Union européenne, 33% pour le Brexit et surtout 19% d’indécis.
Valeur aujourd’hui, il est impossible de prévoir le résultat du référendum du 23 Juin 2016. Une campagne intense pendant 4 mois va se dérouler au Royaume-Uni sur cette question. Si le Brexit l’emporte, d’autre pays membres de l’Union européenne pourront également demander à bénéficier d’un statut spécial. L’Union européenne traverse une période dangereuse suite à la vague d’émigrés qui a envahi l’Europe en 2015. Certains pays ont d’ores et déjà instauré des barrières en contradiction de l’Accord Schengen qui permet la libre circulation des personnes. D’autre part, contrairement à l’Afrique, l’Amérique et l’Asie, l’Union européenne a une croissance économique médiocre et un taux de chômage élevé. Il est à craindre qu’à l’avenir les eurosceptiques ne prennent le pas sur les partisans de l’Union. Il semble que l’erreur qui a été commise par l’Union européenne a été de privilégier l’élargissement au lieu de l’approfondissement. Notre pays le Maroc qui a une longue histoire avec l’Union européenne voit ses relations empoisonnées avec cette entité du fait de la question du Sahara. C’est ainsi que l’Accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne a été annulé par la Cour européenne de justice suite à une plainte du Polisario. Il convient, tout en défendant avec fermeté nos intérêts avec l’Union européenne, de diversifier notre économie vers les autres continents : Afrique, Amérique, Asie.
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